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Escale à TEES PORT

        Le rapport suivant est motivé par la pression allant jusqu'aux menaces dont nous avons été l'objet lors de notre escale de Tees Port. Les faits sont suffisamment graves, et heureusement encore exceptionnels, pour qu'ils soient relatés et fassent l'objet, néanmoins d'un retour d'expérience.

      Nous avons donc fait escale début janvier 2004 dans la rivière de Tees, en provenance de Skikda, chargés de 30000 tonnes de Naphta, 9m70 de tirant d'eau eau douce, navire sans différence. Nous en sommes repartis lège avec 7m50 de tirant d'eau arrière. Nous avons préparé l'escale en demandant à l'Agent, par messages, qu'il nous envoie les restrictions, règlements et habitudes, selon la marée notamment, concernant l'accostage au poste de déchargement. Pas de réponse !

      D'après le numéro du poste de déchargement, puis la fourchette d'heures de prise possible du pilote communiqués 48 heures avant l'arrivée par l'Agent, nous en avons déduit, avec l'aide des cartes et documents nautiques couvrant la région, que nous pouvions monter quelle que soit la marée.... Comme nous nous présentions de mer baissante, nous avions la présomption d'aller tribord à quai, le nez dans le courant. La sécurité du navire est ainsi garantie par une meilleure maîtrise de la vitesse et l'affranchissement d'un évitage toujours difficile à conduire avec peu d'eau sous la quille. De plus le poste comporte un obstacle à une longueur de navire en aval, débordant de la ligne de quai de deux largeurs. Il s'avère, de plus, que le vent souffle dans le sens de la rivière en direction de l'aval. Hauteur de la marée indiquée dans l'annuaire : 2m00.

      Contre toute attente, le pilote de la montée nous a infligé 2 remorqueurs en nous expliquant que c'était mieux avec 2 remorqueurs, décision unilatérale du service du pilotage, de faire un évitage puis de s'accoster bâbord à quai, c'est à dire le cul dans le vent et dans le courant ! Pas d'autre information de sa part. La manœuvre ne s'est pas très bien déroulée, car il ne maîtrisait absolument pas ses remorqueurs. Le remorqueur arrière, par exemple, continuant de tirer alors que nous étions en position, ce qui a eu pour résultat de faire forcer nos gardes arrière. Il est à noter que j'avais, longtemps auparavant, indiqué que les remorqueurs devaient être utilisés seulement en appoint et que je ne désirais pas leur concours dans cette phase de mise en place, les aussières étant suffisantes. Par contre, le pilote a été incapable de m'indiquer à l'avance les distances entre les bollards de garde afin de prévoir d'où je pourrais faire partir celles-ci : des plages ou du pont (au droit du "parallel body"). Le Guide to Tanker Port nous indiquait simplement que le poste était prévu pour des DWT 80000T, pas de dimensions. Pour un accostage tribord à quai un seul remorqueur, et encore, aurait suffi.

      Durant l'escale, l'Agent nous a donné entière satisfaction, et il s'est avéré qu'il était incapable de nous fournir un quelconque règlement ni pratique usuelle, car rien n'est disponible au niveau de ses interlocuteurs portuaires. Toujours durant l'escale, nous avons pu noter que les navires accostaient indifféremment l'étrave vers l'amont ou vers l'aval.

      Les opérations terminées, nous étions prêts à appareiller à marée haute, hauteur annuaire 4m80, courant légèrement baissant et vent soufflant vers l'aval. Un tour sur le quai m'avait conforté dans l'idée que les défenses étaient largement pourvues et surdimensionnées pour un navire de cette taille et que la coque, au niveau de l'étrave, pourrait reposer dessus bien verticalement à marée haute.

      Avant de monter à bord, les pilotes ont voulu imposer un remorqueur. Ils ont fait le forcing auprès de la capitainerie, après quoi l'Agent nous a indiqué qu'un décret spécial était appliqué pour le navire ! Une fois à bord, le pilote a menacé de porter plainte si nous ne crochions pas le remorqueur. Ce que nous avons été contraints de faire. J'ai ensuite réalisé la manœuvre, comme il convenait, en déhalant sur la garde pour faire porter l'étrave sur la défense, puis en utilisant le becker pour mettre le cul dans le vent et déborder avec un angle de 30 à 40 degré du quai, larguer la garde et battre en arrière (hélice pas à droite) pour aller au milieu du chenal. Là un coup de becker en avant pour se remettre dans l'axe, et il ne reste plus qu'à chenaler vers la sortie. Le remorqueur n'a donc pas servi, comme prévu, mais il nous sera facturé 1400GBP!

      Pour la descente, le pilote nous a produit son "passage plan", que son collègue n'avait pas jugé bon de faire, nous a indiqué un UKC de 6m50 et montré notre plan d'amarrage. Il était bien temps, nous étions au départ ! Par contre, un bref calcul nous montre que le pilote montant ne nous a pas indiqué un UKC de....1m50 (alors que les cartes indiquaient 2m00). Donc le squat, inconnu ! L'évitage, dangereux car long et nous laissant avec du courant descendant de travers pendant longtemps. De plus, si échouement, la mer baissait ! Le pilote de la sortie nous a alors indiqué qu'ils avaient des "guidelines" et que l'accostage devait être effectué parallèle au poste et nez vers la sortie, et que 37000 DWT était un très gros navire, et que..... et que....

      Outre le fait que ces pilotes ignorent beaucoup des principes de base et du sens marin, à commencer par celui qui est repris dans les ouvrages du Nautical Institute, pour ne citer qu'eux, on s'est retrouvé devant les aberrations suivantes:
  • L'ignorance de l'art de la part des pilotes nous a fait dépenser 1400GBP de façon injustifiée.
  • Les pilotes se sont révélés être juste des adjoints aux autorités portuaires, et non pas des auxiliaires du capitaine
  • Pire, ils ont fait supporter au capitaine, par leur ignorance et leur inconséquence (UKC,...) des risques accrus pour lequel le capitaine garde l'entière responsabilité, alors qu'on le fait passer au contraire pour un irresponsable et qu'on le menace comme un délinquant.
  • L'attitude négative des pilotes créé des tensions et force à une attention accrue sur certains points, ce qui peut conduire à en négliger d'autres.
      En résumé, tous les ingrédients étaient réunis pour conduire à un incident majeur durant le temps des transits portuaires vécus au cours de cette escale (Voir Bridge Team Management, stage BRM).

      L'attention des capitaines faisant escale dans ce port doit être accrue, à commencer par l'arrivée sur la bouée d'atterrissage, très proche du chenal où il serait logique de nous faire faire un giratoire par le nord mais où le VTS s'inquiète plus des soutes que l'on a à bord que de la sécurité des approches.

Cdt Bernard ANDRIEUX
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