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Sauvetage en Méditerranée

Y a-t-il des bons et des mauvais naufragés ? Et le sauvetage en mer est-il la chasse réservée des Etats qui eux seuls peuvent déterminer qui doit être secouru? C'est ce que l'on peut penser depuis que toutes les organisations humanitaires présentes en Méditerranée se sont vues privées des moyens d'accomplir leur mission.
Nous, capitaines, avons appris que porter secours à toute personne en péril en mer était un devoir sacré. La convention internationale SAR a confirmé ce principe et, par le passé comme aujourd'hui, on ne compte plus les opérations de sauvetage effectuées par les navires marchands dans le monde, dans des conditions souvent difficiles et malgré toutes les tracasseries administratives dont l'administration de tout Etat a le secret.
L'Alexander Maersk a attendu 5 jours avant de pouvoir débarquer ses 113 naufragés à la fin juin. On imagine les difficultés que le capitaine de ce navire a rencontrées, tant sur le plan matériel qu'administratif.
Recueillir plus de 100 naufragés sur un navire conçu pour loger et nourrir une vingtaine de personnes est une opération très difficile. Obtenir les autorisations administratives pour leur débarquement l'est souvent davantage.
Il semble que le capitaine de l'Alexander Maersk ait eu le soutien de son armateur danois, l'un des premiers au monde. Mais en sera-t-il toujours de même quand on connaît les contraintes auxquelles sont soumis les grands porte-conteneurs et la pression que subissent leurs capitaines pour tenir leurs horaires ?
Depuis que les organisations humanitaires ne peuvent plus exercer leur mission en Méditerranée, les capitaines des navires marchands sont davantage confrontés à ces situations dramatiques avec le risque de se voir considérés comme complices des passeurs par les autorités des pays où ils auront enfin obtenu, après de nombreuses difficultés, le droit de débarquer leurs naufragés.
Si plusieurs organisations humanitaires sont aujourd'hui suspectées par certains dirigeants de "complicité de trafic d'êtres humains », c'est de ce même chef d'accusation que devront peut-être se défendre les capitaines de navires qui se seront portés au secours de naufragés, n'effectuant que leur devoir dans le respect des conventions internationales.
Nous redoutons cette dérive qui tendra inévitablement à criminaliser davantage les capitaines se portant au secours des naufragés.
Un naufragé est un naufragé et notre devoir de marin est toujours de lui porter secours.

Cdt Ph. Jourdan

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