Hier nous avons pu être convaincus du fait que les catastrophes maritimes dans nos régions
lorsqu'elles sont bien médiatisées sont à l'origine de l'évolution de la sécurité maritime.
Malheureusement, dans la précipitation, des décisions sont malgré tout prises un peu vite sans une
étude approfondie des conséquences à long terme (par exemple, le pétrolier double coque sera-il aussi
sûr qu'on veut l'espérer dans 20 ans?)
Les marins sont rarement associés à la conception des futurs navires, ni à leur construction. Les
réductions d'effectif ont limité la maintenance à un minimum, quant aux contrôles souvent imposés,
incomplets, parfois répétitifs et quelquefois abusifs,
ils sont absolument nécessaires et doivent être
menées par des vrais professionnels.
Nous n'avons pas encore assisté à toutes la variété possible d'accidents maritimes avec leur
conséquence en perte de vie humaine ou de catastrophe écologique.
Peu d'accidents sont bénins au sens écologique, souvenez vous de ce paisible cargo "FENES" chargé
de blé qui s'est éventré sur la côte Corse, créant une pollution significative par le fermentation du blé
répandu sur le fond.
Nous avons vu le porte conteneurs "MELBRIDGE BILBAO" venu s'échouer sur les rochers de l'île de
MOLENE comme ses frères "KINI KERSTEN" sur une plage du Cotentin ou "COASTAL BAY" à l'entrée
de LIVERPOOL parce que l'officier de quart s'était endormi.
- Imaginons le porte conteneurs de 12000 boites que certains armateurs veulent construire, se
brisant sur la côte, conteneurs chargés évidemment d'une énorme quantité de produits dangereux
ou polluants.
- Imaginons à la place d' "AMOCO CADIZ" un LPG de 75.000 m3 chargé de propane ! Que serait
devenue la population et toute la vie côtière ? Le propane se vaporisant et restant
particulièrement froid aurait recouvert la côte asphyxiant tout, à moins de ne rencontrer une
étincelle créant une énorme explosion !
- Imaginons un transport de GNL de 125.000 m3 victime d'un abordage à proximité d'un port ! Le
méthane, (à -164°C) se déversant à la mer, créant un iceberg qui en se désintégrant
progressivement bombarderait de glaçons les environs tout en créant des ondes de choc et
créant un risque pour la navigation aérienne.
- Imaginons le désastre qu'aurait pu présenter l'abordage du "VASCO da GAMA", éthylénier, devant
TERNEUZEN, qui n'a heureusement pas eu de cuve touchée... certains spécialistes disaient que
si une cuve s'était déversée brutalement dans l'estuaire, l'explosion se serait fait sentir
jusqu'à Anvers où plus aucune vitre ne serait restée en place.
- Imaginons l'abordage d'un navire à passagers, loin de côtes équipées, par un transport de gaz
(certains constructeurs "géniaux" imaginent déjà des paquebots avec 10.000 passagers !). Le
feu, l'explosion, la tempête etc.. rendant le sauvetage immensément difficile.
- Mesure-t-on les conséquences d'une brèche dans une cuve d'un chimiquier transportant du "VCM"
ou tout autre produit hautement cancérigène à l'abord d'un port ?
N'oublions pas que tout navire, même les caboteurs, peuvent devenir abordeur et être à l'origine de
catastrophe, pourquoi les administrations autorisent-elles des effectifs si squelettiques et par le fait
acceptant le risque ?
Cette litanie apocalyptique, non pas pour vous empêcher de dormir ce soir, mais pour poser les
questions :
- Les décideurs, nos protecteurs, les organismes de sauvetage et de protection sont-ils prêt à
affronter de tels désastres ? Chaque accident semble surprendre et oblige à innover. Sauf peut
être la lutte contre la pollution par hydrocarbures, hélas assez courante, qui a fait des
progrès, encore que la mise en place de cellule d'intervention doit encore poser bien des
problèmes en maints endroits !
- Se donnera-t-on les moyens de limiter la course au gigantisme ?
- A-t-on fait le maximum pour éviter les accidents ? La meilleure prévention passe par la
formation (STCW doit être strictement appliqué - les règles doivent être identiques pour tous -
le retard de six mois accordé pour son application est bien suspect !). Formation adéquate
signifie meilleure qualité des équipages et de leur travail.
- A-t-on fait le nécessaire pour la surveillance de la qualité de vie des marins, de la qualité
des navires et du traitement de leurs effluents ?
- Ne l'oublions pas, ce sont les marins souvent les premières victimes et c'est de la qualité de
leur travail que dépend la propreté des mers.
En juillet, le code ISM sera obligatoire sur tous les navires. Les scénarios "catastrophes" y sont
théoriquement prévus. Depuis le 11 septembre, les armateurs et navigateurs mais aussi et surtout les
autorités doivent envisager la présence de terroristes sur les navires et ne pas oublier toutes
mesures contre les pirates dont le nombre de méfaits ne semble guère baisser.
Cdt Jacques LOISEAU
Vice-Président
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