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La Route du Rhum 2018

La Route du Rhum 2018 a réservé, comme à l'accoutumée, des surprises. Pas dans le sens où le vainqueur n'aurait pas été celui qui était attendu, et à vrai dire cela m'importe peu. Mais plutôt sur les incidents survenus pendant la course.

Même avant la course, si on tient compte de ce skipper qui a oublié de sortir son bateau avant la marée basse, qui s'est retrouvé échoué à quai dans le port de Saint-Malo et n'a pu rejoindre à temps la ligne de départ. Oubli du phénomène de marée, de ses horaires… Une erreur de jeunesse probablement. Mais quand je pense au temps passé en calculs de marée, que ce soit à l'école ou à bord, pour vérifier le laps de temps que l'on avait pour aller à quai…

Une autre histoire, en mer celle-là, m'a interpelé. Parue au journal "20 minutes Marseille Provence" du 15 novembre. Le titre : «Une collision pareille, c'est irréel !». Quelques extraits de l'article :
«Le skipper Sébastien Destremau a percuté un autre participant». «Priorité à droite. La règle s'applique aussi au beau milieu de l'Atlantique. Et quand on l'enfreint, il faut remplir un constat». Ou plutôt, en l'occurrence, «un rapport de mer». Au téléphone satellite, le skipper toulonnais (Destremau) raconte cette «fortune de mer».
«C'est un phénomène incroyable, je n'avais jamais entendu parler de ça. Quelles sont les probabilités, quelles sont les chances (sic) d'une collision en pleine mer?»
«Il était 6h du matin, c'était la nuit noire. Je faisais cap vers le Sud, Ari allait vers l'Ouest. On allait se croiser mais le principe de priorité, en mer, c'est que ce sont les bateaux qui viennent de la gauche qui doivent s'écarter. Donc j'étais prioritaire ! J'en ai profité pour relâcher un peu la pression, me reposer dans la bannette. Et d'un coup, mon bateau a été emporté comme s'il était balayé par une vague. Je me suis retrouvé couché dans l'eau, cap à l'Ouest, le bateau complètement à plat… Ça n'a duré que quelques secondes, mais ça a suffi pour faire tourner mon bateau de quatre-vingt-dix degrés. En fait, j'ai attrapé l'arrière de son Imoca…»
Et là, je tombe de ma chaise. Je relis pour être sûr, mais oui ! Puisque prioritaire, je ne surveille plus, je vais me coucher !!!! Je ne vais pas revenir sur le RIPAM, les règles à appliquer, mais quand même.
 
Je me rappelle d'un commandant qui disait que pour lui les bateaux les plus dangereux, et qu'il fallait donc surveiller de près, étaient ceux qui n'avaient pas la priorité. Que lorsque c'était son navire qui n'avait pas la priorité, il savait que le chef de quart allait manœuvrer. Par contre lorsqu'il avait la priorité, il fallait continuer à surveiller, au cas où.
Quel capitaine parmi nous (et vous remarquerez que je n'ai même pas mis de pluriel à capitaine) a dit à son chef de quart, voire écrit dans ses consignes permanentes, que si on avait la priorité, nul n'était besoin de vérifier si l'autre navire manœuvrait ou pas. De continuer à corriger ses cartes, remplir les check-lists ISM, ou tout autre activité enrichissante du même acabit sans plus se soucier de ce qui pouvait se passer sur la mer jolie.
Et oui, pas le même monde.

Le 16 novembre, un autre concurrent, cette fois-ci proche de l'arrivée, Alex Thomson s'accorde un moment de sommeil avant d'entamer le tour de la Guadeloupe. Batterie déchargée, son réveil ne fonctionne pas. Son équipe à terre le voyant aller à 19 nœuds directement sur la terre, l'appelle au téléphone, sans parvenir à le réveiller. Il talonne près de la pointe de la Grande Vigie, bateau très endommagé. Il se dégage au moteur avant de rallier la ligne d'arrivée à la voile.

Alors, on peut encore et toujours se demander si le fait d'être seul à bord est en accord avec la sécurité en mer. Mais il vrai que nous, capitaines de navires pollueurs voyous des mers, ne sommes pas des héros.
Cdt Hubert Ardillon
président du CESMA, vice-président de l'AFCAN
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