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Rencontre 2021 Marine nationale - Armateurs.
ENSM - Le Havre 17 novembre 2021  

Quelques mots de bienvenue par la directrice générale de l'ENSM : « La mer sépare les régions qu'elle peut unir également ». Cette phrase peut aussi s'appliquer aux différentes Marines. Il y a des savoir-faire, des expertises identiques pour naviguer sur un navire de commerce et un navire de guerre.
Puis le président d'Armateurs de France (AdF) a rappelé le lien entre les deux Marines, en revenant principalement sur la crise « Ponant » de 2008 dans le golfe d'Aden.
Enfin le sous-chef d'état-major a rappelé les activités de 2021, à savoir la présence permanente de 30 à 40 navires militaires à la mer, les problèmes de migration, de piraterie dans le golfe de Guinée, les tensions dans le Pacifique entre la Chine et les USA. Ce sont les missions AGENOR dans le golfe Arabo-Persique, CORYMBE dans le golfe de Guinée.
Il a aussi mis en exergue le MICA Center, basé à Brest, et son travail dans le domaine de la cybersécurité avec plusieurs accords passés dans le cadre de ATALANTA ou MSCHOA. D'autres accords avec d'autres Etats sont en discussion (Singapour, Inde, Madagascar et des Etats européens).
Selon ses dires : « La clé est la circulation de l'information ».
A une question sur les actes de piraterie dans le golfe de Guinée, il répond que même si la réponse de l'Etat nigérian s'est bien améliorée, il faut encore faire grandir le partenariat avec les autres pays de la zone. Cela pousse les pirates à aller maintenant plus loin et il y a plus de Marines au large (l'Italie en autres) et cela crée plus de difficultés pour fomenter des actes de piraterie. Il a cependant regretté que la Grande-Bretagne et les Etats Unis ne soient pas très présents sur zone.

Première table ronde : Gestion des flux et de l'information maritime

Le MICA Center (créé en 2016) a une vocation d'information mondiale. Tous les domaines de la sûreté maritime sont couverts : piraterie, brigandage, trafics illicites (y compris migratoires), pêches illicites et cybercriminalité. L'objectif du MICA Center est de collecter et de remonter les informations après vérification, quel que soit l'endroit d'où elles viennent, vers les armateurs pour sécuriser le trafic maritime. Les informations confidentielles déjà diffusées ont permis la confiance entre les deux Marines, marchande et militaire.
Coopérer avec le MICA Center est un système gagnant/gagnant pour les armateurs et surtout pour les capitaines qui peuvent le joindre à tout moment et se retrouvent donc moins seuls face à un incident.
Le MICA Center devrait étendre sa coopération avec des compagnies de sécurité et optimiser ainsi le Contrôle naval volontaire (CNV).
Un navire moderne, c'est presque 3 000 capteurs connectés au bord, 450 km de câbles électriques, 2 TB de données générées tous les 100 jours. Et échangées. Il est plus que nécessaire de réduire le risque de diffusion inappropriée. Pour cela il y a trois niveaux à appliquer (organisationnel, technologique et assurance :
Stratégie de réduction du risque :



L'AIS est une mine d'or pour la sûreté, les informations contenues et celles cachées permettent de mieux comprendre les mouvements des navires.
Les perturbations consistent à faire apparaître des navires à des endroits où ils ne sont pas (cas du HMS Defender apparu à Odessa par exemple), un navire peut aussi se retrouver à plusieurs endroits en même temps, ce qui permet de cacher sa vraie position (récurent dans le domaine de la pêche illégale), on peut aussi positionner fictivement un navire dans une zone autorisée alors qu'il peut se trouver en réalité dans une zone interdite (navire militaire principalement mais aussi marchand), idem positionner fictivement un navire dans une zone dans laquelle il ne respecterait pas la réglementation environnementale peut avoir un impact fort et important sur une société de transport, donc une perte d'influence sur le marché entraînant de facto d'importantes pertes économiques sur le long terme.

Différentes menaces sur AIS et GNSS :
Usurpation de navire.
Un message AIS est diffusé donnant des détails sur un navire inexistant, par exemple un navire d'une certaine Nation dans les eaux territoriales d'une Nation hostile, conduisant cette dernière à prendre des contre-mesures. Alternativement, plusieurs versions des détails d'un navire réel peuvent être diffusées en le plaçant dans de nombreux endroits simultanément afin de masquer son véritable emplacement.

Usurpation d'aide à la navigation.
De fausses aides à la navigation, telle une bouée avertissant des hauts-fonds, sont diffusées afin de forcer un navire à changer de cap et l'envoyer ainsi dans une région dangereuse.

Usurpation de collision.
L'anticollision est (malheureusement) l'une des principales utilisations de l'AIS. En fournissant des détails falsifiés d'un navire en route de collision, on peut ainsi forcer un navire à modifier son cap pour éviter une collision anticipée et le diriger vers une véritable collision.

Usurpation d'identité AIS-SART.
La recherche et le sauvetage sont une des principales utilisations de l'AIS. Une telle attaque génère un transpondeur SART falsifié donnant des détails sur une fausse détresse. Le navire étant légalement tenu de porter assistance, cette usurpation SART peut être utilisée comme un leurre pour attirer un navire vers un endroit où il peut être attaqué.

Usurpation de données météorologiques.
L'AIS peut être utilisé pour relayer des informations sur les conditions météorologiques d'une zone. Une fausse prévision, en particulier celle prédisant de bonnes conditions alors qu'une tempête arrive, peut être utilisé pour mettre un navire en difficulté.

Détournement AIS.
Il est également possible de contourner le signal envoyé par un navire en diffusant en même temps et à la même fréquence un signal plus puissant. Il est alors possible de modifier certaines données du message d'origine, par exemple pour suggérer que le navire a une cargaison nucléaire dans une zone où ce type de cargaison est interdit.

Le projet ANAIS.
Projet en collaboration avec l'EMSA (European Safety Maritime Agency) a pour but d'analyser les incohérences de situation maritime. Les données sont fournies par le flux sécurisé de l'EMSA, confirmées par celles de l'AIS satellitaire. Cela permet de détecter les coupures d'AIS (par exemple en cas de transbordement illégal). On peut remonter sur les trajectoires habituelles du navire, et ainsi détecter des incohérences. Grâce à l'AIS satellitaire, la couverture est mondiale. D'autres origines de sources de données sont à l'étude : CISE (Common Information Shared Environment) et SPATIONAV. Le projet ANAIS est actuellement accessible au seul ministère des Armées, mais il pourrait dans l'avenir être proposé aux armateurs.

Le responsable sûreté de Bourbon a ensuite évoqué le problème du golfe de Guinée, perception de la menace et les informations fournies aux capitaines suivant leurs classifications : les cycles de saison, les zones d'opération, les méthodes d'opération, les localisations. Certaines compagnies ont des connaissances accumulées par les expériences, d'autres en ont beaucoup moins, et il faut alors contracter des compagnies de sûreté maritime.

« Le capitaine est seul face au danger ». L'avantage du MICA Center est qu'il y a une réponse immédiate, quelqu'un au bout du fil. Et c'est important pour le capitaine.
Il y a plus de dangers en novembre/décembre parce que les Marines locales ont moins de carburant, donc moins de présence sur zones. Et comme il n'y a pas d'unification des règlements des pays côtiers et que la présence des navires de sûreté sur zone est plus ou moins aléatoire,les attaques varient en fonction des renseignements détenus par les pirates.

Une amélioration serait possible si on savait où sont les navires militaires. Mais il y a le secret entourant les opérations militaires. On a alors accès à un bulletin d'analyse, mais ce sont des tendances, de la prospective.

Lors de la séance de questions/réponses qui a suivi les présentations, il a été dit que l'on travaillait actuellement sur l'enveloppe du signal AIS. BIMCO a aussi demandé des exceptions sur la mise en service de l'AIS suivant les zones, sauf qu'il a de nouveau été dit que l'AIS était une aide pour l'anticollision (remarque personnelle : !!!).

Les problèmes AIS rejaillissent aussi sur l'organisation portuaire. Par exemple, il y a eu des problèmes AIS sur le port du Havre, les signaux AIS ayant été brouillés par les camions, au départ pour avoir une non-surveillance des conducteurs de camions, ce qui a entraîné des déplacements aléatoires de grues sur le port.

Seconde table ronde : Formation maritime et enjeux communs

Il y a d'importants besoins dans les deux Marines. Avec les mêmes défis : recruter et former pour des carrières de plus en plus courtes dues à l'évolution des métiers par la numérisation, l'automatisation, connaissances et métiers spécifiques. S'adapter à la technologie entraîne une polyvalence de fait. Les navires ont changé aussi. Il y avait 250 personnes sur une frégate, désormais une centaine seulement.
L'ENSM va doubler ses promotions à la rentrée 2025, mais cela ne suffira pas (!!!).
Il devient nécessaire de fluidifier les passerelles Nationale / Marchande.

Note personnelle : ce sera toujours dans le même sens bien sûr. Car il est considéré qu'il faut des connaissances particulières pour naviguer sur un navire militaire, alors que l'on fait totalement abstraction des connaissances particulières pour naviguer et opérer un navire de commerce. Quand on pense qu'il n'est même pas possible, par manque de certificats de qualification adéquats, à un marin marchand de changer de genre de navigation (de PC à LNG par exemple), comment peut-on sérieusement envisager qu'un militaire formé par exemple à être canonnier ait par avance toutes les compétences et les qualifications nécessaires pour embarquer sur un pétrolier. Il serait bon de commencer par fluidifier les passerelles marchande / marchande, mais STCW en a malheureusement décidé autrement.

Conférence : Evolution du narcotrafic par voie maritime

L'année 2021 est une année record en ce qui concerne les saisies, 43 tonnes en novembre, soit deux fois la quantité saisie en 2018, année record à l'époque. Trois raisons pour expliquer cette quantité. D'abord la pandémie qui a considérablement freiné, voire stoppé pendant quelques mois, le trafic aérien, et donc un repli vers le trafic maritime. Ensuite la coopération internationale s'est énormément améliorée. Enfin, et c'est certainement le point le plus important, la production mondiale de drogues ne cesse d'augmenter.
Les compagnies de navigation participent bien évidemment aux saisies en informant les autorités lors des escales de la présence de stupéfiant à bord. 92% des saisies sont effectuées dans des conteneurs, mais il existe bien d'autres caches tant sur la coque du navire qu'à bord.

Il est aussi assez facile de cibler des employés pour faciliter la mise à bord des stupéfiants.

Les employés peuvent être des marins, d'où la nécessité de ne pas laisser trop longtemps les marins sur un même navire ou sur une même ligne. Mais ils peuvent aussi être des travailleurs portuaires. Avec des conséquences dommageables pour les travailleurs et leurs familles car c'est un milieu où on ne peut pas accepter de ne faire qu'une fois ou deux ce type de trafic, histoire d'arrondir une fin de mois, et de s'arrêter ensuite. Décès subits, enlèvements, agressions deviennent fréquents dans les enceintes portuaires, les volumes financiers induits s'accompagnent d'une radicalisation des méthodes employées par les trafiquants.
Cdt Hubert Ardillon
Vice-président de l'AFCAN


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