En passant par les passerelles.
Nous poursuivons ici la chronique du Cdt Chennevière, les ports d'Afrique. Casablanca J'avais fréquenté ce port quand j'étais embarqué sur le « P.E. de Caplane » et j'y revins deux ou trois fois par la suite sur des navires du «Service rapide». Mais était-ce en tant que second capitaine ou commandant, je ne m'en souviens plus. Toujours est-il qu'il s'agissait d'embarquer dans nos frigos des primeurs, fruits et légumes, propres à agrémenter la cuisine des expatriés d'Afrique noire en leur rappelant les saveurs du pays. Toutefois l'expérience ne dura pas longtemps car les incertitudes quant à la disponibilité du poste à quai, ainsi d'ailleurs que des marchandises, engendraient des risques de retards incompatibles avec la régularité sur laquelle la ligne basait sa réputation. Je n'ai donc aucune anecdote relative au transport maritime à évoquer sur ce port. Agadir Il en est de même pour celui-ci où j'ai escalé, une seule fois je crois, là aussi pour embarquer fruits et légumes. Il ne m'en reste aucun souvenir particulier, sinon qu'il faisait beau et que le rapport entre le temps passé et le tonnage embarqué ne justifiait peut-être pas l'escale. Port-Etienne Là, c'est une tout autre histoire et les particularités nautiques et géographiques de ce havre - on ne peut en effet écrire « port » à son propos - font que, même bien après la période héroïque de l'Aéropostale, on ne peut prononcer ce mot sans que des souvenirs vous viennent à l'esprit. Il y avait d'abord à négocier la courbure de la passe étroite pour entrer dans la baie. Cette passe, j'avais eu l'occasion en tant que second capitaine, de la pratiquer sans radar, certes avec Bernard C. celui-ci valant bien celui-là, et c'était sans doute un bon exercice préparatoire. Mais, plus tard, même disposant du radar, cela restait assez impressionnant en particulier de nuit. Ou bien celle-ci était obscure et il fallait se fier aux instruments faute de discerner quoi que ce soit à la vue, ou alors trop tard, soit la lune éclairait les sables blancs du cap du même nom, sables qui paraissaient si proches et menaçants qu'ils donnaient l'envie de s'en écarter, envie à laquelle il ne fallait surtout pas succomber car c'eut été risquer de tomber de Charybde en Scylla, les bancs immergés de l'autre bord étant fort proches. Restait à maintenir l'œil rivé sur l'écran radar et à croiser les doigts. L'entrée devait en rebuter certains et il arrivait qu'un navire étranger, peut-être faute de cartes du lieu, attende à l'extérieur dans le très hypothétique espoir de voir arriver un pilote. Tant pis pour lui, tant mieux pour celui qui, bien que s'étant pointé plus tard, n'en prenait pas moins son tour pour l'obtention des moyens de manutention puisque c'était l'heure d'arrivée au mouillage intérieur qui comptait. Car une fois parvenu à ce mouillage restait à mettre le fret à terre ou plutôt, faute de quai, en dehors de celui dédié à l'embarquement du minerai, apte à recevoir les gros navires, sur allèges. Or comme notre chargement était presque uniquement constitué de colis lourds, matériel ferroviaire et de travaux publics les plates propres à le transporter étaient en trop petit nombre pour tout recevoir et devaient donc effectuer plusieurs rotations avec la perte de temps que cela impliquait. L'attente aurait pu laisser du temps pour aller à terre mais comme il n'y avait rien à voir à part du sable et toujours du sable avec quelques maisons bâties dessus, pratiquement personne n'était tenté. J'ai pourtant profité une fois de l'occasion, accédant à l'invitation de l'agent, que j'avais moi-même reçu à bord. Le souvenir marquant que j'en ai gardé tient à ce qu'il y avait dans la concession une hyène en cage, apparemment assez apprivoisée et calme. Tout au moins fallait-il le croire car le jeu à exécuter, ou l'épreuve à subir, consistait pour les gens de passage à introduire son avant-bras dans la gueule de la bête. Je l'ai fait, non sans appréhension sachant la force que peuvent exercer les mâchoires de cet animal. Etait-ce par forfanterie ou pour l'honneur de la Delmas ? Je n'ose me prononcer si longtemps après, mais s'était sans doute un peu des deux. Je ne clorai pas ce chapitre sans dire que l'attente sur rade était souvent mise à profit pour des opérations de troc avec les pêcheurs bretons ou autres opérant dans le coin. Poisson contre eau…. et pastis pour teinter celle-ci. Cdt J. Chennevière,†
Membre fondateur de l'Afcan et du Cesma. |