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Les métaphores maritimes, politiquement correctes…
Les marins sont toujours surpris par la propension qu'ont nos hommes et femmes politiques à utiliser, lors d'élections présidentielles, le jargon maritime pour donner plus de punch à leurs slogans ou définir les orientations de leurs campagnes. Il faut dire que le langage des marins a un sacré potentiel, très expressif et suggestif parfois.
N'a-t-on pas entendu récemment les candidats se gargariser de termes clichés tels que «capitaine tempête», «capitaine courage», «capitaine de pédalo», et se livrer entre eux à une vraie bataille navale avec invectives et comparaisons à peine voilées aux fausses manœuvres du commandant du «Costa Concordia» qui n'a pas gardé «le bon cap», sans oublier la catastrophe du «Titanic» de sinistre mémoire, et dont les hommes politiques célèbrent le centenaire à leur manière. «On ne change pas un capitaine dans la tempête» disent les uns, «sauf quand le navire est déjà sur les récifs» rétorquent les autres !
Gare aux écueils en vue… à force de faire la «révérence» aux électeurs de tous bords.
Quant aux coups de barre, ils sont légion et partent dans tous les sens, à nous donner le mal de mer : «A gauche toute !», «A droite toute !» pour éviter que le bateau France ne prenne l'eau. Coups de barre à droite, à gauche. On nous a épargné, pour l'instant les ordres «A bâbord toute» ou «A tribord toute» qui n'ont pas cours sur les passerelles des navires français qu'ils soient du commerce ou de la Royale. Ouf ! Maritimement correct.
La machine du navire France est en surchauffe avec les vaillants «En avant toute», qu'ils soient de droite ou de gauche…Toujours en avant. Une chance.
Et tous ces débordements et louvoiements à cause de la crise. La crise, la crise, la crise ! C'est elle la fautive, la cause de tous nos maux, celle qui fait tanguer dangereusement le navire France au risque de le faire sombrer. Personne ne lui a collé un nom maritime à cette maudite crise. Bizarre ! Et pourtant, tel un ouragan, elle nous vient de loin et avance à petits pas, se nourrissant pour prendre de la vigueur, non pas d'eaux chaudes et de basses pressions, mais de dettes souveraines, de surendettement et de dépression des marchés boursiers. Sans oublier les emprunts «pourris» et «toxiques», les subprimes sans primes, les déficits extérieurs, les délocalisations, etc.
Fort de cette nourriture financière avariée notre ouragan, appelons le «Krisis», s'est musclé et a pris de la vitesse. D'«Avant très lente», il nous est arrivé dessus en «Avant toute». Pour autant, le navire France, comme bien d'autres navires Européens, (nous sommes tous dans le même bateau…) n'a pas modifié sa route, maintenant son cap contre vents hurlants et marée de tempête ! Et pourtant, il menaçait depuis si longtemps ! Sa route était suivie et prédite par les agences de notations financières, agissant en tant que bureaux de prévisions météorologiques. Aucun capitaine n'a réagi ni tenté la fameuse «règle d'or» pour éviter le monstre marin «Krisis» : changer de route pour gagner le demi-cercle maniable de l'ouragan, et éviter son demi-cercle dangereux. Ce n'était pas la mer à boire !
Ne dit-on pas que commander, ou gouverner, c'est prévoir ?
Ne serions-nous pas en ce moment dans l'œil du cyclone ? Le temps des élections sans doute. Tout est calme ou presque. Méfions-nous de cette embellie, il pourrait y avoir une inversion et renforcement des vents après le passage du centre de «Krisis».
Souhaitons qu'un(e) capitaine courageux soit élu(e) pour mener à bon port, dans des eaux apaisées, les 65 millions de membres d'équipage que nous sommes, et éviter ainsi une mutinerie-tragédie grecque, où les armateurs ont abandonné le navire «Hellas» pour les eaux troubles des ports refuges en paradis fiscaux…
Une question conclusive se pose : cette utilisation intensive par les candidat(e)s à la fonction suprême de la thématique du «capitaine de navire» s'affichant, pour certains, avec la mer calmée en toile de fond, et usant à outrance de métaphores maritimes, n'est-elle pas bon signe pour les marins, significative d'une volonté de refaire de la France une nation maritime, comme par un passé très, très lointain ?
On a le droit de rêver ! Le rêve n'est-il pas le domaine des marins…
Maritimement vôtre et Bon Vent.
Capitaine Nemo
PCC Cdt Michel Bougeard
N.B : |
«Krisis» avec un K, non pas pour cas d'école, quoique… mais plutôt pour le choix du terme grec plus approprié (eh, oui les Hellènes avaient déjà inventé ce mot, prémonitoire, n'est-il pas ?) qui signifie jugement, décision, s'opposant au «Crisis» latin, proche de la crise du malade… |
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