Il y a une grotte habitée sur l'île d'Yok. Ouverte sur le large, elle abrita un temps Morganez, une jolie sirène blonde. Cette dernière était l'amie des pêcheurs qui ne se lassaient pas d'admirer sa belle poitrine ferme et généreuse. Facétieuse, elle faisait le pitre, les amusant de ses cabrioles devant l'étrave de leurs embarcations ou dans le sillage de leurs barques, bondissant tel un dauphin.
Morganez était bien différente de ses congénères, ces créatures marines malfaisantes et cruelles, dont l'unique occupation était de séduire les marins pour mieux les égarer. Ces femmes poissons envoûtantes mais tueuses sanguinaires avaient la sinistre réputation de tentatrices perfides à la volupté trompeuse et mortelle. Morganez était tout autre, son seul défaut rédhibitoire était d'être trop gentille avec les humains. Un jour gris et tempétueux, Saint-Budog venant d'Irlande à bord d'une auge de pierre pour évangéliser les païens du Bas Léon, fut pris dans la tourmente et s'échoua sur l'île d'Yok. Miraculeusement sauvé de l'océan furibard, il rencontra l'insulaire Morganez, seule avec son chagrin, rejetée par ses consœurs jalouses de sa naïve bonté et de sa trop grande beauté. Les yeux emplis de larmes, elle errait solitaire autour de l'île, amère, sans goût pour chanter et jouer de la lyre. Morganez sombrait peu à peu dans une profonde détresse, hésitant par moments à redevenir méchante afin de retrouver la bienveillance de ses malveillantes semblables. Saint-Budog la découvrit angoissée, prostrée sur son rocher. Il eut pitié. Le saint chrétien s'en approcha, s'aperçut de sa souffrance secrète et…la bénit ! Cette bénédiction l'arracha à ses pensées douloureuses puis la transforma en une somptueuse créature marine enjouée, gracieuse et délicieuse. Le regard de Morganez retrouva pétillement et malice. De nouveau son sourire éclatant scintillait au soleil d'été. |
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