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CMA CGM définitivement condamnée
après le suicide d'un de ses commandants.



Le 31 janvier 2023, la Cour de cassation a rejeté le recours de CMA-CGCM rendant définitive sa condamnation à une amende pénale pour homicide involontaire après le suicide d'un commandant en 2011. La justice a donc estimé que CMA CGM avait « commis une faute d'imprudence en lien indirect, mais certain avec le décès de Philippe DERUY ».

Le commandant DERUY s'était donné la mort le 14 février 2011, quelques temps après une collision en mer du Nord alors qu'il était aux commandes du CMA-CGM La Pérouse. Le lieutenant, à la passerelle au moment de la collision, avait été reconnu responsable, et le commandant DERUY avait été dégagé de toute responsabilité.
Il avait d'ailleurs réembarqué sur le CMA CGM La Pérouse pour, entre autres, former le commandant qui le remplaçait sur le navire – c'est dire la responsabilité que l'armement lui imputait – avant d'être muté à terre vers un poste non défini. Ce qui avait détérioré son état moral, déjà entamé par l'incident nautique.

À l'époque, l'AFCAN, dont j'étais le président, avait publié un communiqué de presse dont voici un extrait :
« Cet événement dramatique met en lumière les conditions psychologiques très difficiles, quelque fois terribles, dans lesquelles les capitaines de navires exercent leur métier.
Pour un capitaine qui aime son métier, lui retirer son commandement après un accident, et quel que soit le poste proposé à terre, est une lourde sanction bien réelle. Celui qui, jusque-là, avait la confiance totale de son armateur subit un véritable traumatisme, cette confiance, obtenue à la suite de dizaines d'années d'études, de formation et d'expérience à la mer disparaissant alors en quelques instants.
Malgré le discours ambiant sur le management, la prise en compte du facteur humain, et bien d'autres choses encore, les motifs de pression sur le capitaine n'ont jamais été aussi nombreux.
[…]
Loin de nous l'idée d'enlever la responsabilité du capitaine, mais il est nécessaire de lui donner les moyens de l'exercer, et de lui permettre de se défendre comme tout salarié. Le particularisme de cette fonction ne retire pas des droits élémentaires, à défaut de la considération et du respect qui malheureusement semblent plus rares aujourd'hui qu'hier.
Nous pensons que ce drame doit au moins ouvrir les yeux des dirigeants des compagnies maritimes, et nous engager tous à œuvrer pour trouver des moyens d'amélioration si l'on veut éviter d'autres tragédies, et aussi maintenir un peu d'attractivité pour ce métier exigeant .
»

Par la suite, l'AFCAN a été régulièrement en contact avec la famille (principalement son frère) du commandant DERUY qui avait décidé de porter plainte, un an après le drame, contre CMA-CGM pour homicide involontaire. Jugement prononcé en 2020, suivi d'appel par CMA-CGM.



CMA CGM définitivement condamnée – Satisfaction ?

Oui. Le contraire eut été injuste. Car c'est bien la « mauvaise gestion » de son personnel, dans le cas présent un capitaine, qui est condamnable, et condamnée. Même si je comprends que des sommes énormes sont en jeu dès qu'un navire existe, charge, décharge et navigue, le navire représente aussi un volet « humain ». Et ce sont souvent, pour ne pas dire toujours, les conditions de travail et de vie qui sont à l'origine du fameux « facteur humain » présent dans chaque incident de mer et de travail.

Non. On ne peut pas être satisfait qu'une compagnie de navigation, quelle que soit sa taille et sa notoriété, soit jugée pour de tels faits. Cela ne devrait tout simplement pas arriver.
Par contre, ce qu'il nous faut espérer, car c'est encore trop souvent le cas, c'est que ce jugement fasse réfléchir les armements sur leur comportement et la manière de gérer l'humain à bord, en cas, ou non, d'incidents. J'ai bien peur que ce ne soit qu'un vœu pieux.


Cdt Hubert ARDILLON
Vice-président AFCAN
Secrétaire général CESMA

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