Décès du commandant J. Chennevière, fondateur de l'AFCAN et de CESMA
L'année 2019 aura été pour CESMA une année noire. Outre la disparition de son secrétaire général, Fredrik van WIJNEN en juin, un des quatre pères fondateurs de CESMA, le commandant CHENNEVIERE, est décédé le 13 octobre 2019. Le commandant Jean CHENNEVIERE, je n'ai jamais pu me résoudre à l'appeler autrement que commandant bien que n'ayant jamais navigué avec lui, a été pour moi plus qu'un conseiller : un modèle, je dirai même un mentor au sein de l'AFCAN et de CESMA. Dès la première réunion AFCAN Normandie à laquelle j'ai assisté, à Fécamp en 1994, ce monsieur qui parlait m'avait marqué. Il ne parlait pas pour ne rien dire, pour raconter sa navigation, «le bon vieux temps» en quelque sorte. Non, il avait des interrogations sur le métier de capitaine, la sécurité des navires et des équipages. Il avait aussi, et surtout, une connaissance des textes de loi qui me laissait régulièrement pantois. Un savoir puisé dans la lecture de textes de loi, loi française et/ou européenne. J'écoutais et j'apprenais. Avec le commandant TROCHERIS, alors président de la Région, ils ont beaucoup insisté pour que je prenne leur suite, à leurs côtés, dans la Région. Ce qui finit par se faire. Mais pour le commandant CHENNEVIERE, être à la Région ne suffisait pas. Longtemps il m'a dit, soufflé, qu'il fallait aller vers le CESMA. Longtemps j'ai refusé, étant toujours naviguant, ce qu'il comprenait. Mais il revenait à la charge, un peu comme le chasseur qu'il était tant qu'il n'a pas attrapé sa proie. Jean CHENNEVIERE avait une âme d'organisateur, un esprit pétillant mais aussi pointilleux. La rédaction des statuts de CESMA lui est en grande partie due. Répondre à la question d'une façon générale ne lui convenait pas. Sans « rechercher la petite bête », il avait à cœur de présenter un texte qui soit clair, compréhensible et bien défini. Un des co-fondateurs de CESMA, le commandant Gerhard KIEHNE, du VDKS, m'écrivait suite à l'annonce de sa disparition : « When we worked together trying to get CESMA under way, it very often was his well balanced opinion pointing us toward progress ». Bien avant CESMA, dont la création et les premiers pas ont été racontés avec sa verve dans le numéro 114 d'AFCAN Informations paru en juin 2017, il y eut l'AFCAN. Il faisait partie de cette petite équipe qui déposa les statuts de l'AFCAN auprès du sous-préfet du Havre le 27 juin 1979, avec un siège social situé au 17 rue de Cronstadt au Havre. L'association fonctionne toujours aujourd'hui selon les principes édictés par le commandant CHENNEVIÈRE et ses quelques collègues il y a quarante ans. De la passion. Celle du monde maritime et celle des choses qui doivent être bien faites. Que ce soit une rencontre avec des journalistes locaux, l'organisation d'une assemblée générale – il avait d'ailleurs organisé avec d'autres adhérents havrais l'assemblée générale de IFSMA en 1988 au Havre, à l'époque il en était le premier vice-président, poste tenu pendant 8 années, mais aussi lors de la composition du numéro 100 de AFCAN Informations. À cette époque, il avait déjà de grosses difficultés de vision, faisant chevaucher deux paires de lunettes pour lire un article. Il avait très souvent la remarque pertinente sur le choix d'un article, et savait l'exprimer d'une façon passionnée. Passion, je le précise, qui n'avait aucun rapport avec le niveau de la bouteille de Chablis que nous partagions (à trois avec Claude PELTIER) lors de nos séances de lecture/choix/résumé/composition des articles qui allaient faire le numéro 100. Un chouette souvenir. Depuis qu'il ne pouvait plus se déplacer et venir aux réunions de Région, pour cause de maladie, je lui téléphonais de temps en temps, certainement pas assez régulièrement. Nous parlions de l'AFCAN, bien sûr, mais aussi de CESMA. Toujours au courant de l'actualité maritime européenne, il m'interpelait sur des textes parus en anglais, me citant des phrases qu'il avait notées ou encore de mémoire. À chaque fois que je raccrochais le téléphone, j'étais bluffé par sa vivacité d'esprit et le petit conseil qu'il m'avait insidieusement glissé dans l'oreille. Il me disait aussi parfois : «C'est quand je vois le mauvais temps sur rade du Havre que je me dis qu'on est bien à terre». À Dieu et Merci Commandant.
Cdt Hubert Ardillon
Président de CESMA Vice-président de l'AFCAN |