Retour au menu
Retour au menu
Cherbourg, premier port des Liberty ships en 1944.



Par son emplacement à l'entrée de la Manche, le port de Cherbourg est rapidement devenu l'une des portes des Américains. De la Libération jusqu'à la fin des années 50, le Cotentin va accueillir des centaines d'escales de Liberty ships déchargeant diverses marchandises : de la nourriture, des vêtements, du charbon et même des colis plus encombrants, tels que des locomotives à vapeur, le réseau français étant totalement dévasté.
Dans les années 50, les Liberty ships sont de moins en moins nombreux, et dans les années 60, les derniers Liberty ships font escale à Cherbourg.

L'arrivée des quatre premiers Liberty ships

Le port de Cherbourg a eu un rôle déterminant et décisif dans le succès des Allié en Europe. La reconquête de Cherbourg a duré près de trois semaines. Du débarquement sur la plage de la Madeleine à Sainte-Marie-du-Mont (Utah Beach) le 6 juin 1944, les troupes américaines ont libéré la «forteresse de Cherbourg» le 26 juin, après de violents combats dans le Cotentin, notamment à Carentan et Montebourg.
Afin de permettre l'accès au port de Cherbourg, dont la rade était infestée de mines sous-marines déposées par les Allemands, les dragueurs de mines britanniques, canadiens et américains se sont employés dès le 1er juillet à nettoyer un chenal d'accès dans les passes de la rade. Le déminage de la rade prendra des mois entiers.
Le 16 juillet en milieu de journée, le convoi des quatre premiers cargos du type Liberty ship, partis au matin de la côte anglaise pour traverser la Manche, se présente au poste de contrôle du fort de l'Ouest. Pris en charge par le Forth Major Port, les cargos portant les matricules MT 297, MT 298, MT 295 et MT 303 sont invités à mouiller à l'intérieur de la digue du large, entre le fort Central et le fort de l'Ouest, dans une zone passée au peigne fin par les dragueurs de mines. Pour des raisons de sécurité, ces gros navires ne quitteront pas leur mouillage.
Pour l'instant seuls sont autorisés à se déplacer prudemment sur la rade, en suivant les chenaux délimités par des bouées, les bâtiments de faible tonnage et de petit tirant d'eau, tels que Landing craft tanks (LCT) et Landing craft mechanized (LCM), barges et radeaux, chaloupes et camions amphibies. Les photos prises par les services américains du Signal Corps nous montrent cet après-midi-là un LCT, l'US 524, accosté à couple du premier Liberty ship. Comme les autres bâtiments de sa catégorie ce dernier n'arbore pas son nom sur la coque, et porte son seul numéro de série MT 297, la série MT étant spécialement conçue pour le transport des véhicules et des engins mobiles. Ce numéro est bien visible, côté bâbord, au sommet de la superstructure près de la cheminée. Selon des sources complémentaires, le nom du navire serait celui de Nathaniel Bacon. La poupe du Liberty ne comporte aucune inscription, contrairement aux usages de la marine. Elle est surmontée d'une plate-forme circulaire équipée d'un canon anti-aérien. Les nombreux et puissants mâts de charge surplombant les panneaux de cale avant et arrière permettent au cargo de se décharger par ses propres moyens. Ils donnent aux Liberty ships leur silhouette très reconnaissable.
Le LCT dispose d'une porte avant conçue pour s'abaisser à l'horizontale lorsqu'il s'accoste face à une grève en pente douce, formant ainsi une rampe qui permet aux véhicules transportés de débarquer par leurs propres moyens. Les LCT peuvent transporte aussi bien dix-huit chars d'assaut que vingt camions ou encore des bulldozers, des engins de terrassement, des grues sur chenilles.
Ici, les grues sur chenilles seront débarquées en premier lieu, elles seront tout à l'heure indispensables pour les opérations de transfert au sol entre les dukws (*) et les camions de transport.
(*) Les dukws sont des véhicules amphibies destinés à décharger les cargos en l'absence de port. Ils ont très vite pris le surnom de duck (canard). Déplaçant 6 tonnes et demie, longs de 9,50 m, ils disposent de 3 essieux moteurs et d'une hélice marine. Le duck peut transporter 2 à 3 tonnes de matériel divers.

Seul l'un des plus gros mâts de charge surpuissants, dénommé Jumbo, de 50 tonnes de capacité (le cargo en possède deux de ce type) est apte à soulever les lourdes grues chenilles. Le LCT, après avoir chargé quatre de ces grues, va gagner, non la nouvelle plage (future « plage Napoléon », car située au bas de la place où figure la célèbre statue de Napoléon), qui, ne se prêtant guère à l'atterrissage des LCT, est réservée aux camions amphibies, mais la base aéronavale toute proche dont le littoral fait l'objet d'un aménagement à cette fin.
 




Ce jour-là, par un temps très calme, une mer d'huile, une dizaine de dukws chargés d'hommes, s'apprêtent à rejoindre à la queue-leu-leu le Nathaniel Bacon. Arrivés le long du bord, ils se succèdent à l'aplomb des mâts de charge. Les approvisionnements et leurs conditionnements sont très divers, depuis les boîtes de conserve, les rations de combat, les médicaments, les pièces de rechange jusqu'aux caisses de cartouches, de roquettes ou d'obus, le plus pratique est de grouper tout cela dans de grands filets, en laissant le soin aux services de l'intendance de faire le tri à l'arrivée aux dépôts. Tandis que le précédent «canard» reçoit sa charge, le suivant est en train de manœuvrer pour lui succéder. Tâche fastidieuse et répétitive avant le long trajet à travers les deux rades, jusqu'au «dukw point number one» de la plage.

A l'autre bout de la chaîne, sur la terre ferme, comme le mentionne le rapport américain «History of the Fourth Major Port», ce fut exactement à 17 h 30 que le premier camion amphibie de la 821st Amphibian Truck Company vint toucher terre sur la «nouvelle plage». Quelques minutes plus tard, poursuit le rapport «à l'ombre de la statue de Napoléon, la charge fut transférée par une grue chenillée sur un camion de la 3 884ème compagnie d'intendance qui la conduisit jusqu'au dépôt du Signal Corps, situé à 9 km de la ville».

La montée en puissance du port de Cherbourg

A partir de l'arrivée des premiers Liberty ships, les évènements se bousculent : la montée en puissance du port de Cherbourg, malgré sa carence en équipements et le danger des mines subsistantes, est aussi soudaine que stupéfiante.
En grande rade, la navette des camions amphibies jusqu'aux Liberty ships au mouillage se poursuit sans désemparer depuis le 16 juillet.
Sur la rade, ce ne sont pas moins d'une quinzaine de navires de tous types, dragueurs, remorqueurs LCT, barges, caboteurs, qui se croisent et s'affairent déjà.
Dès le 19 juillet, à l'extrémité ouest de la grande rade, des niveleuses sont à l'œuvre pour aménager les futures pistes du terrain d'aviation de Querqueville, où les américains comptent faire atterrir au plus vite leurs bimoteurs chargés d'approvisionnements prioritaires à destination du front, apportés jusqu'à Cherbourg par les cargos. La grande offensive doit débuter à brève échéance, et il faudra en soutenir le rythme, les à-coups et les accélérations.
Dans deux semaines, les premiers postes d'accostage de la digue du Homet seront prêts, avec leurs voies ferrées pour charger directement les wagons de munitions.
 

Mais ce que personne ne devine encore – mais que les responsables du Fourth Major Port apprendront bientôt – c'est que le transfert des cargaisons à Cherbourg devra continuer non durant quelques semaines, mais pendant les nombreux mois de l'été, de l'automne et de l'hiver suivant.
Le 24 juillet, le général Frank Ross du Quartier général du Forth Major Port avait en effet déclaré : «Il faut que Cherbourg soit en mesure de décharger ses vingt mille tonnes prévues dès la date de D + 100, c'est-à-dire pour le 14 septembre. Aucun autre port, de Bretagne, de Basse-Seine ou d'ailleurs ne pourront prendre le relais ni avant le 14 septembre, ni après. C'est en centaines de kilomètres qu'il faudra raisonner à partir de maintenant, avec les chemins de fer et les convois routiers prioritaires. Dieu sait où en sera le front à la date du 14 septembre : sans doute dans l'est de la France, du moins nous l'espérons. Autrement dit, l'approvisionnement du front à près de huit-cents kilomètres de distance ou davantage, aussi bien par la route que par le rail, repose désormais sur le port de Cherbourg. Nous n'avons pas d'autres choix».

Par décision du Haut commandement, à compter du 26 juillet, le Fourth Major Port, compte tenu de l'extension de sa mission, et afin d'aboutir à une meilleure efficacité, fusionnera ses effectifs avec ceux du Twelveth Major Port, pour prendre la dénomination officielle de Port T-410.

Des fâcheuses nouvelles

Le 18 juillet, un convoi de navires, accompagné de dragueurs, amenant de Southampton à Cherbourg les 328 et 335 Harbor Craft Companies, s'égare dans la brume et dévie de sa route. Parvenus à proximité des îles Anglo-Normandes, toujours occupées par la Wehrmacht, plusieurs navires sont pris sous le feu des batteries allemandes. Le remorqueur ST 75 est incendié et coulé. Deux dragueurs mines, criblés d'obus, sont secourus par les escorteurs canadiens qui recueillent les rescapés.
Le 20 juillet, une sinistre série noire a lieu dans la partie occidentale de la grande rade : successivement, en moins d'une heure, un remorqueur américain, puis une drague anglaise et enfin un chaland et sa cargaison de matériel dont un bulldozer, et un autre petit remorqueur sautent sur trois mines sous-marines et coulent immédiatement. Le 30 juillet, au cours du dégagement de Saint-Vaast-la-Hougue, le dragueur américain YMS 304 saute sur une mine acoustique et sombre en l'espace d'une minute. A quelques mètres de lui, le YMS 370 est tellement endommagé par trois autres mines qu'il sera retiré du service. Le mouilleur de bouées britannique Sir Gerant est également atteint par une autre mine acoustique.
 

Fin juillet, parmi les dragueurs opérant dans le port de Cherbourg, les bâtiments américains ont déjà neutralisé à eux seuls 182 mines sous-marines. Mais il en subsiste des quantités. Les plus vicieuses d'entre elles, à retardement ou à comptage d'impulsions, ne se déclenchent qu'après un nombre donné de passages de navires, et dans certaines conditions bien précises.

Le quotidien du «duck driver»

«De la folie pure et simple». Telle était l'appréciation que formulaient les experts commerciaux civils lorsqu'ils eurent connaissance de la prétention de l'armée américaine à décharger le contenu de cargos entiers par des navettes de camions amphibies, de chalands de débarquement et de radeaux. Ils eurent beau représenter les innombrables aléas d'une entreprise aussi insensée, rien n'y fit : l'US Army persista dans son projet, elle n'avait pas le choix.
Il est difficile d'imaginer la disproportion entre la dizaine de milliers de tonnes que représente le contenu de la cale d'un Liberty ship et le modeste camion amphibie d'une capacité de deux tonnes et demie au plus, qui devait constituer, du moins au début, le moyen principal de déchargement.
Ceux-ci devaient parcourir la distance de traversée de huit km aller et retour qui séparaient le mouillage des cargos, entre les filets anti-sous-marins et les balises qui délimitaient les champs de mines, et les principaux points de débarquement des cargaisons maritimes.
 
Le transbordement s'apparentait plutôt à un exercice d'acrobatie de haute école. Le «canard», balloté par la houle du large, devait stationner de son mieux le long du grand cargo arrimé à son coffre, tandis que le conducteur du véhicule, dépourvu d'ancrage ou d'amarre, manœuvre sans cesse, enclenchant marche avant sur marche arrière, pour se maintenir sous le mât de charge qui le surplombe d'une quinzaine de mètres.

A bord du Liberty, le winchman manipule ses commandes en aveugle depuis le pont, hors de vue de la petite embarcation sur laquelle il doit déposer sa charge. Il est guidé par le signalman dont les moulinets des bras lui indiquent les manœuvres à effectuer.
Le filet goudronné, chargé de lourdes caisses se balance au gré du roulis, descend et remonte au bout du long câble que déroule le treuil du mât de charge, passe d'un bord à l'autre dans son mouvement pendulaire, s'accroche parfois. Il est indispensable de le guider avec précision pour que le chargement arrive bien d'aplomb. Une charge mal placée pourrait déséquilibrer le duck et le faire chavirer.
Dès que le vent vient à fraîchir, la houle «forcit», il embarque des paquets de mer, car le bordage dépasse à peine la crête des vagues, la pompe de cale devant fonctionner en permanence, et le moteur ne devait jamais s'arrêter sous peine de couler immédiatement.
La traversée de la rade se fait à petite vitesse, tandis qu'il croise le cortège des autres dukws allant prendre leur chargement à leur tour.

A l'arrivée devant la plage, les ducks en file les uns derrière les autres suivent les balises d'atterrissage, le jour une grande croix de saint André perchée sur un poteau surgissant de l'eau, la nuit, une série de feux clignotants, pour se trouver dans l'axe de la rampe. Après l'enclenchement du crabotage pour passer à la traction terrestre, les six roues motrices entrent en action dans un rugissement furieux du moteur. Suivant les ordres diffusés par le Dukw point number one, ils remontent la plage sur la rampe de béton pour aller décharger leurs cargaisons dans un camion ou un wagon de chemin de fer.

Pour décharger un seul cargo, cette opération s'est déroulée environ «quatre mille cinq cents fois de suite». Or ce furent plusieurs centaines de navires que l'organisation du Port T-410 prit en charge successivement.
Cependant, le tonnage qui pouvait être déchargé par les camions amphibies était inexorablement limité. Il fallait disposer aussitôt que possible d'installations d'accostage à quai. Mais jusqu'à la fin du mois d'octobre, le déchargement par embarcations devait excéder le tonnage débarqué sur les quais.

Août 1944 : les grands moyens

Début août, les Liberty ships peuvent s'accoster à la digue du Homet. Ils déchargent des caisses d'obus de 105, par stocks de 30 boîtes, soit 60 obus. La digue du Homet deviendra vite le site préférentiel de déchargement des munitions de gros calibre.

Au cours de la première quinzaine d'août, l'organisation rationnelle du déchargement des Liberty ships par les navettes n'a cessé d'accomplir des progrès. La possibilité de rapprocher graduellement les cargos d'approvisionnement de la plage a contribué à raccourcir le trajet des dukws à travers la double rade, mais on pouvait le permettre seulement pour un ou deux Liberty à la fois, en raison de l'encombrement croissant de l'espace portuaire – comme c'est le cas d'un cargo qui parvint jusqu'en petite rade - mais ce cas était exceptionnel, car la priorité du passage était réservé aux transports de matériel ferroviaire ou de munitions qui devaient accéder au Homet.
L'un des gros écueils qui subsistait était celui du double transbordement inévitable entre cargo et camion amphibie, puis de ce dernier au camion routier. Le remède auquel on recourut dès que possible fut le prolongement de la voie ferrée du quai Alexandre III jusqu'à la place Napoléon en suivant le quai de Caligny. C'est dans cette perspective qu'un quai bétonné de chargement direct des wagons est déjà en cours d'édification.

En attendant l'achèvement de la darse des Mielles, c'est le bassin du Commerce qui continue de recevoir les barges chargées provenant des Liberty ships au mouillage en Grande rade.
Elles amènent à quai les marchandises les plus diverses : vivres, médicaments, munitions légères, pièces détachées pour véhicules, une partie du charbon, et surtout du bois de charpente en quantité.
Toutes les sources d'approvisionnement sont mises à contribution pour trouver l'énorme quantité de bois d'œuvre nécessaire à la reconstitution du port de Cherbourg : fournitures civiles, stocks allemands récupérés, approvisionnement britanniques assurent la moitié des besoins. Venant directement des Etats-Unis, les Liberty ships apportent le reste, débarqué sur rade par des barges radeaux automoteurs rhino ferries.

Réaliser l'inconcevable

«The difficult we do immediately, the impossible takes a little longer»

Le 4 septembre (D + 90) : à Cherbourg, 48 000 tonnes d'approvisionnements ont été déchargées par les navettes de camions amphibies, 113 000 t par les cargos à quai, 163 000 t par les barges et rhino ferries opérant en rade.
Le 7 septembre (D + 93) : les Liberty ships accostent enfin aux premiers bassins de l'arsenal dégagés de leurs épaves et de leurs mines. Débarquement à Cherbourg du premier contingent important de 23 000 hommes de troupe arrivant directement des Etats-Unis ; faute de quais disponibles, ils sont mis à terre par allèges et bâtiments de service, landing craft tanks et radeaux.
Le 14 septembre (D + 100) : le chiffre requis de 20 000 t journalières débarquées, fixé par principe à l'objectif D + 100, est en voie d'être atteint.
Le 16 septembre (D + 102) : il faut toujours plus de bois pour réhabiliter sommairement les installations portuaires de Cherbourg et mettre en service de nouvelles longueurs de quais. Après le bois français épuisé, puis le bois flotté de Grande-Bretagne insuffisant, on doit faire appel à l'Office canadien des Forêts. Une seule solution, celle des Liberty ships, qui continuent leurs navettes à travers l'Atlantique.
Le 17 septembre (D + 103) : le 9e dragueur de mine depuis la libération du port, saute sur une mine dans la rade de Cherbourg.
 
Le 21 septembre (D + 107) : dans le bassin Charles X de l'arsenal, un ponton rhino ferry, mis en place le long du quai incliné par l'un des bataillons de Constructions portuaires de l'armée américaine, permet au premier Liberty ship de décharger sa cargaison.
Le 15 octobre (D + 131) : nouveau record : le tonnage journalier de Cherbourg s'établit désormais à 22 500 t débarquées.
Le 30 octobre (D + 145) : la darse transatlantique de la gare maritime s'ouvre entièrement au trafic. Ses 10 postes à quai pour Liberty ships sont desservies par voies ferrées.
Le 1er novembre (D + 148) : deux postes d'accostage pour Liberty ships sont créés dans la forme du Homet.
Le 30 novembre (D + 177) : avec un total de 133 postes à quai opérationnels, Cherbourg assure désormais un total mensuel de 541 420 t, chiffre de plus du double de celui de New-York en temps de paix. La capacité portuaire de Cherbourg de l'avant-guerre a été multipliée par vingt-cinq, en dépit des moyens de fortune. Cherbourg est devenu le plus grand port mondial jamais exploité pour des besoins militaires.
Au total, 1 411 637 t de marchandises ont été déchargées à Cherbourg, dont 1 003 345 t d'approvisionnements généraux, 309 539 t de matériel ferroviaire (85 % du matériel ferroviaire débarqué en Europe ont transité par Cherbourg) et 98 753 t de charbon (utilisé principalement pour alimenter les locomotives).
Parmi le total de ces marchandises, 173 283 t ont été débarquées par camions amphibies, 786 387 t par les cargos à quai, 452 017 t par barges et autres moyens.
On estime à plus de 700, au total, le nombre de civils français qui travaillèrent, durant pratiquement une année, au sein ou aux côtés des bataillons portuaires en service dans le port de Cherbourg. En comptant ceux qui œuvrèrent dans les différents services publics ou administratifs, le nombre de travailleurs civils volontaires dépassa le millier, soit plus du cinquième de la population présente à Cherbourg lors de sa libération en juin 1944.

Le 8 mai 1945, la capitulation sans condition de l'Allemagne est célébrée dans la liesse.
Le 18 mai, arrivée dans la darse transatlantique du Liberty ship «Joshua Slocum», affrété par la compagnie américaine Smith and Johnson, dont le chargement est entièrement destiné à la population civile. Il apporte notamment 5 000 t de fer et de tôles, 90 baraquements de bois préfabriqués, destinés aux villes de Saint-Lô et de Caen, 800 t de carton bitumé, 6 000 balles de laine et… 500 t de tabac brut. Le capitaine George Gitskin, commandant le Joshua Slocum, sera reçu le 23 mai à la Chambre de commerce.
Le 24 mai, arrivée d'un deuxième Liberty, le «King Stephen», à la cargaison également destinée aux besoins civils. Il apporte 20 camions, 93 t de sacs de jute, 52 t de produits pharmaceutiques, 275 t de papier journal, 254 t de papier goudronné, 4 138 t d'acier, 100 baraquements de bois préfabriqués, 800 t de laine, 174 t de papier.

Le 28 mai, le port de Cherbourg est officiellement rendu à la France, en attendant une cérémonie officielle de remise qui aura lieu plus tard. Le capitaine de vaisseau Pierre de Robien, commandant la Première région maritime et faisant fonction de préfet maritime, fait hisser le drapeau tricolore sur le fort de l'Ouest.
A cette date, le port de commerce dispose de 2 230 mètres de quais en eau profonde rendus opérationnels, au lieu de 1 400 m en 1938. Ils comportent dix postes à quai pour gros cargos du type Liberty ships ou Victory ships, dont quatre au quai de France face ouest et deux au quai de Normandie face est. Cinq postes à quai pour gros cargos de même type sont disponibles le long de la digue du Homet. A cela s'ajoutent les 900 mètres du quai du bassin du Commerce offrant six postes à quai, dont quatre sont dotés de grues sur portique.
L'outillage, presque entièrement américain, fut cédé avec les installations portuaires.

Le 14 octobre, eut lieu la cérémonie de remise officielle du port de Cherbourg à la France. Les autorités américaines avaient voulu donner un relief particulier à «leur cérémonie à l'occasion du retour du port de Cherbourg à ses donateurs français». Les responsables n'auraient pu trouver d'emplacement plus symbolique que celui du nouveau quai de France au plancher de bois improvisé, création de leurs unités du Génie l'année précédente, avec comme décor de fond les derniers Liberty amarrés au quai de Normandie. Le général Eisenhower, commandant suprême allié était représenté par le Commanding General of the successor command, Theater Service Forces, European Theater. Le gouvernement français avait délégué le directeur général des ports maritimes de France, représentant le ministère des Travaux publics et des Transports. Des milliers de Cherbourgeois assistaient à cette manifestation publique marquée par les allocutions des autorités françaises et américaines.

Les Liberty ships ont été construits en grande série pour compenser les pertes de tonnage infligées par les sous-marins allemands. 2 751 exemplaires ont été mis en chantier entre 1941 et 1945.
Le débarquement en Normandie mit en œuvre une gigantesque armada de navires de guerre, mais aussi de navires de commerce. La participation de ces centaines de transports, notamment des Liberty ships, fut un élément essentiel pour la victoire des Alliés.
Du 27 juin 1944 au 30 septembre 1945, 482 Liberty ships ont fait escale à Cherbourg, dont les marchandises ont été déchargées par barges, radeaux, camions amphibies et à quai.

Les Liberty ships ont eu un rôle capital dans l'approvisionnement du port de Cherbourg en assurant l'essentiel du ravitaillement qui a suivi les troupes alliées dans la percée à partir de la Normandie vers le Nord et l'Est de la France au cours de l'automne 1944.

René TYL
membre de l'AFCAN


Sources :
Cherbourg, port de la liberté dans la bataille de Normandie » Robert Lerouvillois, chez Isoete 2009


Retour au menu
Retour au menu