Les propositions de Monsieur Auzon sont intéressantes au moins au
point de vue de la réflexion. L'ambition est d'élaborer une règle de conduite, pour éviter les
abordages, qui soit simple et systématique, c'est-à-dire venir sur tribord dans tous les cas pour les
navires qui sont sur l'avant du travers.
Malheureusement je ne pense pas qu'une telle règle puisse être
appliquée à toutes les situations, et dans certains cas cela pourrait être dangereux. L'auteur ne prend
pas en compte la densité du trafic. On peut définir des règles de route entre 2 navires mais cela est
impossible si 3 navires ou plus sont concernés.
Un règlement, pour être applicable en situation, doit être
relativement concis. Ce n'est pas un traité de navigation. C'est pour cela que COLREG est à la fois
impératif sur certains points mais aussi relativement flou et laissant libre cours au jugement des
Officiers de quart.
Cela ne veut pas dire que le règlement actuel n'est pas à améliorer.
- Commentaires sur les points développés :
-
Temps clair/visibilité réduite : l'usage quasi systématique du radar dans la
fonction anti-collision fait que les situations de temps clair sont traitées comme des
situations de visibilité réduite. Les règles 13 à 17 devraient s'appliquer en toutes
circonstances.
Il ne faut pas pour autant négliger la veille visuelle qui présente 2 avantages sur le
radar :
- Repérage des petites embarcations peu détectables ou mangées sur l'écran par le
retour de mer.
- Repérage immédiat du changement de cap d'un navire.
- Définition du travers = gisement 90/270 - serait préférable à la définition
héritée de la vieille marine basée sur les secteurs de visibilité des feux.
- Priorité des navires suivant un DST : la mesure mérite reflexion et aurait
l'avantage de lever une ambiguïté : certains navires font une application imparfaite de la
règle 10 et se croient investis d'une priorité de fait quand ils naviguent dans une voie de
DST.
- Points de désaccord :
- Comportement du navire privilégié (R17) :il ne me paraît pas souhaitable d'obliger
le navire privilégié à manœuvrer systématiquement pour un navire qui doit s'écarter de sa
route. Dans les parages à forte densité de trafic, cela serait même dangereux.
Personnellement je décide de manœuvrer pour un navire qui est tenu de s'écarter si ce
navire reste en route de collision (c'est-à-dire avec un CPA inférieur à une limite
raisonnable) à une distance de sécurité déterminée. Ce qu'il faut, c'est prévoir la
manœuvre de dérobement si on se retrouve dans les conditions ci-dessus. Le choix du CPA
et de la distance de sécurité dépendent de nombreux facteurs, y compris la visibilité,
et sont de la responsabilité de celui qui a en charge la manœuvre du navire.
- Manœuvre du navire rattrapant : il faut lui laisser le choix du bord de la
manoeuvre en fonction, non seulement des routes du rattrapé et de la sienne, mais aussi
du trafic tiers.
- Interdiction de la pêche dans les DST : totalement irréaliste. Par contre il
serait bon que les VTS sanctionnent les pêcheurs qui violent les règles, en particulier
par des changements de route intempestifs.
- Interdiction de dépassement dans les zones resserrées : inapplicable compte tenu
que les vitesses courantes des navires de commerce vont de 8 à 25 nœuds, sans parler
des NGV.
- Les règles 12 et 18 doivent rester en l'état. Elles sont pour l'instant du
domaine du temps clair, avant la généralisation des transpondeurs.
En conclusion, les règles de route de COLREG ne peuvent tout
prévoir ni tout réglementer. Pour être d'une portée globale, elles doivent laisser une liberté
d'options aux Officiers qui les appliquent en s'appuyant sur le bon sens et les usages, fruits de
l'expérience. On peut les améliorer en reconnaissant au radar toute son importance.
Cdt G. THIRION