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Les Assises de l'économie de la mer 2018 - Brest 27/28 novembre


Représentant l'AFCAN lors de ces Assises de l'économie de la mer j'ai essayé de retranscrire dans les pages qui suivent le contenu des interventions. Certaines ne concernant que peu les capitaines de navire et je ne m'y suis pas attardé (je ne pense pas qu'il soit nécessaire de s'étendre sur la culture du concombre de mer en aquaculture multitrophique, sujet ô combien passionnant mais qui ne concerne que peu l'AFCAN…). Je me suis permis quelques remarques personnelles concernant des interventions ou des moments particuliers qui, de mon point de vue, en méritaient une. Elles n'engagent bien entendu que moi et ne reflètent pas une position officielle de l'AFCAN.

Mardi 27 novembre matin
Introduction :

Ces Assises ont débuté par le discours d'introduction de Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster Maritime Français (CMF), qui a présenté le thème de ces Assises : l'innovation maritime. Il a illustré son propos par la citation d'Einstein qui disait : «la folie c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent». Il a insisté sur notre devoir d'ambition maritime et a rappelé l'objectif de doubler l'emploi maritime d'ici à 2030.

Table ronde : les ambitions maritimes bretonnes.

Cette table ronde réunissait : Frank Bellion, président de la CCI métropolitaine Bretagne Ouest, Loïg Chesnais-Girard, Président de la région Bretagne, François Cuillandre, président de Brest Métropole, Claire Jolly, manager du groupe sur l'économie de la mer de l'OCDE et Nathalie Sarrabrezolles, présidente du Conseil départemental du Finistère. Cela a été l'occasion de rappeler que, selon l'OCDE, le potentiel de l'économie de la mer est de 3 000 milliards de dollars.
 

Le campus mondial de la mer, basé à Brest, a été présenté. Les enjeux régionaux, nationaux et internationaux liés à l'économie de la mer en Bretagne ont été énumérés avec un focus particulier sur les EMR (Energies Marines Renouvelables).

Table ronde : recherche océanographique et conservation maritime, piliers de la croissance bleue.

Cette table ronde réunissait : François Houllier, président de l'IFREMER, Thomas Folegot, représentant du Pôle mer Bretagne Atlantique et du Pôle mer Méditerranée, Bruno Frachon, directeur général du SHOM, Elodie Martinie-Cousty, France Nature Environnement, Marie-Luce Penchard, maire de Basse-Terre et présidente du Grand Port Maritime de Guadeloupe et Pierre-Marie Sarradin, responsable de l'étude des écosystèmes profonds à l'IFREMER.
Le président de l'IFREMER a présenté l'institut, ses moyens, ses objectifs et perspectives. Il a expliqué que la flotte océanographique était maintenant unifiée, opérée par l'IFREMER et armée par Genavir, elle se compose de 4 navires hauturiers, 6 navires côtiers auxquels s'ajoute une flotte de submersibles. Il a détaillé les domaines d'innovations sur lesquels l'IFREMER travaille, à savoir : les biotechnologies, les EMR et les observations marines. Il a également expliqué l'utilisation de la science participative, prenant l'exemple du projet Deep Sea Spy : des caméras ont été installées près de sources hydrothermales dans les grands fonds et les citoyens sont mis à contribution pour visionner les images car il n'y a pas assez de scientifiques pour le faire.
Il a été rappelé par Pierre-Marie Sarradin que 90% des fonds marins restent inexplorés ce qui signifie un potentiel immense en terme de ressources et de biologie avec une majorité des espèces des grands fonds encore non identifiés.
Le président du SHOM a pour sa part indiqué que si l'on découpe l'océan en carrés de 1km par 1km, 80% des carrés ne contiennent pas d'information de profondeur. Il a ensuite décrit les évolutions technologiques permettant à l'hydrographie de progresser telles que l'imagerie 3D par laser.
Thomas Folegot a ensuite présenté les Pôles mers qui agissent comme un trait d'union entre les acteurs pour dynamiser les capacités d'innovation.
La représentante de France Nature Environnement a insisté sur le principe «ERC» Eviter, Réduire, Compenser qui, selon elle, devrait prévaloir dans tous les projets marins pour limiter les impacts.
La table ronde s'est achevée par une intervention de Marie-Luce Penchard qui a décrit les enjeux en Guadeloupe et a insisté sur le fait qu'il faut associer les populations locales aux projets de l'économie bleue, ceci pour que les projets profitent à celles-ci et également pour éviter les incompréhensions qui peuvent mener jusqu'à des hostilités aux projets. Son intervention a été longuement applaudie.

Entretien avec François Gauthier de l'AFB.

François Gauthier, directeur de l'appui aux politiques publiques de l'Agence Française pour la Biodiversité (AFB), a présenté l'AFB qui gère entre autre les parcs naturels marins. Il a décrit les pistes de réflexion en cours pour limiter les impacts des mouillages des navires de grande plaisance sur les herbiers de posidonie. Il a également indiqué que l'agence travaille par exemple à la conception de filets de pêche biodégradables.

Présentation de l'exposition La Mer XXL.

Jean-Marie Biette, secrétaire Ggénéral du pôle mer du groupe Ouest-France, a présenté l'exposition «La Mer XXL» qui se tiendra du 29 juin au 10 juillet 2019 à Nantes. Cette exposition vise à présenter tous les aspects de la mer au grand public dont on espère qu'il viendra nombreux. Les expositions suivantes ont été présentées : «Le monde de Jules Verne» dans laquelle les exposants tentent d'imaginer ce que Jules Verne pourrait imaginer s'il vivait aujourd'hui, «La mer dans un verre d'eau», «Les trésors maritimes» et «La mer XXS» (pour les enfants et les familles). Il a été rappelé que des espaces sont encore disponibles, gratuitement, si des entreprises ou des organisations souhaitent présenter un stand.


Mardi 27 novembre après-midi

Intervention de Karmenu Vella :

Le commissaire européen en charge de l'environnement, des affaires maritimes et des pêches a rappelé les chiffres de l'OCDE concernant l'économie bleue en Europe : 566 milliards d'Eeuros de chiffre d'affaires, 174 milliards de bénéfice, 3,5 millions d'emplois avec une perspective de doublement d'ici à 2030. Il a également rappelé la récente interdiction des plastiques à usage unique et l'objectif de 10% d'EMR (Energies Marines Renouvelables) dans le mix énergétique de l'EU d'ici 2050. Une intervention pleine d'autosatisfaction et de remerciements à la France.
Son intervention s'est terminée par la remise de la médaille du Cluster Maritime Français par Frédéric Moncany de Saint-Aignan.

Table ronde : pêche, aquaculture, biotechnologies…

Une table ronde réunissant : Florian Breton, directeur de l'écloserie du Tinduff, Pascal Larnaud, responsable de la station Ifremer de Lorient, Philippe Renaudin, directeur de la filière maritime au Crédit Maritime Grand Ouest, Florent Spinec, ingénieur d'études aquaculture et pêche d'Agrocampus Ouest et Franck Zal, président directeur général de Hemarina.
La notion de RMD (Rendement Maximum Durable, pour une espèce donnée) a été expliquée. Les différentes pistes de recherche pour améliorer la sélectivité ont été exposées, notamment les nouvelles formes de maille de filet et l'utilisation de la lumière (certaines espèces étant attirés, d'autres repoussées par la lumière).
Florian Breton nous a présenté l'écloserie du Tinduff, travaillant historiquement sur la coquille Saint-Jacques en partenariat avec les pêcheurs et se diversifiant actuellement sur le pétoncle noir. Florent Spinec a présenté les recherches en matière d'aquaculture multitrophique (concept utilisant les déchets d'une espèce pour en nourrir une autre).
Franck Zal a ensuite exposé l'état d'avancement des projets d'Hemarina, société faisant de l'aquaculture de vers marins ayant des capacités importantes à stocker de l'oxygène et utilisée de façon expérimentale dans le domaine médical pour prolonger la durée de vie des greffons. Une technique qui a fait l'actualité dernièrement avec la première greffe de visage utilisant cette technique. Le PDG de Hemarina a été longuement applaudi après avoir énuméré les autres applications futures espérées à partir de ces vers.

Entretiens croisés : le comité stratégique de filière : un nouvel élan ?

Cet entretien réunissait Anne Georgelin, responsable EMR au SER (Syndicat des Energies Renouvelables), Dominique Bouvier, président d'Evolen, Fabien Métayer, délégué général de la Fédération des industries nautiques et Fabien Napolitano, membre du CA du Gican (Groupement des industries de construction et activités navales) et directeur général d'Ixblue.
Anne Georgelin a commencé l'entretien en exprimant sa déception quant aux annonces concernant les EMR faites le matin même par le président de la République lors de la présentation de la PPE (Planification Pluriannuelle de l'Energie).
Dominique Bouvier a présenté les axes de travail d'Evolen et a insisté sur la nécessité pour la France d'investir davantage dans le soutage des navires en GNL pour ne pas laisser ce marché aux pays voisins. Ce fut une des rares interventions concernant la marine marchande lors de cette journée. Fabien Napolitano a présenté les 4 axes de travail du Gican : le «smart yard» (les matériaux de construction), le «smart ship» (navire intelligent), le «queen ship» (navire mère, navire du futur : propulsion hydrogène etc.) et le «smart offshore activities».

Entretien : La sûreté maritime française à l'ère du numérique.

Vincent Bouvier, secrétaire général de la mer et co-président du Comité France Maritime a présenté les 3 menaces qui pèsent sur les navires : la menace traditionnelle (par exemple la piraterie, les trafics illégaux), en hausse avec l'augmentation du trafic maritime, les menaces terrestres qui se maritimisent (par exemple le terrorisme) et la menace numérique venant du détournement des outils numériques (AIS, GPS etc.). La vulnérabilité des ports a été soulignée avec l'exemple du port de San Diego victime d'une cyber-attaque avec demande de rançon en septembre dernier.
Face à ces menaces le SG mer a exprimé d'une part la volonté de se défendre et d'autre part l'opportunité de construire une filière économique de la cyber-sécurité. Il a expliqué la nécessité de mieux utiliser le numérique pour se protéger, notamment en croisant les fichiers, en partageant les données (d'où une nécessaire harmonisation pour permettre l'interopérabilité, déjà en vigueur avec le système Eurosur de Frontex par exemple). Il a également détaillé la nécessité d'utiliser l'IA (intelligence artificielle) pour efficacement repérer les comportements étranges et donc les menaces potentielles, concluant que toutefois l'humain devrait conserver une part essentielle dans les processus de protection.

Table ronde : la numérisation du maritime.

Cette table ronde réunissait : Christine Cabau-Woehrel, directrice générale et présidente du directoire de GPMM (Grand Port Maritime de Marseille), Sébastien Floc'h, directeur général adjoint de LDA (Louis-Dreyfus Armateur), Michel Foulon, directeur central systèmes d'information de CMA CGM, Gilles Rabin, directeur de l'innovation, des applications et de la science au CNES (Centre National d'Etudes Spatiales), Stéphane Alain Riou, vice-président ventes/marketing de SINAY et Matthieu de Tugny, directeur des opérations de Bureau Veritas (BV) Marine & Offshore.
Sébastien Floc'h a détaillé les applications du numérique chez LDA, par exemple la possibilité de présenter au client un navire complet en vue 3D avant même le début de sa construction. Il a également expliqué l'utilisation de grues ou de gangway compensées numériquement et capables de fonctionner jusqu'à 3 mètres de creux pour des opérations spécifiques. Il a présenté le «LDA Lab» qui développe 3 axes : la motorisation, l'utilisation de la force vélique et le développement d'équipements spécifiques (telles que les grues vues précédemment). Il a réaffirmé que le navire autonome n'était pas une priorité pour LDA mais qu'ils maintenaient cependant une veille attentive sur ce sujet. Le directeur a conclu en affirmant que la fiabilité et la sécurité restaient basées sur les hommes.
Michel Foulon a exposé les actions de CMA CGM dans le domaine du numérique, soucieux de garder l'esprit pionnier qui, selon lui, caractérise cette compagnie. Il a évoqué «The Box», un incubateur de start-up au sein de CMA CGM et le «CMA CGM venture» qui prend des participations dans des start-up prometteuses. Il a expliqué la nécessité de la normalisation des flux entres les différents acteurs par l'utilisation de langages communs standardisés. Concernant les évolutions futures il a indiqué qu'elles portent principalement sur les communications pour « relier la terre à la mer », avec des possibilités de pilotage, de contrôle des paramètres et de proposition de scénario de réparation à distance.
Christine Cabau-Woehrel a expliqué le concept de «Smart Port» appliqué au GPMM, avec plusieurs axes de travail : la dématérialisation via la numérisation, la réduction des impacts écologiques, l'économie circulaire et l'échange des données. Elle a insisté sur la nécessité de formation des personnels à ces nouvelles technologies. La directrice a indiqué participer à des échanges de «best practices» avec les ports méditerranéens.
Matthieu de Tugny a présenté les utilisations du numérique au sein du Bureau Veritas avec par exemple l'utilisation des plans de navires en 3D. Il a également évoqué les certificats électroniques récemment mis en fonction pour les navires, expliquant les difficultés à les faire accepter par tous les acteurs comme les Port State Controls. Une fois de plus on voit l'importance de la standardisation en matière de numérique. Enfin il a indiqué qu'une marque de classe optionnelle pour la cyber-sécurité était disponible pour les armateurs qui en feraient la demande.
Gilles Rabin, du Cnes, a quelque peu raillé les acteurs du maritime qui déclarent faire face à un milieu difficile alors que la sonde InSight venait de se poser sur Mars dans un milieu autrement plus hostile. Il a expliqué que l'arrivée de Galileo, offrant un positionnement à 3 cm, allait permettre de développer les véhicules autonomes, ce qui est impossible avec la précision du GPS. Il a conclu en expliquant qu'il ne comprenait pas pourquoi personne ne voulait monter dans un avion sans pilote alors que 70% des accidents sont dû à des erreurs de pilotage. Cette affirmation, très souvent reprise par les promoteurs des véhicules autonomes, me semble néanmoins absurde puisqu'elle nie toutes les situations où les accidents ont été évités grâce à l'intervention humaine.

Entretien : une marine nationale à la pointe de l'innovation.

L'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine nationale a dressé un bilan anxiogène de la situation géopolitique mondiale avec le retour des menaces des États puissance, le terrorisme et le dérèglement de la régulation internationale. Ce constat amenant la nécessité de maintenir une Marine forte qui a été exprimée à travers la loi de programmation militaire et le Plan Mercator qui dessine la Marine de 2030 selon 4 axes : premièrement être une marine d'emploi, c'est-à-dire qui navigue, deuxièmement être une marine préparée au combat, troisièmement être une marine à la pointe de la technologie et enfin être une marine qui puisse compter sur chacun de ses marins. Concernant le troisième point l'amiral a insisté sur le fait que la Marine nationale doit reprendre un avantage technologique à la mer avec 3 axes de travail : améliorer ce qui existe, faire monter à bord ce qui existe déjà à terre et enfin, innover et inventer. Pour ce qui est du quatrième axe, compter sur chacun de ses marins, il a insisté sur la place centrale du marin et a exposé 2 points à améliorer : fidéliser les marins et augmenter le nombre de femmes. Il est intéressant de noter que ces problématiques de fidélisation du personnel et de féminisation sont des problématiques communes aux marines marchande et militaire.


Mercredi 28 novembre matin

Intervention de François de Rugy.

Le ministre de la transition écologique et solidaire a commencé son propos en rappelant son attachement à la mer, évoquant son rêve, lorsqu'il était enfant, de devenir capitaine de navire, très bon choix monsieur le ministre !
Il a ensuite insisté sur l'importance de l'innovation et l'engagement du gouvernement pour l'économie de la mer. François de Rugy a détaillé les axes de travail, notamment la politique portuaire avec les axes Seine, Rhône/Saône, les façades Nord et Atlantique. Cette politique portuaire étant appuyée par des dispositifs notamment concernant le foncier et l'impôt sur les sociétés.
Il a expliqué que la nécessaire transition écologique demandait des efforts mais était porteuse d'opportunités. Le ministre a évoqué les "gilets jaunes" avec lesquels il s'était entretenu la veille et qui pointent du doigt régulièrement le transport maritime qui selon eux ne fait aucun effort. Il leur a rappelé que l'industrie du transport maritime est engagée dans une transformation vers un modèle plus propre notamment avec la réduction du taux de soufre en 2020. Il a, à ce propos, annoncé que des amendements au projet de loi de finance avaient été déposés pour que les investissements relatifs au cap 2020 bénéficient du dispositif de suramortissement.
 
Le ministre a ensuite évoqué la filière de recyclage des navires de plaisance, le cap social des filières (notamment les exonérations de charge et la couverture sociale des navigants sous pavillon européen) et le Corimer (Comité d'Orientation de la Recherche et l'Innovation pour la Mer) permettant un meilleur dialogue entre les acteurs privés et publics. Il s'est dit heureux du nouveau contrat d'objectif de l'ENSM pour l'élever, selon lui, à un niveau mondial.
François de Rugy est ensuite revenu sur les annonces du Cimer (Comité interministériel de la mer) qui s'est tenu à Dunkerque le 15 novembre dernier, portant sur 5 thématiques : la compétitivité de notre économie maritime dans le contexte du Brexit, la place de la France dans la politique maritime de l'Union européenne, la dimension ultramarine, la protection de la mer (sécurité, sûreté et transition écologique) et la thématique des métiers, des formations et des liens à renforcer entre les Français et la mer.
Il a insisté sur certains points : concernant le Brexit, la France soutient l'accord conclu à Bruxelles mais dans le cas où les Britanniques ne ratifieraient pas cet accord, la France est prête à affronter un Brexit dur. Concernant le portuaire il a rappelé la volonté faire passer les ports du statut de ports aménageurs au statut de ports entrepreneurs, appuyés pour ceci par la politique fiscale et la prise en charge des charges régaliennes par l'Etat. Il a évoqué la coordination interportuaire du Nord, la fusion des ports du Havre, Rouen et Paris et a demandé aux Régions de la façade atlantique de se positionner clairement concernant le statut de leurs ports. Concernant les EMR il a affirmé son soutien à l'éolien offshore, indiquant que l'appel d'offre du parc éolien de Dunkerque entrait dans sa dernière phase. Il a également expliqué que la PPE (présentée la veille par Emmanuel Macron) programme une poursuite du développement de l'éolien offshore avec 2,5 à 3GW de posé et 1GW de flottant.
Le ministre a ensuite évoqué la nécessité de renforcer le lien entre les Français et la mer. Il a présenté la transformation des Affaires maritimes avec deux objectifs : être plus près du public et le développement des outils numériques pour faciliter la vie des usagers. Il a évoqué les investissements en matière d'action de l'Etat en mer avec notamment la lutte contre la pêche illégale et la piraterie. Il a salué l'efficacité des marins pour faire face aux conséquences de la collision de deux navires au large de la Corse.
François de Rugy a conclu en insistant sur le manque de conscience des citoyens de ce que font les marins, et a encouragé les marins à dire ce qu'ils font et à le faire savoir. Un constat et un conseil que l'on ne peut que partager.

Table ronde : les énergies marines renouvelables (EMR).

Cette table ronde réunissait : Vincent Balès, directeur général de WPD, Béatrice Buffon, directrice EMR d'EDF Renouvelables, Filippo Cimitan, président de Siemens Gamesa France, Gwenaëlle Huet, directrice générale d'ENGIE France Renouvelables, Jean-Luc Longeroche, directeur général de Geps Techno, Jean-Michel Prost, directeur opérations offshore de RTE et Laurent Schneider-Maunoury, président de Naval Energies.
Béatrice Buffon a indiqué qu'EDF était un acteur de l'énergie en France mais également à l'international et que leur objectif était de doubler les énergies renouvelables dans le monde d'ici à 2030. Elle a demandé à François de Rugy des clarifications concernant les EMR dans la PPE (Planification Pluriannuelle de l'Energie). Le ministre a apporté les éclaircissements suivants : pour l'éolien posé, Dunkerque passe à la dernière phase de l'appel d'offre, pour l'éolien flottant, il y aura 250 MW en 2021 en Bretagne Sud, puis la même puissance en 2022 en Méditerranée, puis une augmentation de 500 MW par an après 2023.
Filippo Cimitan a ensuite expliqué (malheureusement après le départ du ministre) que le cap fixé par la PPE était le bon mais que les volumes n'y étaient pas. Selon lui il faut au moins 1 GW par an pour stabiliser la filière. En Europe la taille moyenne des parcs est de 1 à 1,3 GW aussi il sera difficile de pérenniser les emplois avec 500 MW par an.
Laurent Schneider-Maunoury a présenté Naval Energies qui développe l'éolien flottant, l'énergie thermique des mers et l'hydrolien. Cette dernière technologie étant absente de la PPE il a annoncé la fin des investissements dans l'hydrolien.
Jean-Luc Longeroche a présenté la technologie houlomotrice. Cette technologie n'est pas évoquée dans la PPE ce qui n'est pas un problème selon le directeur général de Geps Techno car elle n'est pas encore mature pour le réseau mais se destine pour l'instant à des marchés de niches tels que l'autonomie énergétique en mer, intéressant pour les plateformes offshores par exemple.
Jean-Michel Prost a quant à lui présenté le travail de RTE qui installe des postes électriques en mer et permet le raccordement des parcs en mer au réseau de distribution électrique à terre. Il a insisté sur la nécessité de standardiser et de partager des installations entre les différents acteurs, par exemple deux champs concurrents mais proches géographiquement pourraient utiliser le même poste électrique en mer et ce en vue de baisser le coût des EMR.
Vincent Balès a expliqué que, les EMR étant l'une des 4 énergies renouvelables, celles-ci devraient prendre 25% de la part réservée à ces énergies ce qui ferait 15 GW en 2030, or la PPE n'en prévoit que 5 GW en 2030. De plus il note que le PPE prévoit 40% d'énergies renouvelables dans le mix énergétique d'ici 2030 (contre 20% aujourd'hui) ce qui semble insuffisant quand on sait que les experts du GIEC recommandent 80% de renouvelable au plus vite.
Gwenaëlle Huet pour Engie a quant à elle saluée le dispositif de «permis enveloppe» présent dans la nouvelle loi ESSOC et qui permet d'utiliser les toutes dernières technologies dans les projets et non d'être obligé de construire avec une technologie obsolète car validée 10 ans plus tôt lors du début du projet.
Vincent Balès a expliqué que la France avait du retard sur l'éolien offshore par rapport aux autres pays européens. Le premier projet est toujours long, en Allemagne le premier parc est entré en fonctionnement en 2011 après 10 ans de développement, mais en 2017 ce pays comptait déjà 27 parcs. Il espère qu'après les premiers projets la France connaîtra le même essor. Il a affirmé que 15 GW représentent 1% de l'espace maritime français et donc que c'était réalisable, ce qui a été confirmé par d'autres intervenants. Il a enfin indiqué qu'il était important de limiter le temps de jugement des recours, actuellement un parc est en attente d'une décision du Conseil d'État depuis 14 mois…
Les intervenants ont conclu en disant que le monde bouge et qu'il ne faut pas que la France rate le train, un message pour le gouvernement dont les annonces dans la PPE concernant les EMR ne semblent pas avoir satisfait les acteurs de cette filière.

Atelier : propulsion maritime du futur : l'enjeu de la transition énergétique.

Il y avait quatre ateliers proposés simultanément, j'ai choisi celui qui me semblait le plus intéressant pour l'AFCAN. Cet atelier réunissait Tanguy Desrousseaux de la BEI (Banque Européenne d'Investissement), Caroline Galland, chef de projet chez Gazocéan, Alain Giacosa, directeur de la plateforme GNL carburant marin et fluvial, Xavier de Montgros, président de l'Association française pour le bateau électrique, Yves Parlier, fondateur de Beyond the sea et Michel Pery, président de Neoline.
L'objectif de l'OMI de baisser les émissions de CO2 du transport maritime de 50% d'ici 2050 a été rappelé en introduction.
Alain Giacosa a expliqué les intérêts du GNL, demandant à l'assistance de mettre de côté les polémiques sur les rejets accidentels de méthane (gaz à fort effet de serre) pour le temps de cet atelier. Ce qui à mon sens est dommage car si l'on ne prend pas le système dans sa globalité il est difficile d'en évaluer l'impact. Il a expliqué que le GNL est désoufré et n'émet presque pas de particules fines ni de NOx et permet ainsi une diminution des émissions de CO2 de 20%. De plus cette énergie est disponible avec une production de 300 millions de tonnes par an et en croissance. Les Français ont un vrai savoir-faire dans ce domaine avec notamment GTT. Enfin les moteurs à gaz existent depuis longtemps et sont donc fiabilisés.
Caroline Galland a présenté les caractéristiques physiques du GNL et a détaillé son utilisation pour la propulsion à bord des gaziers de Gazocean. Elle a détaillé les nécessaires formations, obligatoires selon le nouveau code IGF, pour les marins des futurs navires propulsés au GNL.
Xavier de Montgros a quant à lui présenté les bateaux électriques, actuellement 5 000 unités de plaisance et 1 000 unités professionnelles, un secteur en plein essor notamment grâce aux progrès des batteries lithium développées pour les voitures et les bus. Il a expliqué qu'un roulier électrique navigue en Norvège, capable de se recharger en 18 minutes, le temps de débarquer les passagers. Il a évoqué les solutions hybrides de navires utilisant les batteries la plupart du temps et le diesel lorsqu'il y a besoin de plus de vitesse et l'utilisation des batteries en «pick shaving» c'est-à-dire pour faire face aux pics d'intensité et permettre de stabiliser la charge des diesels générateurs.
Yves Parlier a présenté la solution de kite développée par Beyond the sea, une solution d'avenir selon lui et un domaine d'excellence française grâce aux loisirs et à la compétition. Il a indiqué que la force moyenne des vents sur les océans est de 11 nœuds à la surface et de 16 nœuds à 100 m d'altitude. Une aile de 1 600m2 permet une poussée de 100 tonnes ce qui correspond à la poussée de l'hélice d'un porte-conteneurs de 350m de long à 18 nœuds. Grâce à la fiabilité des prévisions météorologiques cette solution devrait prendre de plus en plus d'importance, utilisée dans un mix énergétique. De plus cette solution à l'avantage de pouvoir être installée facilement en refit sur des navires existants.
Michel Pery a commencé son intervention en déclarant que la propulsion vélique est une technologie qui bénéficie de 5 000 ans de développement. L'énergie du vent est directement disponible et son utilisation nécessite peu de développement. L'objectif de Neoline est de baisser de 90% les émissions, ceci en construisant 2 rouliers de 136m de long, équipés de 2 paires de mâts portant 4 200m2 de toile. Ces navires seront affectés à une ligne Saint-Nazaire/Baltimore avec une vitesse commerciale de 11 nœuds. Le business plan a été établi à partir des taux de fret existants, sans surcoût dû à la voile. Les nombreuses simulations de routage ont montré une augmentation moyenne du temps de trajet de 24% à l'aller et de 16% au retour si la voile seule est utilisée. Les navires seront équipés d'une propulsion diesel-électrique avec batteries en pick shaving permettant de passer les zones sans vent et d'effectuer les manœuvres. Les batteries devraient permettre de faire une heure de manœuvre et de passer des «nuits calmes» sans moteur en route. L'énergie de sillage sera récupérée pour produire de l'électricité. Les navires seront armés avec 14 membres d'équipage, l'utilisation de la voile ne demandant pas de personnel supplémentaire, le système étant automatisé avec des vérins et l'utilisation de technologie de pointe telle que des penons électroniques. Le président de Neoline a annoncé un partenariat avec Renault prouvant la robustesse du projet. Ce partenariat se déclinera selon 4 axes : le transport de quelques voitures sur les navires de Neoline, la récupération des batteries usagées des voitures Renault pour une seconde vie, la communication et enfin l'élaboration d'un projet plus ambitieux de voiturier de 210m de long selon le même modèle.
Tanguy Desrousseaux a expliqué que la BEI soutenait la transition énergétique, prenant pour exemple le financement du Honfleur, futur navire de la BAI qui sera propulsé au GNL. Il a détaillé le dispositif de suramortissement qui permet à l'armateur d'amortir jusqu'à 130% du prix du navire ou des investissements qui permettent de diminuer l'impact environnemental.

Entretien : le futur musée de la marine du XXIe siècle.

Vincent Campredon, directeur du Musée national de la marine, a présenté avec beaucoup d'enthousiasme le futur musée de la marine qui ouvrira ses portes en 2021 et qui alliera la tradition avec les habituelles maquettes et modernité en abordant tous les aspects de la marine actuelle et future. Le plus vieux musée maritime du monde sera modernisé, intégrant des dispositifs numériques et des expositions temporaires.

Table ronde : l'Europe du maritime face au Brexit.

Une table ronde passionnante réunissant Karima Delli, présidente de la Commission transports et tourisme au Parlement européen, Philippe de Lambert des Granges, directeur de projet Brexit à la DPMA (Direction des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture), Hervé Martel, président de l'UPF (Union des Ports de France), Vincent Pourquery de Boisserin, coordinateur national du dossier Brexit pour les ports français, Hubert Carré, directeur général du CNPMEM (Comité National des Pêches Maritimes et des Élevages Marins) et Jean-Marc Roué, président d'Armateurs de France et président du conseil de surveillance de Brittany Ferries.
Jean-Marc Roué a ouvert cette table ronde en affichant un graphique qui montrait clairement une importante augmentation du trafic de fret et de passager transmanche en 1993, date d'entrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun, soulignant son importance pour le transport transmanche.
Karima Delli a expliqué que l'accord signé à Bruxelles le 13 novembre était un bon accord, équilibré et garantissant l'union douanière et donc le statu quo du marché commun. Il devra maintenant être ratifié par les députés britanniques le 11 décembre. Le 30 mars 2019 le Royaume-Uni sortira de l'UE, la question se pose maintenant en ces termes : ce sera «deal» ou «no deal». Le problème est donc actuellement de se préparer en cas de «no deal». Une question importante est la desserte de l'Irlande à travers le corridor de l'Atlantique et de la mer du Nord dans lequel il faut intégrer les ports français, idéalement placés mais initialement exclus au profit de nos voisins du Nord. La présidente de la Commission transport dit s'être battue pour cette question au Parlement européen et propose la mise en place d'un sommet France/Irlande pour préparer un partenariat privilégié.
Vincent Pourquery de Boisserin a expliqué qu'en cas de «no deal» il faudrait embaucher très rapidement des effectifs de police aux frontières, de services douaniers, de services vétérinaires et qu'il faudrait construire des infrastructures pour ces services. Il a annoncé que le gouvernement avait déposé au Parlement un projet de loi qui lui permettra (s'il est voté) de légiférer par ordonnance pour faire face rapidement à cette situation nouvelle.
Jean-Marc Roué a expliqué que pour les transbordeurs une augmentation du temps d'escale, dû par exemple à des contrôles nouveaux, entraînait une augmentation de la vitesse en mer pour tenir les plannings, ce qui implique soit une augmentation de la consommation de carburant, soit l'effondrement complet du schéma économique puisque la vitesse des navires n'est pas très extensible.Donc une augmentation trop importante des temps d'escale ne permettrait pas à certains navires d'effectuer leurs rotations. Il craint qu'en cas de «no deal» il y ait un fort impact économique, déjà sensible avec la baisse du trafic dû au ralentissement de l'économie britannique et à la baisse du taux de change entre € et £ et par la suite, des conséquences sociales.
Concernant la pêche il a été rappelé que 63% des captures européennes se font en eaux britanniques et que 70% des produits de la mer anglais vont sur le marché européen, on comprend bien alors les problèmes que poseraient un «no deal». Hubert Carré a expliqué le problème des quotas : si les Britanniques quittent l'UE sans accord ils ne sont plus soumis aux quotas et peuvent donc pêcher autant qu'ils le souhaitent en théorie. 95% des pêcheurs britanniques ont voté pour le Brexit car ils pensent que leur ruine vient de l'UE alors qu'il semblerait que le problème principal se soit posé avec l'application de la convention de Montego Bay lors de la «guerre de la morue» avec l'Islande. Les pêcheurs britanniques considèrent que les européens leur volent 600 000 tonnes de poisson, or ils n'ont pas cette capacité de pêche ce qui les amènerait soit à construire une flotte de pêche soit à vendre des licences de pêche. Les deux solutions seraient dommageables à la filière pêche française. De plus, la gestion des stocks doit se faire en commun car les poissons ne connaissent pas de frontière et comme l'a rappelé avec humour le directeur général du CNPMEM ni les poissons ni les pêcheurs français n'ont voté le Brexit il est donc anormal qu'ils en pâtissent. Il considère que si les Britanniques interdisent l'accès à leurs eaux aux pêcheurs européens il faudrait que les européens refusent les produits britanniques. Une capacité de blocage auquel Jean-Marc Roué ne croit pas, considérant que les opinions publiques feront pression en cas de hausse des prix alimentaires, amenant les autorités à laisser passer les produits britanniques.
Je me permets de souligner la qualité des intervenants et des débats de cette table ronde qui ont su expliquer clairement et concrètement certains des enjeux du Brexit au sujet desquels on a souvent du mal à comprendre grand-chose.

Entretien : les marins au cœur de la question humanitaire.

Anthony, marin sauveteur à bord de l'Aquarius a présenté son travail et son quotidien à bord. Francis Vallat, président de SOS Méditerranée a dénoncé la situation qui fait que l'Aquarius est bloqué depuis le 4 octobre dernier à Marseille, sous pavillon libérien pour des raisons administratives mais avec comme condition de ne pas prendre la mer. Il a déclaré que certains États, tel que l'Italie, avaient fait pression sur Panama pour qu'ils leur retirent le pavillon sous peine de voir des difficultés dans les ports italiens aux autres navires battant ce pavillon. Il a lancé un appel aux autorités pour les aider à trouver un pavillon et ainsi permettre au navire de reprendre la mer. Il a déclaré être prêt, si la situation ne se débloquait pas rapidement, à prendre même un pavillon de la liste noire si cela pouvait permettre à l'Aquarius de remplir à nouveau sa mission.

Entretien : l'Institut France Québec Maritime.

Yves-Marie Paulet, directeur France de l'IFQM a présenté l'Institut France Québec Maritime (IFQM) qui est un réseau de coopération scientifique et maritime. Il permet de travailler ensemble et de représenter la France et le Québec ensemble lors de grandes rencontres internationales par exemple.
Patrick Poupon, directeur du Pôle mer Bretagne Atlantique a expliqué que l'institut regroupe des entreprises associées aux universités (l'ENSM est impliquée). Il y aura mi-janvier un appel à projet France/Québec pour une étude sur l'impact environnemental du transport maritime. Dans le cadre de ce partenariat l'utilisation de Saint-Pierre-et-Miquelon comme base commune est étudiée. L'institut est financé pour l'instant dans sa quasi-totalité par le Québec, les intervenants (tous deux Français) ont déclaré qu'il serait bon que la France prenne sa juste part dans les financements.

Entretien : l'économie bleue en Polynésie française.

Teva Rohfritsch, vice-président chargé de l'économie, des finances, des grands travaux et de l'économie bleue de la Polynésie française, a présenté la situation de la Polynésie française rappelant que 68% de la ZEE française se trouve dans le Pacifique. Il a présenté la photo suivante montrant sans trucage la terre vue au zénith de la Polynésie, la terre est bleue !
La pêche en Polynésie subit une très forte pression avec des nombreux navires de pêche venant pêcher juste à la limite des ZEE.
Le tourisme est très important dans l'économie polynésienne mais entraîne une tension dans le domaine de l'hébergement, d'où une volonté de développer la croisière qui permet aux touristes de visiter les îles sans besoin de construire plus d'hôtels.
D'un point de vue de l'innovation la Polynésie est un des rares endroits au monde où la climatisation par eau profonde (SWAC : Sea Water Air Con) est utilisée, un système très écologique, économe en énergie et n'utilisant pas de gaz frigo.
Enfin le vice-président a terminé son intervention en évoquant la perliculture, deuxième ressource après le tourisme mais malheureusement menacée par le dérèglement climatique.
 

Clôture des Assises :

Frédéric Moncany de Saint-Aignan a clos ces Assises en se félicitant de la qualité de celles-ci, de l'affluence (plus de 1500 participants) et en annonçant les prochaines Assises à Montpellier les 3 et 4 décembre 2019.

Conclusion :

A titre personnel je tiens à souligner la qualité des conférences qui étaient très intéressantes et l'organisation qui était très efficace. Un constat partagé par beaucoup de participants. Le thème de l'innovation a amené à évoquer des secteurs très variés, j'aurais aimé que la marine marchande soit plus au cœur des discutions mais il en faut pour tous.

Cdt. Pierre Blanchard.
Président de l'AFCAN


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