Adieu Commandant Daniel Rigolet !
Six mois après la disparition du commandant Daniel Rigolet à l'âge de 92 ans, un hommage lui a été rendu dans l'après-midi du 29 juin 2023 pour honorer ses dernières volontés. Les cendres de ce grand marin, à qui l'on doit l'invention de la combinaison individuelle de survie à laquelle son nom reste attaché, ont été dispersées dans le raz Blanchard au large du phare de la Hague. Leur dispersion a été faite à bord du « Mona Rigolet », canot de la SNSM de Goury, liée de façon indéfectible au commandant Rigolet. C'est le 21 janvier 1974 que Daniel Rigolet débarque à la station de sauvetage de Goury pour un test grandeur nature de la combinaison de survie, vêtement à flottabilité intégrée (VFI) qu'il a conçue, test qu'il a voulu réaliser personnellement. L'exercice se déroule dans le raz Blanchard dans des conditions météo épouvantables, par vent de force 9 et un fort courant. Rémi Lecarpentier, ancien patron du canot de sauvetage de l'époque le « Raz Blanchard », raconte qu'il a déposé Daniel Rigolet dans une mer en furie à côté de la plage d'Ecalgrain et qu'il n'est pas parvenu à le récupérer. Dérivant vers la côte entre les rochers, celui-ci réussit à regagner la terre par ses propres moyens. Sa combinaison lui a sauvé la vie. Le commandant Rigolet a été touché par l'engagement des hommes de la station de Goury à ses côtés. Sans leur assistance lors des essais de la combinaison par une mer déferlante, ce test grandeur nature n'aurait pu se faire. A Goury, tous se souviennent de Daniel Rigolet. « La station de Goury lui doit beaucoup, c'est l'homme de la SNSM » assure Alexandre Le Thuillier, président de la station. Après l'homologation de sa combinaison de survie en 1979 et sa mise sur le marché, il avait reversé les bénéfices au profit de la construction du canot tout temps « SNS 067 – Mona Rigolet ». Et il avait souhaité que le canot, baptisé en 1989 par Mme Le Pensec, épouse du ministre de la Mer, porte le nom de son épouse. « Appelez-moi Mona » insiste Monique Rigolet à son arrivée à la station de Goury, petit hameau situé à l'extrémité du cap de la Hague. A l'âge de 90 ans, elle est venue du Morbihan pour disperser les cendres de son époux Daniel. Très émue par ce retour à Goury, elle rappelle que la volonté de Daniel Rigolet était que ses cendres soient dispersées ici, dans la baie d'Ecalgrain où il avait testé sa combinaison. « Voilà pourquoi je reviens ici » explique-t-elle. « Mon mari était un marin dans l'âme avec une nature d'entrepreneur. Il n'a jamais enlevé la mer de son esprit. Il a fallu parfois le suivre dans sa quête du sauvetage. Ça l'a hanté jusqu'à la fin de sa vie ». La cérémonie s'est déroulée à bord du « Mona Rigolet », en présence de Monique Rigolet accompagnée de ses enfants et petits-enfants. Le canot a appareillé de Goury par très beau temps, léger vent de noroît, mer belle, et s'est immobilisé au large de la baie d'Ecalgrain devant un panorama magnifique, à droite le légendaire Nez de Jobourg, à gauche le phare du cap de la Hague et derrière lui l'île d'Aurigny. Instant émouvant, la dispersion des cendres du commandant Rigolet par son fils Vincent, suivie par l'envoi d'une multitude de roses à la surface de la mer. Les bénévoles de la station de Goury étaient sur le pont ainsi que plusieurs amis venus lui rendre hommage. Son ami, le commandant Jacques Schirmann, président d'honneur des associations de pensionnés de la Marine Marchande, évoque un Daniel Rigolet volontaire. « Je me suis mis à l'eau quelques heures avec lui le 6 janvier 1974 dans le port de Cherbourg pour tester sa combinaison. Il me reste d'ailleurs une combinaison prototype. C'était un homme décidé ». Jacques Schirmann s'était lié d'amitié avec lui depuis le croiseur Tourville en 1955 où tous les deux suivaient le cours d'élève-aspirant de réserve. Vincent Lequesteur, directeur du lycée maritime et aquacole de Cherbourg, accompagné de quatre élèves, était également présent pour un dernier hommage à celui qui a donné son nom à l'établissement. Daniel Rigolet avait été directeur de l'école d'apprentissage maritime entre 1973 et 1976. En 2014, la Région lui a rendu hommage en apposant son nom sur le fronton du lycée maritime de Cherbourg. Présent à la cérémonie, Daniel Rigolet avait déclaré : « C'est le plus beau cadeau dont je pouvais rêver. Je peux désormais mourir tranquille, le combat de ma vie a abouti ». Au nom de l'AFCAN, l'association française des capitaines de navires dont son mari fut l'un des fondateurs et le premier président en 1979, j'ai moi-même présenté mes condoléances à Madame Rigolet. Très touchée par ce souvenir, Madame Rigolet a rappelé qu'elle l'avait soutenu dans toutes les actions qu'il avait dû mener au cours de sa vie associative. Avec la disparition de Daniel Rigolet, ce sont tous les marins qui ont une pensée pour cet humaniste à qui ils doivent l'invention de la combinaison de survie. Invention que le commandant Rigolet à force de persuasion et de pugnacité auprès des plus hautes autorités de l'Etat a réussi à imposer sur tous les navires. René TYL Discours prononcé par le commandant Jacques Schirmann lors des obsèques du commandant Daniel Rigolet C'est avec grande tristesse que nous avons appris le décès du Commandant Daniel RIGOLET survenu le 31 décembre 2022. Très connu dans le milieu maritime, il fut l'inventeur de la combinaison individuelle de survie à laquelle son nom reste attaché. Bouleversé par le drame du Maori, dans lequel 38 marins disparurent, où les moyens de sauvetage se révélèrent totalement inopérants, il n'eut de cesse de concevoir et faire adopter un engin de sauvetage individuel protégeant le naufragé de la noyade et du froid. Alors qu'il commandait le Pierre Guillaumat, le plus gros pétrolier du monde, il dut sacrifier sa carrière pour se consacrer entièrement à son invention et à sa promotion. Il lui fallut vaincre un grand nombre de difficultés : trouver un constructeur intéressé et adapté, effectuer des tests multiples dans des conditions les plus difficiles, au péril de sa vie, mobiliser l'opinion et les médias, convaincre les armateurs du bienfondé de sa démarche et surtout l'administration chargée de délivrer l'homologation. Il eut pour cela l'appui indéfectible des marins à travers les nombreuses pétitions de soutien organisées à bord des navires. Après 12 ans d'une véritable croisade, il eut la satisfaction de voir sa combinaison non seulement homologuée mais imposée à bord de tous les navires de commerce, de pêche et de plaisance, par arrêtés du ministre Louis Le Pensec en dates des 18 janvier et 1er Mars 1983. C'est à cette époque que fut créée l'AFCAN (Association Française des Capitaines de Navires) dont il fut le Premier Président élu à l'unanimité. Au soir de sa vie, s'il a eu la satisfaction que de nombreuses vies aient été sauvées par cet engin individuel, il a pu regretter qu'il ne soit pas encore adopté par la Marine nationale. Ses obsèques ont eu lieu le 10 janvier en l'église de Ferel, où il résidait, en présence de nombreux anciens marins, et selon son vœu, ses cendres seront dispersées au large de La Hague par le « Mona Rigolet », là où par deux fois il a risqué sa vie pour tester l'efficacité de sa combinaison. Que son épouse, si impliquée dans sa démarche, et tous ses proches, soient bien assurés de sincères condoléances de toute la famille maritime. Daniel Rigolet fait chevalier de la Légion d'honneur en 1983 et officier dans l'ordre du Mérite Maritime.
J.Schirmann
membre de l'AFCAN |