Retour au menu
Retour au menu
Deuxième sommet international sur l'autonomie et la durabilité des navires.
Traduction libre par le cdt M. Prébot d'un article paru en février 2021
dans le bulletin d'information du cabinet d'avocats Holman Fenwick Willan


Le 30 novembre 2020 s'est tenu le deuxième sommet international sur l'autonomie et navigation durable. Organisé par la Commission européenne et le Forum norvégien pour les navires autonomes (NFAS), ce sommet a permis de parler de l'avenir des navires autonomes, ainsi que de la façon dont les pays gèrent les développements nationaux et internationaux en matière d'automatisation, de numérisation et de durabilité. Les principaux intervenants de l'industrie maritime, des représentants de la Commission européenne et des représentants des gouvernements de nombreux pays, comme la Norvège, la Finlande et la Corée du Sud, ont pris la parole au cours de ce sommet.

Un des thèmes, et l'un des moteurs du développement des MASS (Maritime Autonomous Surface Ship), était l'impact du changement climatique sur l'industrie du transport maritime et la façon dont le transport maritime autonome pouvait être utilisé pour le combattre. Il a été clairement indiqué que les progrès technologiques en matière de navigation autonome seront un aspect clé de la décarbonation du transport maritime. Kitack Lim, secrétaire général de l'OMI, a déclaré dans son allocution a ce sommet que la navigation autonome a la capacité « d'accroître la sécurité, d'améliorer la performance environnementale, de permettre une navigation plus rentable et de redéfinir l'industrie ».

Le rôle de la réglementation et les obstacles possibles au développement et au progrès technologique qu'elle peut présenter ont également été abordés, ainsi que la façon dont elle peut être utilisée pour assurer la sécurité des progrès de l'automatisation.

Navires de commerce

  1. Le YARA BIRKELAND
  2. Le Yara Birkeland, développé par Kongsberg en collaboration avec Yara International, est le premier navire porte-conteneurs à propulsion entièrement électrique avec zéro émission conçu pour un fonctionnement autonome. Il est prévu pour transporter des conteneurs d'engrais par mer en vue de diminuer la circulation routière estimée à 40 000 camions diesel par an, et réduire ainsi la pollution qu'ils engendrent.
En raison de la Covid-19, le développement du Yara Birkeland, a été ralenti, mais en novembre 2020, le navire a été remis à Yara International par le chantier naval norvégien Vard Brattvåg. Depuis, il a effectué son premier voyage alimenté uniquement par des batteries, naviguant dans une zone d'essais à Horten. Il doit y subir d'autres tests et il devrait être opérationnel au cours de 2021.

Actuellement, le Yara Birkeland a un équipage réduit, mais la passerelle est constituée d'un module conçu pour être enlevé dès que le navire sera prêt et certifié pour fonctionner de manière entièrement autonome, ce qui devrait être le cas d'ici 2022.

Certains des principaux défis que le Yara Birkeland a dû relever, et qui constituent un obstacle pour de nombreux projets, sont le manque d'infrastructures portuaires adéquates et la logistique autonome à terre. Cela a contribué en partie aux retards pris dans le projet.
 
    Des infrastructures intelligentes et la numérisation des ports et des opérations en zone urbaine sont nécessaires. Cela devrait comprendre la numérisation du chargement et du déchargement des conteneurs, des reçus de commande, de la production, de l'empotage et du transport vers et depuis le navire.

    L'assureur norvégien Gard fournira à la fois la couverture P&I et la couverture de la coque et des machines pour le Yara Birkeland.
  1. ASKO MARITIME AS
  2. ASKO Maritime AS, est une autre entreprise norvégienne qui étudie la navigation autonome comme moyen de diminuer le temps, les dépenses et l'impact environnemental du transport de ses marchandises par route.

    Il existe un projet pour construire et équiper deux navires ro-ro avec une technologie autonome et comprenant des investissements dans l'infrastructure portuaire et l'équipement des navires avec la technologie nécessaire pour effectuer des opérations sans émission et sans refoulement. La construction a commencée au chantier naval indien de Cochin.

    Les deux navires, conçus par le concepteur norvégien de navires Naval Dynamics, devraient être livrés au début de 2022. Ils fonctionneront avec un équipage réduit auparavant.
  3. OCEAN INFINITY
Ocean Infinity, une entreprise de robotique marine et de collecte de données océaniques, a annoncé en février 2020 le lancement d'une flotte de navires de surface robotisés, mis au point par l'entremise de sa nouvelle filiale de technologie et de données marines, Armada. Les navires seront principalement utilisés pour recueillir des données océaniques et seront équipés de véhicules sous-marins autonomes (AUV). La flotte sera composée de neuf navires robotisés de 21 mètres et de 36 mètres.

Les navires de la première phase sont en production et devraient être opérationnels cette année. Ils seront contrôlés et exploités au moyen de la technologie satellitaire par des marins basés à terre au Texas et à Southampton.
En novembre 2020, Ocean Infinity a signé un projet de développement conjoint avec Shell qui verra la flotte Armada s'engager dans la recherche des eaux d'infiltration.
 
    A la même date, Ocean Infinity a également annoncé d'autres pistes pour la deuxième phase de son projet de flotte Armada, dont la mise au point des plus grands navires au monde de robotique marine avec huit navires robotisés de 78 mètres, avec équipage en option. Ces navires auront un équipage réduit à bord, mais seront contrôlés depuis la terre.
  1. Le MAYFLOWWER
Le Mayflower est un navire autonome utilisé pour la collecte et la recherche de données maritimes.

Malgré des retards, il a maintenant été lancé, en s'appuyant sur des systèmes d'intelligence artificielle fournis par ProMare et IBM.

Il passera les prochains mois en essais à la mer avant d'entreprendre des missions de recherche et des voyages puis de tenter de traverser l'Atlantique au printemps 2021.
 
  1. NYK
  2. Dans le cadre du projet d'essais en mer sur la navigation télécommandée du gouvernement japonais, la société japonaise NYK et ses sociétés du groupe MTI Co, Keihin Dock Co, aux côtés de Japan Marine Science, a effectué un deuxième essai avec un remorqueur télécommandé exploité dans la baie de Tokyo et a publié les résultats en décembre 2020.



    Le remorqueur était armé avec un équipage, mais équipé d'un système de télécommande qui pouvait être utilisé à partir d'un centre d'opérations de la ville de Nishinomiya, à environ 250 milles de la baie de Tokyo. Les opérateurs à distance de Nishinomiya ont utilisé des capteurs et des caméras sur le remorqueur pour reconnaître les conditions environnantes, et créer des plans de route et d'évitement d'abordage.
  3. SAMSUNG HEAVY INDUSTRIES
Le chantier naval sud-coréen Samsung Heavy Industries a également effectué avec succès un voyage avec contrôle à distance en mettant en service un navire de 38 mètres depuis son chantier naval sur l'île de Geoje, contrôlé par un système à distance basé dans un centre de recherche à Dajeon, une ville de l'intérieur des terres à des centaines de milles.

Samsung Heavy Industries a déclaré qu'il prévoyait de commercialiser son système de navigation autonome d'ici 2022.
 

Navires à passagers

  1. BUFFALO AUTOMATION
Buffalo Automation, une start-up d'intelligence artificielle basée aux États-Unis, a annoncé un « robo-taxi » entièrement autonome et transportant des passagers sur la rivière Tennessee. Greycraft Water Taxi, qui est alimenté par l'énergie solaire, sera activé à l'aide d'une application et utilisera l'imagerie thermique pour identifier les problèmes de sécurité et les obstructions. Le lancement officiel de Greycraft Water Taxi est prévu pour le début de 2021.
 
  1. ZEABUZ
  2. Une autre jeune entreprise, Zeabuz, qui développe des navires de transport automatisé de passagers, est basée en Norvège.
Zeabuz construit et exploite 45 petits ferries autonomes développés par des chercheurs de l'Université norvégienne des sciences et technologies (NTNU).

Le réseau de bacs électriques, qui passera à 78 bacs dans la deuxième phase de construction, est un réseau de bacs entièrement électriques autonomes utilisés pour traverser le canal à Trondheim, en Norvège.

Les passagers pourront appuyer sur un bouton du côté de la rive pour appeler le bac. Le bac se rechargera, sans fil, pendant qu'il est à quai.
Il pourra accueillir 12 passagers et vélos et permettra d'effectuer en un peu plus d'une minute un voyage qui prendrait normalement 15 minutes à pied.

Les ferries, qui doivent être lancés cette année, seront reliés à un centre de contrôle à partir duquel ils seront exploités à distance en utilisant la 5G.
 
La construction des bacs sera effectuée par CSL et Siemens. La société suédoise de technologie énergétique Echandia a été chargée de construire les systèmes de batterie.
  1. ARTEMIS
Bien que l'exploitation de grands navires à passagers semble plus éloignée, des investissements sont en cours dans ce secteur. Guvnor Group, une société de négoce de pétrole et de matières premières, a acquis une participation dans Artemis Technologies, une start-up technologique basée à Belfast.

Artemis Technologies a débuté sous le nom de l'équipe de voile Artemis Racing qui a participé à la Coupe des Amériques et cherche à mettre à profit les technologies utilisées pour développer un navire autonome hydro-foil à grande vitesse en fibre de carbone et un système de propulsion pour concevoir un ferry. L'investissement du groupe Guvnor s'ajoute à la récente subvention à l'innovation de 33 millions de livres du gouvernement du Royaume-Uni.

Artemis Technologies développe également un catamaran à voile autonome de 45 mètres avec une vitesse de pointe prévue de 50 nœuds, qui générera une puissance électrique lors de la navigation qu'il pourra utiliser pour le moteur lorsque les vents sont faibles.
 

Navires de surveillance

Le Centre de recherche et de développement de la garde côtière des États-Unis (USCG) a récemment terminé un essai sur des navires de surface sans équipage au large d'Oahu, à Hawaï, afin de tester le MASS pour des opérations de surveillance.

Les tests ont porté sur un MASS de Saildrone et des systèmes d'intégration spatiale, en plus d'un navire de recherche autonome appartenant à l'USCG construit par Metal Shark. Les essais comprenaient des simulations de surveillance de comportements illégaux tels que la contrebande maritime et la pêche non réglementée, et d'autres utilisations telles que l'amélioration de la réponse environnementale maritime et l'amélioration de la sécurité portuaire.

Le navire fourni par Metal Shark est un navire monocoque soudé en aluminium de 29 pieds équipé de la technologie de commande autonome et de télécommande Sea Machines SM300. Il offre l'autonomie de transit, l'autonomie collaborative, le pilotage actif et l'évitement des collisions ainsi que la possibilité d'une surveillance à distance des navires.
 

Réglementation

La sécurité est une préoccupation primordiale pour les organismes de réglementation et les législateurs et il sera nécessaire que ces derniers parviennent à un équilibre entre le maintien de normes de sécurité élevées et l'évolution rapide de la technologie. L'examen de la législation existante par l'OMI est en cours, mais le but de la réglementation entourant les MASS doit être de s'assurer que la mise en œuvre des MASS se fera sur une base d'essais et de mise à l'essai.

En ce qui concerne le droit national, la Norvège est en train de mettre à jour sa législation nationale pour refléter les progrès technologiques en matière de navigation autonome. Par exemple, en vertu de l'article 25 de la loi de 2019 sur le port et les fairways, un navire peut demander un permis pour se soustraire à l'obligation d'avoir un pilote à bord.

Cette loi est entrée en vigueur en janvier 2020, mais, le ministère des Transports a déclaré en novembre 2020 qu'il n'avait pas reçu une seule demande de permis en vertu du nouveau règlement. La Norvège va introduire un nouveau plan de transport dans le courant de l'année prochaine pour résoudre les problèmes existant entre les opérations ashore et offshore des MASS.

Il y a eu des changements apportés au Code of Practice (COP) du Royaume-Uni sur le MASS et à la troisième révision de la COP des Maritimes du Royaume-Uni. Maritime UK a depuis publié une quatrième révision préparée par le UK Maritime Autonomous Systems Regulatory Working Group (« MASRWG »). La nécessité de mettre à jour les directives requises pour les propriétaires et les exploitants de MASS reflète le rythme rapide auquel les MASS progressent.

La nouvelle version contient les Principes de conduite de l'industrie et un Code de pratiques, avec des changements à la définition de « systèmes de navires », ainsi que des chapitres supplémentaires sur la cyber-sécurité, le pilotage, le positionnement dynamique et l'enregistrement des données du navire. Le Code passe également des navires « sans pilotage » aux navires « sans équipage ».

Entre-temps en Russie, le président Poutine a demandé que des modifications soient apportées à la législation actuelle afin d'inclure des règlements pour les navires autonomes en vue de leur introduction en février 2021 et, en décembre 2020, un décret a été approuvé permettant l'essai des opérations MASS sur la base des Lignes directrices provisoires de l'OMI pour les essais MASS. Cela reflète une poussée en Russie pour développer des projets MASS. La société de technologie russe Kronshtadt Technologies a récemment conclu des accords avec les compagnies maritimes Morspetsservice et SeaEnergy pour le développement d'une flotte commerciale de navires autonomes.

Cyber-sécurité

Un nouveau chapitre de la version 4 de la COP britannique traite de la cyber-sécurité, une question-clé qui touche actuellement les entreprises, en particulier compte tenu de l'augmentation du travail à domicile et des risques que cela peut présenter pour les entreprises. Ce risque général se reflète dans le développement technologique des navires autonomes.

Un nouveau document sur l'impact des cyber-risques et de la navigabilité des MASS a été élaboré pour le Colloque de l'Université de Swansea. Ce document devrait être publié en 2021 et considère la cyber-sécurité comme un problème de navigabilité.

Ce concept est de plus en plus évoqué, notamment à la suite de failles de cyber-sécurité comme l'attaque de logiciels malveillants qui a frappé la société CMA CGM le 28 septembre 2020, ou encore à cause des craintes et des possibilités d'erreurs techniques, de piratage et de cyber-piratage.

La cyber-criminalité représente une menace réelle pour les navires autonomes, où la cyber-piraterie et les dangers comme l'accès non autorisé possible aux systèmes de contrôle à distance et les attaques pourraient nuire à l'exploitation du navire lui-même.

Bon nombre des dispositions continueront d'être peaufinées et adaptées au fil du temps, à mesure que les projets d'automatisation commenceront à être mis en œuvre dans l'ensemble de l'industrie, afin de s'assurer que le contrat standard continue de répondre aux besoins de cette technologie émergente. Le nouveau contrat type sera basé sur l'accord SHIPMAN 2009 pour l'utilisation avec les navires autonomes, et devrait être publié en 2021.

Sarah Kenny OBE, présidente de Maritime UK, a souligné six points à examiner qui devront encore évoluer (à des degrés divers) avant que les MASS ne soient susceptibles d'être largement adoptés dans l'industrie du transport maritime.

Il s'agit de la technologie et des normes, de la gouvernance et des politiques, de la confiance, de la transformation et l'adoption, des compétences et de l'investissement. Elle a conclu en disant : « [...] plutôt que de craindre cette perturbation causée par la technologie qui a des répercussions sur notre secteur, nous devons faire face à la réalité qu'il existe d'énormes possibilités de transformation et d'adaptation dans le cadre d'une industrie véritablement mondiale. Cela exige un leadership réel, collaboratif et peut-être courageux, et c'est peut-être la clé la plus importante si nous voulons débloquer cet avenir. »

Conclusion

Alors qu'il nous reste encore à voir des navires entièrement autonomes opérant à l'échelle internationale avec un cadre juridique international couvrant l'intégration des MASS, il y a maintenant un certain nombre de projets à l'horizon qui font que l'adoption généralisée semble proche. Le Yara Birkeland devrait bientôt être opérationnel. De nombreux autres projets atteignent leur phase finale de test et d'expérimentation, comme l'Armada Ocean Infinity.

La technologie est déjà prête et il faut maintenant d'autres éléments à mettre en place. Les administrations rattrapent leur retard, et nous commençons à voir les instances législatives nationales adopter des lois pour couvrir le développement des MASS.

Le travail du MASRWG a conduit au changement et à une prise de conscience accrue et a réalisé des progrès significatifs dans les principes de base de la conception, de la fabrication et de l'exploitation des navires autonomes.

Pour qu'une intégration plus large puisse avoir lieu, il faudra que les MASS soient adoptés par les opérateurs, les propriétaires, les gens de mer et le public en général et qu'ils puissent prouver que les systèmes et le matériel sont dignes de confiance.


Retour au menu
Retour au menu