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  Formation et simulateurs


       Depuis maintenant quelques années, l'usage du simulateur est devenu partie intégrante de la formation dans les écoles de le Marine Marchande. L'apprentissage sur simulateur est venu de l'aviation. Les avancées technologiques ont permis la création de simulateurs vidéo de plus en plus réalistes. On est passé d'un simple écran à des passerelles quasi panoramiques à un nombre élevé d'écrans, permettant même de voir ce qui se passe à l'arrière du navire. Il est possible de formater ces simulateurs pour différents types de navires, du plus petit des caboteurs au VLCC. Idem pour les simulateurs machine. Désormais un simulateur standard passerelle, outre ses vues sous différents angles, est aussi relié au radar, à l'ECDIS, et à des commandes machine et barre très réalistes.

       Il existe 2 sortes de simulateurs : ceux en version vidéo et ceux sur maquettes (en ce qui concerne la navigation et la manœuvre) ou sur installation (pour la machine).

Leurs différences sont grandes.
       D'un coté les vidéos nécessitent un investissement relativement peu important (en matériel et en place), et sauf le bug informatique il n'y a quasiment aucun risque de casse. De l'autre côté, les maquettes ou les installations machine coûtent beaucoup plus chers, et nécessitent une grande place, sur un lac pour les maquettes de navire et en locaux pour des installations machine. D'autre part le risque de casse est plus important. Une fausse manœuvre (telle une collision avec une autre maquette ou un quai) va nécessiter des réparations, ce sera la même chose avec des installations machine, avec cependant l'avantage que cela pourrait aussi permettre aux stagiaires de parfaire leurs connaissances en termes de maintenance, un mal pour un bien. Mais gare aux coûts.

       Afin de clarifier tout de suite les choses, l'apprentissage sur simulateur est une bonne chose. Mais attention, il doit être mené en connaissant les dangers que cet apprentissage présente, et en lui demandant plus que la seule acquisition d'automatismes.

       Voyons quels sont les avantages et inconvénients de l'apprentissage sur simulateur, quelles sont les limites dans son utilisation à ne pas dépasser et comment améliorer l'usage du simulateur dans l'apprentissage.
 
Les avantages :
       la découverte de situations pré-formatées qu'on ne rencontrera peut-être pas souvent pendant une carrière, l'apprentissage d'automatismes dans certaines circonstances, principalement l'application du règlement COLREG, la possibilité de pouvoir rejouer le même scénario pour profiter de ses erreurs ou confirmer sa bonne interprétation de la situation (s'apercevoir que l'on n'a pas réussi par chance mais par l'application de règles connues), la possibilité d'accélérer le temps pour shunter les périodes plus calmes de l'exercice, la mise en condition comme à bord de l'environnement.

       Les situations pré-formatées : il est possible de programmer des navires cibles, susceptibles d'être en route de collision avec le stagiaire suivant les manœuvres qu'il fait avec son propre navire. Deux stagiaires ayant des réactions différentes à la première manœuvre auront des situations de rapprochement avec d'autres navires complètement différentes. Et ces stagiaires n'auront pas l'impression d'avoir effectué le même exercice. Donc une possibilité de rejouer un exercice sans obligatoirement le rejouer de la même façon. De plus, lors d'un débriefing, cela peut entraîner les stagiaires à échanger sur leur propre manœuvre, de l'expliquer.

       Les exercices peuvent se dérouler, de jour, de nuit, par bonne et mauvaise visibilité, avec des échos radar plus ou moins brillants, on peut même programmer un écho pour n'apparaître sur l'écran radar que très ponctuellement, en faire une sorte de faux écho, mais vrai navire qui va surprendre le stagiaire lorsque celui-ci le verra apparaître en visu, quelquefois trop tard. Rejouer le même scénario, ou apprendre de ses erreurs. Il faut avouer que c'est une chose formidable de pouvoir recommencer, se corriger après coup. Et même sans erreur lorsque le premier essai, couronné de succès a été effectué après une réflexion longue, refaire le même exercice régulièrement, pour posséder des automatismes de réaction.

       Ceci est surtout valable et important pour les simulateurs des stations de pilotage, où faire et refaire les mêmes manœuvres dans des conditions de météo différentes va donner au pilote une plus grande connaissance, un meilleur pouvoir de décision.
Les inconvénients :
       Certes, une approche de plus en plus réaliste de l'environnement, mais il manque toujours le mouvement, la chaleur ou le froid, le bruit (climatisation, autres appareils, machine, VHF, et les alarmes de toutes sortes de communication). Il manque surtout le fait que lorsque l'on est au simulateur de navigation, c'est pour naviguer, pour manœuvrer, et l'on est vraiment concentré que sur ce sujet sans être perturbé par le reste, comme à bord.

       Ensuite les navires, que ce soit en vidéo ou en maquette, sont rapprochant, le plus possible, et la technique autorise à penser que ce le sera encore plus prochainement. Mais il y a toujours un peu de différence avec le navire sur lequel on va naviguer, d'abord tous les navires ou types de navire ne sont pas encore programmés. Ce qui est normal même pour un navire type, mais qui serait construit dans différents chantiers, avec un safran légèrement différent, une machine un peu plus ou un peu moins puissante, un chargement différemment réparti, etc. On n'a donc pas vraiment son navire mais un navire approchant. Attention c'est mieux que rien, mais cela veut surtout dire qu'il faut garder à l'esprit que le navire n'aura peut-être pas exactement la même réaction que le simulateur, et donc ne pas s'en retrouver surpris, ce qui pourrait entraîner vers un plus grand risque.
Les problèmes majeurs de l'usage du simulateur :
       Dans certains pays, il est très sérieusement envisagé de remplacer les temps de navigation comme élève voire certains cours par des heures de simulateur.

       L'apprentissage sur simulateur, s'il est devenu incontournable dans la formation, doit être un complément en situation quasi réelle, mais ne doit en aucune façon remplacer l'apprentissage théorique (comme par exemple les règles de barre) pendant les cours. On peut apprendre très tôt sur simulateur, mais cela ne remplacera jamais l'expérience acquise en mer, en équipe ou seul, dans un univers non stable où une multitude de problèmes annexes se greffent sur la situation.

       En fait l'apprentissage sur simulateur devrait quasiment être réservé aux officiers qui ont déjà une expérience en mer, et qui viendraient pour approfondir cette expérience, éventuellement vérifier leurs idées en situation, pour moins cher et moins dangereux qu'en mer. Lors d'un de mes stages sur simulateur vidéo, je me suis «amusé» à tenter certaines manœuvres plus risquées, moins standard, que j'avais en tête depuis longtemps, mais que je n'osais pas faire en réel, n'étant pas sûr du résultat et ne voulant pas tout de même risquer quelques centaines de millions de dollars juste pour voir. J'ai alors appris que j'avais eu raison de ne pas risquer, même si certaines de ces manœuvres se sont révélées efficaces, mais tout de même dangereuses dans leur conception.

         Et c'est là un autre point que je voulais aborder, comment améliorer la qualité de ces stages ? Je pense que ces stages sur simulateur seront plus efficaces que si l'on admet 2 choses essentielles : oublier que l'on ne fait que jouer à un jeu vidéo, et surtout inclure dans la simulation un fort degré de facteurs humains.

       L'importance des facteurs humains dans la simulation est considérable. Elle permet de mettre en situation plus réelle, d'où la nécessité de travailler en équipe comme sur une passerelle ou dans une machine, d'intégrer des problèmes annexes (par rapport à la manœuvre à effectuer) en perturbant l'équipe passerelle par des appels téléphoniques, des demandes extravagantes comme savent si bien le faire nos services techniques, qualité et commerciaux. Bien faire assimiler aux stagiaires sur simulateur que la concentration doit être maximum quelles que soient les circonstances. Ensuite oublier qu'il ne s'agit que d'un jeu. Je suis étonné de voir des élèves, en cours sur simulateur, rire parce qu'ils sont entrés un collègue, ou dans les jetées d'un port. Il est assez étrange pour la génération «play station» de jouer sur vidéo et de se faire expliquer qu'on a qu'une vie, mais pas 7 ou 10, et qu'à bord, on ne reviendra pas en arrière.

       Enfin, et ce sera mon dernier point, même si je ne dis pas que du bien dans mon propos de l'apprentissage sur simulateur, je pense qu'il est nécessaire pour tout capitaine, tout chef mécanicien, de faire des stages sur simulateur. Pour essayer. Pour approfondir. Pour corriger de mauvais automatismes. Sur vidéo ou sur maquette, avec je pense, un plus pour les stages sur maquettes qui sont certainement plus réalistes et moins ludiques.

       Ces derniers stages, sur maquette, pourraient très bien devenir obligatoires, dans une sorte de formation professionnelle continue, comme cela se fait dans l'aviation, et que les armateurs, vu les sommes déboursées pour ces stages, puissent aussi en tirer profit. Ne serait-ce que pour négocier les contrats d'assurance par exemple.

Cdt Hubert Ardillon
Président de l'AFCAN


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