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Analyse du transport maritime pour l'année 2010



       L'année 2010 a été marquée par le retour à la croissance. On assiste au retour généralisé à la surcapacité des flottes en raison de l'arrivée sur les marchés des anciennes commandes mais aussi d'une reprise massive des investissements des compagnies maritimes en nouvelles unités. Mais si l'année 2011 s'annonce en effet comme une année record pour la livraison de vraquiers et la course au gigantisme des navires de ligne régulière, la surcapacité de la flotte et le ralentissement économique lié à la maîtrise des dettes tant en Europe qu'aux Etats-Unis risquent d'annoncer une nouvelle crise dans le transport maritime. S'ajoutent à cela le coût des soutes durablement tiré vers le haut par le cours du pétrole et l'endurcissement des normes relatives aux émissions de polluants d'une part, et d'autre part le phénomène croissant de la piraterie.

         Malgré la crise, la flotte mondiale de commerce a continué à croître sous le poids des livraisons des commandes passées en des temps meilleurs. Elle atteignait en 2010 les nouveaux chiffres record de 47 000 navires, soit 800 navires de plus que l'année précédente, et plus de 1,200 millions de port en lourd.

       La flotte mondiale est aujourd'hui dominée par les pavillons de libre immatriculation, qualifiés aussi de «complaisance». Leur tonnage s'élève à 700 Mt, soit plus de la moitié de celui de la flotte mondiale, et leur flotte est évaluée à 15 000 navires, soit au tiers de l'effectif. Il s'agit pour ne citer que les principaux, du Panama, du Liberia, des Iles Marshall, des Bahamas, de Malte, de Chypre, d'Antigua et Barbuda, des Bermudes, de Saint-Vincent et des Iles Cayman. Classés par Etats du pavillon, le Panama occupe le 1er rang avec près de 7 000 navires, le Liberia le second rang avec 2 400 navires et les Iles Marshall le 3ème rang avec 1 200 navires. Ils sont suivis par Hong Kong, la Grèce, Singapour, les Bahamas, Malte, la Chine et le Royaume-Uni pour ne nommer que les 10 premiers.

       Le classement des flottes en fonction des pays qui contrôlent réellement les navires est toutefois considérablement différent de celui des pavillons. La Grèce et le Japon occupent les 2 premières places, suivis par l'Allemagne, la Chine, la Corée du Sud, la Norvège, Hong Kong, les Etats-Unis, le Danemark et le Royaume-Uni. La France ne se place qu'au 27ème rang avec seulement 216 navires sous pavillon français. Parmi ceux-ci, 93 navires sont inscrits au registre International Français (RIF), 78 au registre métropolitain et 45 aux registres d'Outre-mer. Ces navires totalisent près de 6,3 millions de jauge brute et leur capacité d'emport est évaluée à plus de 8 millions de tonnes de port en lourd.

       Une menace pèse cependant pèse sur le RIF, qui ferait l'objet d'une réflexion gouvernementale pour être réformé, au motif que 24 navires, parvenus en fin d'obligation de pavillon français en lien avec le GIE fiscal(1), seraient susceptibles de quitter le registre RIF. Pour les armateurs le RIF coûterait trop cher, en raison du poids des charges sociales.

       Autre menace qui affecte très lourdement et de manière croissante l'industrie maritime mondiale, la piraterie. En prenant en compte l'ensemble des postes de charges des compagnies maritimes affectées par ce nouveau phénomène (rançons, assurances, re-routing, sécurité et forces navales déployées…), une étude réalisée fin 2010(2) estime le coût global de la piraterie entre 7 et 12 milliards de dollars par an. En ce qui concerne le transport conteneurisé, le phénomène de la piraterie a eu comme conséquence l'augmentation des coûts de navigation, liée non seulement à des coûts d'assurance et de protection des équipages, mais aussi à une croissance accrue des consommations de carburant. Les porte-conteneurs qui traversent ces zones sont en effet obligés d'augmenter leurs vitesses afin de réduire les risques d'attaque, et cela sur des distances de plus en plus longues. La compagnie Maersk a évalué en mai 2011 la surcharge piraterie pour un conteneur de 40 pieds à une fourchette de 200-500 dollars.

Les porte-conteneurs



       La flotte mondiale de porte-conteneurs, en augmentation de 25% sur l'année, comprenait au 1er janvier 2011 un total de 4 850 navires représentant une capacité de 14 282 000 EVP, soit la plus forte capacité jamais enregistrée dans l'histoire du transport maritime(3). Le gros de la flotte est composé en majeure partie de navires en dessous de 4 000 EVP, soit 70% des navires de la flotte représentant 38% de la capacité totale en conteneurs, le segment 4000-10 000 EVP cumulant à 56% de la capacité avec 28% des navires, les plus de 10 000 EVP se chiffrant à 71 unités (885 000 EVP, soit 6% de la capacité). Néanmoins, après une pause liée à la récession économique, la course au gigantisme a repris au point qu'un porte-conteneurs sur 4 en commande est un ULCS (Ultra Large Containers Ship) de plus de 12 000 EVP. Maersk attend pour 2013 dix navires de la classe «triple E(4)» d'une capacité de 18 000 EVP chacun. Cette course au gigantisme est justifiée par les armateurs sur la base des gains environnementaux(5) et des économies d'échelles que l'accroissement de la taille des navires permet d'obtenir, d'autant plus que la politique de «slow steaming(6)» adoptée par les armateurs ces deux dernières années n'est pas remise en question

       Pour autant, au final ce sont sur les ports que repose l'essentiel des enjeux : capacité nautique avec des tirants d'eau de plus de 17 m, outillage suffisant avec des navires dépassant 50 m de large, cadence à soutenir. Les 3 premiers armateurs du classement se partagent plus du tiers de la capacité mondiale : AP Moller-Maersk avec 2 314 000 EVP (15% de part de marché), Mediterranean Shipping Company (MSC) avec 1 975 000 EVP (12,8%) et CMA CGM avec 1 271 000 EVP (8,3%). On trouve ensuite Evergreen, Hapag-Lloyd, APL, CSAV Group, COSCO, Hanjin et China Shipping dans les 10 premiers.

La situation des compagnies françaises
       L'armement français comptait en 2010 trois compagnies impliquées dans le transport de conteneurs, mais avec des flottes d'importance très inégale : 401 navires dont 98 en propriété pour CMA CGM, 8 en propriété chez Marfret et un chez Maersk Maritime.

       CMA CGM a renforcé sa position sur les marchés du transport conteneurisé, passant de 4,9% à 8,3% de la capacité de la flotte mondiale entre 2009 et 2010. En 2010 le groupe aura pris livraison de 15 navires dont 4 sous pavillon français (RIF) et prévoit d'en recevoir 9 dont 6 de plus de 10 000 EVP. Mais seuls 2 de ces navires seront immatriculés au RIF, alors qu'à l'heure actuelle seulement 21 navires sont immatriculés sous ce registre. Mais plus qu'en nombre d'unités, la flotte CMA CGM croît en termes de capacité. L'opérateur est en effet concerné par la tendance au gigantisme des navires qui caractérise l'ensemble du secteur. En mai 2011 la compagnie a décidé de convertir ses commandes pour 3 porte-conteneurs de 13 000 en 16 000 EVP, sans toutefois envisager d'investir, à la différence de Maersk, dans les nouveaux porte-conteneurs géants de plus de 18 000 EVP.

       Après la crise de 2009 où CMA CGM a enregistré une baisse de 30% de son chiffre d'affaires, avec une perte de 500 M €, l'année 2010 a marqué une amélioration de la situation financière du groupe. Des niveaux d'activité records ont été enregistrés sur les lignes Asie-Europe et l'intra-Asie, et également sur les lignes Asie-Etats Unis. Le chiffre d'affaires a atteint 14,3 milliards de dollars, soit 36% de mieux qu'en 2009.

       Le deuxième armement au conteneur, Marfret, a opté pour une stratégie d'alliances avec d'autres armements, notamment CMA CGM, afin d'améliorer sa couverture et la fréquence des services. Parmi les 8 navires de sa flotte, 5 sont sous le registre RIF. Les achats d'espace sur les navires d'autres flottes lui permettent d'embarquer ses marchandises sur plus de 30 navires. Avec 100 000 conteneurs transportés par an, Marfret évite les « autoroutes » Est-Ouest pour se concentrer sur les lignes Nord-Sud. La taille modeste de cet armement ne l'empêche pas de prospérer et d'annoncer un chiffre d'affaires de 180 M€. Fin mai 2011, Maersk Maritime, filiale française de Maersk, a annoncé qu'elle fermera ses portes en septembre.

Le transport de vracs secs

       Si la branche porte-conteneurs du transport maritime a été affectée par le ralentissement économique en cours, c'est dans le transport sec que la situation est la plus inquiétante. L'indice Baltic(7), qui atteignait près de 3 000 points en août 2010, n'a cessé de s'effondrer pour atteindre près de 1000 points au début 2011. Mais si tous les segments du vrac sec ont ainsi subi une baisse sévère en 2010, certains marchés ont commencé à se redresser au cours du 1er semestre 2011, le BDI se stabilisant entre 1250 et 1400 points. Néanmoins cette reprise ne concerne que les tarifs des navires de grande taille (Capesizes).

       Si les analystes financiers considèrent qu'un retour du BDI à une valeur autour de 1600 points permettrait d'anticiper une reprise de l'activité économique mondiale, il ne faut pas oublier que les prochaines livraisons de nouvelles unités vont accroître la capacité sur le marché du vrac sec et exercer, par conséquent, une pression à la baisse sur les taux de fret. Ainsi, sur la route Brésil-Chine, une des principales lignes - avec la ligne Australie-Asie de l'Est – du commerce de minerai de fer mondial, le géant minier brésilien Vale devrait recevoir d'ici 2013, 41 VLOC(8), sur un marché où l'offre de navires est déjà supérieur à la demande(9).

       En revanche, selon une étude de la DnB NOR Bank(10), la seule demande chinoise en minerai de fer pourrait absorber, d'ici 2020, 584 vraquiers supplémentaires, soit bien plus que les 453 navires en commande. D'après cette étude, la Chine est désormais le cœur des grands échanges mondiaux de vracs secs.

       Au début 2010, la flotte mondiale de vraquiers s'élevait à 7 772 navires, soit 291 de plus qu'en 2009, représentant 451,2 millions de tonnes de port en lourd, en augmentation de 36,8 M tpl par rapport à 2009.
Le secteur des vracs secs en France
       Le marché français du vrac sec a été longtemps sous le contrôle de 2 compagnies : Bourbon, avec sa filiale Sétaf-Saget, et LDA, avec sa filiale Cetragpa.

       Le groupe Bourbon s'est dégagé du transport de vrac à l'automne 2010 pour s'investir davantage dans le secteur des services offshore. Sa filiale Sétaf-Saget, vendue en fin 2010, poursuit son activité avec une flotte de 30 à 40 affrétés et assure la gérance commerciale du cimentier Endeavor affrété à long terme par Lafarge. La compagnie envisage de revenir à l'armement en propriété en 2012 avec 3 navires Supramax de 63 000 tonnes (sous pavillon panaméen).

       La flotte de vraquiers de propriété française ne compte plus que 3 unités, les Jean LD et Pierre LD, sous pavillon RIF, de Louis Dreyfus Armateurs, et le Cape Agnes, sous pavillon panaméen, détenu par EDF Trading/Mitsubishi. Pour autant, Louis Dreyfus Armateur, opérateur ayant toujours adopté une politique prudente d'investissement en navires, a commandé à des chantiers chinois 8 vraquiers dont 4 Capesize (180 000 t) et 4 Handymax (40 000 t), qui devront être livrés entre 2013 et 2014. L'armateur mise en effet sur une reprise du marché à partir de 2013, l'augmentation de la demande chinoise devant permettre d'absorber la surcapacité de la flotte mondiale. Par ailleurs, Cetragpa, la filiale de Louis Dreyfus Armateur, est affréteur d'une vingtaine de navires de 28 000 à 182 000 tpl totalisant près de 2 millions de tonnes de port en lourd. Enfin le groupe gazier GDF Suez a affrété en mars 2011 le vraquier panaméen GDF Suez Ghent de 58 470 tpl.

Le transport pétrolier et de gaz

       Après une chute significative en 2008 et 2009, les tarifs du fret pétrolier, qui avaient remonté au cours du premier semestre 2010, ont reculé à partir de l'été. Cette tendance s'explique davantage par un excès de l'offre de transport que par un manque de demande(11). En effet en 2010, 50 nouvelles commandes de Very Large Crude Carrier (VLCC) ont été enregistrées contre 19 en 2009. Actuellement la flotte mondiale de VLCC compte 548 unités dont 179 en commande. Toutefois, le tonnage global du carnet des commandes est en baisse, 118 M tpl en 2011 contre 132 M tpl en 2010.
Le secteur du transport de vracs liquides en France
       La flotte française de pétrole brut comprend 14 navires immatriculés au RIF, tous de la catégorie VLCC. Ces navires sont loués coque nue et affrétés à temps par les armateurs qui remplissent ainsi leurs obligations légales de pavillon(12). Quatre compagnies sont concernées : Euronav, qui arme 7 navires – BW Maritime, 3 navires – V.Ships, 3 navires et Maersk, 1 navire. La flotte de transporteurs de produits pétroliers raffinés appartenant à des armateurs établis en France compte actuellement 65 navires dont 37 sous pavillon français et 28 sous pavillon étranger. Cette flotte est composée en majorité de tankers de moyenne et petite taille

       Les compagnies leaders dans le secteur du transport pétrolier de produits raffinés sont essentiellement :        Le secteur des armements pétroliers est aujourd'hui le plus problématique de la flotte française. Les risques pour l'armement national sont liés principalement :        Concernant les deux dernières hypothèses, les armateurs ont en effet évalué à 1500 $ par jour et par navire le surcoût du RIF par rapport à un pavillon européen pour des navires qui valent sur le marché entre 11 000 et 12 000 dollars/jour, et cela dans un marché où les taux de fret se sont effondrés depuis 2008.

Le transport de gaz liquéfié en France
       Dans ce domaine, la France dispose de 2 grands armateurs de niveau mondial : GDFSuez, en ce qui concerne le transport de gaz naturel (GNL), et Geogas pour le gaz de pétrole (GPL).
GDFSuez dispose d'une flotte de 17 méthaniers, dont 4 en propriété (3 sous RIF, armés par Gazocéan, et 1 sous pavillon norvégien) et dont les 13 autres sont affrétés. De son côté, TOTAL affrète un méthanier sous pavillon norvégien.
La flotte du groupe Geogas, 1er trader international de GPL, comprend 22 navires dont 8 sous registre RIF, gérés par l'armement V.Ships France.

Les navires à passagers

Les paquebots de croisière
       Le marché mondial de la croisière est en perpétuelle évolution depuis plus de vingt ans, avec notamment une phase de démocratisation des produits, permise par la construction de grosses unités, inspirées du concept du « funship » lancé par Carnival dans les années 1970. Le groupe Carnival Cruise Lines est d'ailleurs le numéro un incontesté depuis bientôt 40 ans, propriétaire d'une dizaine de compagnies(13) et d'une centaine de paquebots. Le chiffre d'affaires du groupe a été évalué en 2010 à 14,5 milliards de dollars et le bénéfice net à près de 2 milliards de dollars. Les navires ont accueilli 9,1 M de passagers dont 52% originaires d'Amérique du Nord, 39% d'Europe, 7% d'Asie et d'Australie et 2% du reste du monde. Le groupe emploie au total 89 000 salariés. En France, le marché de la croisière a atteint en 2010 le cap de 387 000 passagers, en croissance de 12% par rapport à 2009. Le marché français est le 7ème au niveau mondial, et le 4ème en Europe. Bien que dominé par les grandes compagnies mondiales, les opérateurs français ont une place importante dans les services haut de gamme : la compagnie du Ponant, Croisimer, Croisière de France, Club Med.

       La compagnie du Ponant, filiale de CMA CGM, arme 5 navires sous pavillon français (Wallis et Futuna), dont le paquebot à voiles Le Ponant, qui ont transporté 13 500 passagers en 2010.
L'armement Club Med (V.Ships) ne possède plus que le Club Med 2, paquebot à voile, sous pavillon Wallis et Futuna.
Les transbordeurs
       La flotte française de ferries compte 35 navires transbordeurs, dont 25 sous pavillon français, et 5 navires à grande vitesse (NGV), dont 2 sous pavillon français. Parmi ces 40 navires, 26 sont basés en Méditerranée, et 16 en Manche-Atlantique.

       Les 2 marchés les plus importants sont celui de la desserte maritime de la Corse, et celui de la desserte transmanche. Ces 2 marchés ont tendance à décroître depuis plusieurs années, face à la concurrence du mode aérien à bas coût pour le premier, et celle du lien fixe transmanche pour le second. Sur ces deux segments le nombre de compagnies exploitant des navires battant pavillon tiers (LD Lines sur le transmanche, Corsica Ferries sur la Corse) ne cesse de s'accroître. Les principales compagnies françaises opérant sur ce secteur avec des navires au 1er registre métropolitain, la SNCM sur la Corse, Brittany Ferries et SeaFrance sur la desserte transmanche traversent une période de bouleversement économique susceptible d'avoir un lourd impact sur l'emploi national de marins.
La desserte maritime de la Corse
       La desserte de la Corse compte 24 liaisons maritimes assurées par 6 compagnies : Corsica Ferries (63% du trafic passagers) – la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) (27%) – la Compagnie Méridionale de Navigation (6%) – Moby Lines (4%). Le dispositif de la continuité territoriale(14) repose sur une délégation de service public (DSP), dont sont titulaires la SNCM et la CMN jusqu'au 31 décembre 2013. Ce dispositif est actuellement remis en question, et doit être examiné devant l'Assemblée Territoriale de Corse. Mais tant Véolia (actionnaire principal de la SNCM) que la CMN déclarent ne plus pouvoir aller jusqu'à cette date avec une DSP dont l'équilibre a été profondément mis à mal ces derniers mois, notamment du fait de la hausse des soutes.

       Pour la desserte de l'ensemble des ports corses, la SNCM et la CMN mettent en ligne au départ de Marseille, dans le cadre des obligations de service public, 7 cargos mixtes(15) renforcés par 2 car-ferries pendant les périodes de pointe. Corsica Ferries dessert également l'île à partir de Toulon et de Nice avec des navires battant pavillon italien.

       La flotte de la SNCM, qui, outre la Corse, dessert aussi les ports d'Afrique du Nord, comprend 10 navires dont 4 cargos mixtes, 5 ferries et un NGV. L'effectif total s'élevait en 2010 à 1317 navigants et 550 sédentaires. La compagnie est le premier employeur de Corse dans le domaine des transports, avec 677 salariés résidant en Corse. Mais la situation financière de la SNCM ne cesse de se dégrader dans un contexte social doublé d'une concurrence accrue. L'année 2010 a été rythmée par 9 arrêts de travail, pour un total de 4522 jours/homme de grève, lancés par le syndicat majoritaire, la CGT, occasionnant l'annulation de 66 traversées. Cette situation ne s'est pas améliorée au cours du 1er semestre 2011.

       La CMN arme 3 ferries entre Marseille, la Corse et la Sardaigne, dont la mise en service d'un nouveau navire doit s'accompagner du retrait du plus ancien.
Les liaisons transmanche
       Tous les opérateurs du transmanche subissent les impacts de la mauvaise situation économique britannique et irlandaise et de la baisse du pouvoir d'achat des touristes britanniques due à la chute de la livre sterling : SeaFrance est en phase de redressement judiciaire, P§O Ferries de licenciements, LD Lines a supprimé la ligne Boulogne/Douvres, et Britanny Ferries connaît des résultats contrastés suivant les lignes.

         SeaFrance, dont l'actionnaire principal est la SNCF, a réduit sa flotte, qui opère sur la ligne Calais-Douvres, de 6 à 4 navires (dont un fréteur) battant pavillon français pour 30 rotations quotidiennes. L'avenir de SeaFrance, en redressement judiciaire depuis le 30 juin 2010, est suspendu à la décision de Bruxelles d'accepter une demande d'autorisation de recapitalisation, d'un montant de 223 M€, vitale pour l'entreprise, sous peine d'être mise en liquidation. Cette recapitalisation, conditionnée par l'application d'un nouveau plan industriel (NPI), prévoyant la suppression de 725 postes, est cependant loin d'être acquise, en raison de l'opposition des principaux concurrents de la compagnie – Eurotunnel et P§O Ferries – évoquant un soutien public illicite. Les salariés de la compagnie ont cependant accepté le plan de restructuration et de refinancement soumis à Bruxelles. Aujourd'hui, l'effectif de SeaFrance comprendrait 927 salariés, le plan de sauvegarde de l'emploi étant de réduire le nombre de postes à 873.

       En juin 2011, la compagnie a décidé de supprimer un navire sur les quatre assurant la liaison transmanche. En attendant, les procédures de cession menées par les administrateurs et la SNCF ayant échoué, le tribunal de commerce de Paris a accordé un sursis à la compagnie, prolongeant jusqu'au 27 octobre 2011, sa période de redressement judiciaire.

       Aux dernières nouvelles(16), le syndicat majoritaire CFDT de SeaFrance a déposé le 24 août 2011 une offre de reprise de la compagnie par une coopérative ouvrière (Scop), qui propose de garder 4 navires ainsi que l'ensemble des salariés, soit près de 890 salariés encore en CDI, et près de 200 CDD. Lors de la réunion du Comité d'entreprise le 8 septembre, les administrateurs judiciaires ont demandé un certain nombre de précisions nécessaires pour rendre le projet dit de « Scop » présentable au tribunal. Au cours de cette réunion, les représentants des salariés au Comité d'Entreprise ont, à l'unanimité, rappelé fermement leur rejet du projet de NPI modifié, et voté contre une présentation par le groupement DFDS/LDA de leur projet de reprise, comme les administrateurs judiciaires le proposaient. De toute façon, ces derniers ont confirmé qu'aucune prolongation de la période d'observation n'était envisageable et ont indiqué que l'audience finale au cours de laquelle le Tribunal de Commerce examinera le dossier SeaFrance était fixée au 25 novembre 2011. Il est à craindre que cette décision sonne le glas de SeaFrance.

       Brittany Ferries dessert 9 lignes régulières entre la France, l'Angleterre, l'Irlande et l'Espagne. La compagnie arme 9 navires, soit 7 transbordeurs dont 6 de grande capacité (de 25 000 à 40 000 t de jb), 1 fréteur et 1 NGV. Fin 2010, Brittany Ferries employait près de 2 500 personnes, dont 1 700 navigants, ce qui en fait le premier employeur de marins français. Mais la compagnie n'a pas échappé à l'évolution du transmanche et mise actuellement sur le développement de sa desserte irlandaise et surtout sur la liaison entre l'Angleterre et l'Espagne. Trois navires assurent 7 rotations par semaine depuis l'Angleterre à destination de Bilbao et Santander, et en mars 2011 une ligne a été ouverte entre Portsmouth et Bilbao, assurant 3 liaisons par semaine. Si Brittany Ferries a perdu en 2010 un peu plus de 100 000 passagers sur le transmanche, la compagnie a connu une forte augmentation de trafic vers l'Espagne, 221 257 passagers contre 165 819 l'année précédente, et attend 100 000 passagers de plus en 2011, auxquels s'ajouteraient 25 000 camions.

       Devant ces courants contraires - tumultueux sur la Manche, porteurs sur l'Espagne – la direction de l'armement demanderait que de nouveaux mécanismes soient mis en place, à savoir l'instauration du salaire net en France(17), l'exonération totale des charges(18), et la création, au niveau communautaire d'un bonus «écomer» à verser aux chargeurs optant pour la voie maritime plutôt que par la route(19).

       Après avoir subi des déboires en Méditerranée sur l'autoroute de la mer entre Toulon et Civitavecchia, un échec à Boulogne, et l'échec d'un rapprochement avec SeaFrance, LD Lines arme cependant un navire sous pavillon français sur le Havre-Portsmouth et un navire, aussi sous pavillon français, sur Dieppe-Newhaven. Toutefois, si le transmanche connaît quelques difficultés, les débuts de LD Lines sur l'autoroute de la mer Montoir-Gijon, lancée en septembre 2010, sont encourageants. Après avoir affrété un navire britannique, LD Lines l'a remplacé par un navire de plus grande capacité, le Norman Asturias, sous pavillon italien. Ce navire qui effectue 3 rotations par semaine, affiche un taux de remplissage en progression de l'ordre de 55%. L'objectif de la compagnie est de transporter non seulement des remorques, objectif initial des autoroutes de la mer, mais aussi de capter le flux de touristes voyageant en été entre la France et l'Espagne.

Conclusion

       Un article du Monde daté du 25 août 2008 résume bien les difficultés rencontrées dans le secteur du transport maritime. Si l'année 2010 a été une année inespérée pour les armateurs, après une année 2009 catastrophique, le ralentissement de la reprise économique dans ce secteur s'est confirmé sur la première partie de l'année 2011 pour tous les marchés du shipping. Ce ralentissement serait lié au ralentissement de l'économie mondiale, aux incertitudes concernant l'avenir de la zone euro et l'avenir du déficit américain, à l'évolution des cours des matières premières et du pétrole sous la pression des économies émergentes. Si le porte-conteneur est affecté par le ralentissement économique, la flotte pétrolière augmente plus vite que la demande, et le transport sec connaît une situation inquiétante liée à la surcapacité de la flotte et à l'abondance des commandes de grands minéraliers. Dans ce contexte, les armateurs s'attendent à une baisse de la rentabilité de leurs investissements d'autant plus que les coûts d'exploitation ne devraient pas cesser de croître sous l'effet du cours du pétrole et de l'explosion de la piraterie.

René TYL
membre de l'AFCAN

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  Ce système a permis aux entreprises de mettre en place des schémas de financement et d’investissements en crédit-bail. Ainsi un GIE, généralement un pool bancaire, acquiert l’investissement et le donne en crédit-bail à l’investisseur.
Cette étude a été réalisée par l’ONG One Earth Future qui a réuni des experts du RAND Institute, du BIMCO, de la World Maritime University de Malmoë, de la Hong Kong Polytechnic University et de l’ITTMMA.
En 2000 la flotte ne comptait que 2 600 navires pour une capacité de 4 500 000 EVP.
La notion de «Triple E» correspond à «Economies of Scale» (économies d’échelle), «Energy Efficiency» (efficacité au plan énergétique) et «Environmentally Improved» (qualité environnementales améliorées).
Réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50% pour chaque conteneur transporté avec les nouveaux navires « triple E ».
Les moteurs des nouveaux navires sont conçus pour une vitesse de 3 nœuds inférieurs à la vitesse moyenne d’avant la crise pour atteindre 23 nœuds contre 25 nœuds pour les « triple E ».
Le «Baltic Dry Index» (BDI) mesure les prix du transport maritime en vrac des matières sèches (minerais, charbon, métaux, céréales) en pondérant les échanges sur 24 routes maritimes qui relient les pays producteurs (Brésil, Afrique du Sud, Australie) aux pays importateurs (Europe, Extrême-Orient).
Very Large Ore Carrier soit Très Grand Minéralier.
D’après le Marin du 9/9/11, le groupe brésilien aurait envisagé de vendre 19 vraquiers géants de 400 000 t commandés en Chine et en Corée en 2008 et 2009.
Le Marin «Shipping 2010»
Les prévisions pour la consommation mondiale de pétrole sont cependant à la hausse, mais ne seront pas suffisantes pour absorber les programmes de nouvelles constructions.
La loi « pétrolière » du 31 décembre 1992 oblige les sociétés de raffinage françaises de maintenir une capacité de transport maritime sous pavillon français fixée à un port lourd correspondant à 5,5% du tonnage de pétrole brut importé par chaque raffineur chaque année.
Holland America Line, Seabourne Cruise Line, Costa Croisière, Cunard Line, P§O Cruises, P§P Cruises Australia, Princess Cruises, Aida Cruises, Iberocriceros.
Institué par un comité interministériel du 10 décembre 1975 pour atténuer les contraintes de l’insularité. La continuité territoriale de la Corse bénéficie actuellement d’une enveloppe de 187 M€ dont 120 pour les transports maritimes.
Dont 4 appartiennent à la SNCM et 3 à la CMN.
Le Marin du 2 septembre 2011.
Déjà demandé par la précédente direction de SeaFrance dans les années 2005.
Britanny Ferries, comme les compagnies françaises, bénéficie déjà d’exonérations partielles de charges sociales.
La nouvelle réglementation sur le carburant (utilisation exclusive de fuel à à 0,1% d’oxydes de soufre), adoptée par l’OMI et applicable en 2015 en Manche et Baltique, pourrait être néfaste aux lignes maritimes et faire le jeu du transport routier.


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