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PLAIDOYER POUR UNE GARDE–COTES EUROPEENNE


Jadis, le naufrage d'un navire n'était craint que de son seul équipage, aujourd'hui, il est redouté de toutes les populations côtières…
Enorme différence impliquant une responsabilité supplémentaire, réclamant un devoir de précaution de la part des états côtiers pour faire face à cette menace qui s'est installée sournoisement sur les océans.
Cette nouvelle donne a pour point de départ ce samedi noir du 18 mars 1967 quand, en début de matinée, par beau temps, le pétrolier libérien «TORREY CANYON» s'éventra, en avant toute, sur Flat Ledge, la roche la plus acérée des Seven Stones dans l'est des îles SCILLY !
Errare humanum est, oui mais l'erreur humaine était magistrale, émanant d'un commandant pourtant expérimenté mais dont le jugement était usé par 12 mois et un jour d'embarquement ! ..
Conséquence immédiate de ce Facteur Fatigue : 120.000 tonnes de pétrole brut d'Arabie à la Mer et une marée noire de grande ampleur sur les côtes cornouaillaises et bretonnes…
Instant zéro, étonnement général mais la prise de conscience n'est pas totale. Quelques mesures sont prises après ce désastre, bien insuffisantes pour contrer cette insécurité grandissante du transport maritime.
La course au gigantisme dans la construction navale, à la recherche du profit maximum, l'émergence de plus en plus forte des pavillons de complaisance, paradis fiscaux pour ces «nouveaux» armateurs, enfers pour les marins, la sécurité jugée trop chère, avant l'accident, sacrifiée sur l'autel de la rentabilité, sont les premières conséquences funestes de cette mondialisation qui frappe le monde maritime dés les années 50. L'anarchie s'installe sur les océans.
Tous ces ingrédients constituent un cocktail qui va devenir bien vite extrêmement dangereux. La tendance étant de transporter n'importe quoi, un peu n'importe comment ! Il aurait fallu réfléchir à cette situation nouvelle et admettre que le vieux principe de Liberté des Mers n'était plus valable, une collision entre un super tanker et un méthanier de 130.000 M 3, est du domaine du possible et peut déclencher l'apocalypse. Ces bâtiments, de par leurs dimensions et leur fragilité, bouleversent les acquis en matière de Sécurité, introduisant une rupture dans les règles de la navigation en général qui, désormais, n'ont plus rien à voir avec le passé. De la Mare Liberum vers un Espace Maritime Communautaire, Mare Clausum, Mare Nostrum.
En janvier 1976, suite à une avarie de machine, le plus beau fleuron de la flotte d'Aristote Onassis est drossé à la côte par vents et courants. Flambant neuf le super tanker libérien «Olympic Bravery» s'empale sur les roches ouessantines. Son odyssée est remarquable. Une embellie d'un mois et demi succède à la tempête !

A terre rien ne bouge. Atermoiements, recherche de responsabilités. Qui décidera la vidange des 1200 tonnes de soute ? Qui paiera ?.. Valse - hésitation.
Et aux ides de Mars, Dame Nature va rappeler tout ce beau monde à l'ordre. Après le calme, la tempête ! Un nouveau coup de Noroît brise en deux le géant blessé à mort. Le fioul lourd se répand sur les flots, magma noirâtre bordant d'un crêpe la côte nord de l'île. Ouessant prend le deuil !

Au même moment l'Afrique du Sud, soumise aux mêmes dangers et pollutions de son littoral, décide de reculer le rail qui longe ses côtes et met en service deux super remorqueurs de 18.000 CV pour porter assistance aux navires en difficulté.
Sages précautions qui n'ont hélas aucun retentissement en Europe et encore moins en France pourtant la plus exposée.
Et l'insupportable se produit deux ans plus tard ! Médaille d'Or Noir par pollution majeure. 230.000 tonnes de crude s'échappent des cuves de l'«Amoco Cadiz», mastodonte libérien (encore…) échoué sur les roches de Portsall. Perseverare diabolicum
La carence des pouvoirs publics est évidente et dénoncée par les médias, obligeant le gouvernement à réagir.
De bonnes mesures mais bien tardives, sont prises après ce désastre : affrètement de puissants remorqueurs, recul et surveillance du rail, création d'équipes d'intervention et du CEDRE. Elles s'avèrent bien insuffisantes, le système mis en place ne traitant pas les problèmes posés dans leur globalité par méconnaissance de ce qui se passe réellement sur mer et plus précisément sur les passerelles des navires de commerce, chez les armateurs et dans les bureaux des sociétés de classification.
De nombreuses fortunes de mer suivent et le 7 mars 1980 c'est le drame, le pétrolier malgache «TANIO», chargé de fioul n°2, se casse en deux dans la tempête au large de l'île de Batz. Cette vielle baille, mal réparée au dernier arrêt technique (malgré la demande de son capitaine), entraîne dans la mort son commandant et 7 membres de l'équipage.
«Plus jamais ça» est de nouveau le leitmotiv repris en chœur par toute la classe politique. Consternation et dégoût sont les sentiments qui prédominent chez tous les amoureux de la Nature. Des mesures complémentaires sont annoncées par les Pouvoirs Publics, reconnaissant implicitement que le nécessaire n'avait pas été fait auparavant !
Aussi 20 ans après, il est difficile d'admettre que le même scénario puisse se répéter au sud de Penmarc'h. Le naufrage de l'«Erika» dans les mêmes conditions que le « Tanio » est la goutte de fioul n°2 qui fait déborder le vase…
L'équipage est sauf mais quel gâchis !

Rien n'a fonctionné tant sur Mer que sur terre. L'indignation du grand public est à son comble, naïvement persuadé que l'Etat Protecteur avait fait le nécessaire depuis 1978 pour mettre les populations côtières à l'abri des marées noires.
Un code de bonne conduite franco-français du transport du pétrole est annoncé en grandes pompes au Ministère des Transports… Effet d'annonce du sempiternel «Plus jamais ça». Une fois de plus la Sécurité Médiatique est sur le devant de la scène, en écran de fumée, masquant la réalité ! En première analyse cette catastrophe de trop fait apparaître que tous les maillons de la chaîne du transport maritime ont une large part de responsabilité, dans ses causes et conséquences. Du commandant toujours responsable de l'état de navigabilité de son navire, à l'armateur peu enclin à effectuer les travaux élémentaires de mise aux normes qui s'imposaient, et l'affréteur qui recherchait un transport au moindre coût profitant du système en place, ou le marchand d'hommes et le gérant/opérateur aux abonnés absents le jour du drame, et la société de classification aux rapports ambigus avec son client-roi, puis l'état du pavillon des plus complaisants dans la certification, et les inspections un peu laxistes au titre du Mémorandum de Paris, sans oublier le manque de réactivité des stations côtières avec une action de l'état français en mer quelque peu défaillante en ce triste week-end de décembre, n'ayant pas su prendre la pleine mesure du drame qui se jouait au large, la veille du naufrage.
Décidément nous n'avons pas la fibre très maritime !
L'Union Européenne n'est pas, non plus, exempte de reproches, elle qui n'a toujours pas réussi à bouter hors des eaux communautaires toutes ces vieilles bailles sous normes, poubelles flottantes qui font courir des risques démesurés aux marins qui les arment, à notre littoral, à notre environnement. Cette épée de Damoclès n'est plus tolérable à l'aube du 21éme siècle.
En ce qui concerne l'«Erika», il faut noter aussi que nos voisins espagnols ont brillé par leur absence au niveau intervention et conseils à donner au plus fort de l'événement ! Et pourtant le pétrolier maltais était aussi proche de la Galice que des côtes Bretonnes quand soudainement il prit 10° de gîte et lança son premier appel de détresse. Le manque de moyens pour intervention hauturière, est évident. L'Europe se doit de réagir.
Tous Responsables, et bien sûr tous Coupables.
Coûte que coûte il faut améliorer la Sécurité du Transport Maritime et assurer le bon cheminement des navires le long de nos côtes.
La panacée en la matière n'existe pas, le risque zéro non plus. Un vieil adage spécifie bien qu'il ne faut pas aller en pleine Mer si on veut naviguer sans danger !…Par contre on se doit de minimiser ce risque.

Théoriquement les règlements en vigueur et les conventions ratifiées par les 150 membres de l'0rganisation Maritime Internationale (OMI) devraient suffire. De même l'obligation faite aux armements d'adhérer à l'International Safety Management (ISM), sorte de certification sécuritaire de type ISO pour les navires et armements, devait apporter un plus au système. Or, force est de constater que les certificats délivrés sous certains pavillons de libre immatriculation, très éloignés de la chose nautique, sont parfois «bidons» !..
A quoi bon avoir la réglementation ad hoc si l'Europe est incapable de la faire respecter dans notre zone économique, à l'approche et dans nos ports.
Les USA ont réussi à chasser de leurs eaux les navires sous normes, ils ont mis du temps mais ils y sont arrivés. N'attendons pas que ces vieilles bailles refluent vers nos côtes. Pour assurer leur succès, les responsables américains n'ont pas hésité à édicter des nouvelles lois ou à prendre des mesures unilatérales généralement reprises par l'OMI dix ans plus tard!.. On se souvient de leurs efforts pour imposer aux paquebots, fréquentant leurs ports, un compartimentage spécifique pour retarder la progression d'un incendie, il y a une quarantaine d'années.
Puis ce fut le règlement imposant aux pétroliers escalant aux USA, d'avoir des ballasts séparés, le lavage au crude et l'inertage des citernes, mesures qui contribuèrent grandement à une meilleure sécurité à bord des tankers.
Et depuis peu une nouvelle demande imposant doubles fonds et doubles coques pour les nouveaux pétroliers. Exigence de l'OPA 90 qui nous laisse perplexes, le remède pouvant être pire que le mal. En vieillissant, les «Green Tankers» ne risquent-ils pas de devenir des bombes flottantes ? L'avenir nous le dira, il importera de bien contrôler l'état de leurs citernes et ballasts.
Hors de l'Europe point de salut ! La Prévention doit être le maître mot de l'action à mener sur Mer. Prévention rime aussi avec Dissuasion. Mais la France ne peut se permettre de faire seule la chasse aux navires sous normes si elle n'est pas suivie dans cette voie par ses voisins, il y aurait automatiquement un détournement de trafic vers un autre port européen plus complaisant. Pour réussir dans cette voie copions les Américains et dotons-nous d'une Garde-côtes Européenne à l'instar de l'US Coast Guard qui fait merveille outre atlantique. La solution au problème posé est bien là : il faut impérativement un organisme puissant, intégré, rigoureux dans son organisation, armé par du personnel compétent, expérimenté et motivé. Ces qualités seront le gage d'une grande efficacité. Etre Garde Côtes est un métier. L'esprit de Sécurité ne s'acquiert que par la pratique.
L'Euro-Coast Guard sera un modèle du genre, elle aura aussi ce Pouvoir d'Influence sur l'OMI, organisme qui en fait n'a jamais eu les moyens de faire appliquer les règlements et conventions qui nécessitent parfois une dizaine d'années avant d'être ratifiés ! Il est vrai que l'OMI est soumis au bon vouloir des pays qui arment des navires sous pavillons de complaisance dont certains, très influents, ne sont pas décidés à lui conférer des pouvoirs de police.
…D'où l'intérêt d'une Garde côtière Européenne pour faire ce travail !
Après la catastrophe de l'«AMOCO CADIZ», Députés et Sénateurs ayant mis en place leurs commissions d'enquête respectives, souhaitaient unanimement dans leurs rapports «la création de ce corps spécialisé de Garde Côtes chargé d'appliquer la réglementation relative à la prévention des accidents en Mer et à la protection du littoral» (Recommandation n°37- Assemblée Nationale.)
Les Sénateurs préconisaient eux aussi cette «solution réaliste». «L'idéal aurait peut-être été de créer un corps de garde-côtes national et complet» qui aurait constitué un «instrument efficace» même si «la mise en place aurait exigé un effort financier très lourd». «La Commission sénatoriale rappelle sa très forte préférence pour une structure intégrée, qui lui paraît être une condition absolue d'efficacité pour la mise en œuvre d'une politique d'ensemble de protection du littoral français.» Hélas ces bonnes initiatives demeurèrent des vœux pieux. Mal conseillés, Députés et Sénateurs manquèrent d'audace. Il est vrai que le corporatisme des administrations en place était très influent. Une Garde Côtière pourquoi faire ? ironisaient ses détracteurs ! Une vraie fausse-idée, ajoutaient-ils ! Alors que le Monde entier enviait notre système, toujours selon leurs affirmations péremptoires…On connaît la suite, ce manque de bon sens freina la prise des bonnes décisions qui auraient pu nous éviter bien des marées noires.
Pourtant les Sénateurs, dans leur grande sagesse, avaient franchi une étape supplémentaire, dans la bonne direction, en menant une réflexion plus globale et imaginant dés 1978 une Garde Côtes Européenne !
Ces visionnaires avaient même étudié un financement communautaire, assuré en grande partie par ceux qui étaient à l'origine du risque suivant le principe du Pollueur – Payeur. Pour ce faire, ils proposaient de créer un Fonds Européen d'Intervention en Mer.
Ce dernier devait être alimenté de deux manières :
  1. Par une taxe de 5F par tonne de pétrole importée en Europe.(500 millions de tonnes en 1978).
  2. Par une participation des professions concernées par le transport du pétrole : compagnies pétrolières, propriétaires des cargaisons, armateurs et aussi les assureurs qui ont intérêt à ce que les accidents se raréfient.
Il nous semble qu'il ne faut pas se limiter au transport des hydrocarbures et autres produits dangereux et polluants, il est nécessaire que l'ensemble des marchandises entrant et sortant des ports de la communauté, minerais, divers, conteneurs etc soit taxées de la même façon à un tarif moindre.

Ce serait une mesure de bon sens car en contre-partie de cette taxation, il y aura un service rendu, les fonds récoltés permettant d'améliorer la Sécurité sur Mer, en multipliant les aides à la navigation, la surveillance du trafic maritime, les moyens aériens et navals d'assistance et de sauvetage etc. Toutes ces mesures contribuant à assurer un meilleur cheminement des navires le long des côtes et par voie de conséquence, garantissant la protection environnementale de notre littoral. Les instances communautaires siégeant à Bruxelles se chargeraient de récolter les fonds et de dresser le budget de fonctionnement annuel de l'Euro-Coast Guard. Une bonne estimation prévoit Deux Milliards d'Euros de prélèvements annuels en se basant sur une taxation de Un Euro par tonne d'hydrocarbure et un demi Euro par tonne de marchandises non polluantes. Cela se traduirait à la pompe, par une augmentation des produits pétroliers de UN CENTIME, acceptable pour les pollueurs/payeurs que nous sommes.
A titre de comparaison le budget annuel de l'US Coast Guard, la référence en la matière, est de 9 Milliards de francs pour 20.000 Km de côtes à protéger. Celui escompté pour l'Euro Coast Guard naissante, serait une fois et demie plus élevé pour 50.000 Km de côtes bien plus exposées. La façade maritime à surveiller s'étend de la Baltique à la Mer Noire comprenant non seulement d'immenses zones de pêche mais aussi le plus grand nombre de ports qui soit au monde sans compter les détroits où l'on trouve les plus fortes concentrations de navires. L'Europe c'est aussi la première puissance commerciale de la planète, représentant 40% des échanges mondiaux dont 85% avec des pays tiers se font par la voie des mers. Avec ce système de prélèvement, l'Autriche et le Luxembourg qui n'ont pas d'accès à la mer, contribueraient aussi à l'effort financier des 13 autres. Notons que le Luxembourg sert de pavillon-bis, dit de nécessité, à ses voisins européens...
Il est anormal que la France, la plus exposée, soit seule à payer, à grands frais, la protection de ses côtes : 95% des 150 navires qui «virent» Ouessant chaque jour, n'escalent pas dans un port de l'Hexagone. Le trafic annuel du port de Rotterdam (300 millions de tonnes) équivaut à celui de l'ensemble des ports français !..
Il y a d'autres pistes à explorer pour dénicher d'autres sources de financement, tous les intervenants dans le transport maritime devront verser leur écot. Chacun y retrouvera son compte. Bruxelles gérera la répartition du Fonds d'Intervention en Mer, assurant la redistribution des aides sur les lignes budgétaires spécifiques des treize Ministères des Transports concernés , en fonction des besoins de chaque nation maritime et surtout au prorata des risques et dangers encourus par chacune.
Ces crédits s'ajouteront aux budgets déjà existants dans chaque pays de l'Union pour assurer les missions fondamentales de sauvetage en mer, de prévention et de lutte contre les pollutions marines. Avec cette façon de faire, il apparaît que la France sera la grande bénéficiaire de par sa situation «privilégiée»…Ces subventions européennes lui permettront de se doter des moyens qui lui manquent, en hommes et matériels. Elle pourrait donc envisager la construction de nouvelles frégates de surveillance, remorqueurs supplémentaires, navires de lutte contre les pollutions, d'aéronefs de bases de la Garde Côtière dans ses trois régions maritimes et d'installer à Brest l'Académie de formation de l'Euro Coast Guard.
Le port du Ponant, tout proche des routes maritimes les plus fréquentées et les plus dangereuses, nous paraît le meilleur site pour son implantation avec sa rade bien abritée, entourée par une côte inhospitalière, son arsenal, la présence d'un chantier de réparation de grands navires au cœur d'un port de commerce actif.
Cette école aurait pour mission de dispenser un enseignement complémentaire polyvalent aux personnels des pays de la Communauté pour mise à niveau dans toutes les disciplines où ils évolueront au sein de la Garde Côtière Européenne.
Le statut de cette Garde-côtes devra être para-militaire, dépendant du Ministère des Transports, autonome tout en restant proche de sa Marine Militaire.
Calquée sur le modèle nord américain, cette Euro Coast Guard présentera l'avantage d'une grande disponibilité et d'une indépendance certaine, qualités nécessaires pour être efficace si on lui donne les moyens de sa politique. Dans la mesure du possible les bases de l'ECG seront installées dans les arsenaux déjà existants pour bénéficier de l'infrastructure en place.
Faudra-t-il armer les navires et aéronefs ? Un minimum indispensable paraît souhaitable pour intimider les contrevenants récalcitrants et autres trafiquants.
Doter les frégates des matériels de lutte anti sous-marine comme le sont les cotres de l'USCG, ne présente pas un intérêt essentiel, la mise en place de ces appareils contribueraient à augmenter d'un tiers le coût de construction !
En cas de conflit, il va sans dire que les moyens de l'Euro Coast Guard seraient mis à la disposition de l'EuroMarForce qui est le regroupement des marines ouest européennes.

Avant d'exposer notre vision de la Garde Côtière Européenne idéale, dressons l'état des lieux et faisons l'inventaire des systèmes existants en Europe, organismes chargés de l'action de l'Etat en Mer.

Ils sont bien disparates, complexes et ont pour dénominateur commun un manque de moyens évident pour assurer convenablement leurs missions.
De nombreuses Gardes-côtes existent chez nos voisins mais à l'état embryonnaire, démontrant des insuffisances notoires nous confortant dans l'idée de l'urgence à ancrer dans la réalité cette Euro Coast Guard que tous les professionnels de la Mer réclament de leurs vœux.

Allemagne :

La KÜSTEN WACHE (Garde Côtes) regroupe depuis juillet 1994 tous les moyens des administrations suivantes :
Garde Frontières – Garde Pêches – Police de la Navigation, - Douane – Police Maritime. Ses bâtiments ont une coque noire avec trois bandes jaune, rouge et noire, en diagonale. Küsten Wache est inscrit sur le bordé. Les superstructures sont aux couleurs de leur administration d'appartenance.
La flotte comprend de nombreux patrouilleurs et vedettes, des baliseurs et des navires de lutte anti pollution.
Les effectifs ne dépassent pas le millier d'hommes y compris les équipages des hélicoptères Puma. Un navire anti pollution de la KüstenWache, le «NEUWERK», était sur zone, au large de Penmarc'h, en décembre dernier, pour prêter main forte après le naufrage de l'Erika.

Belgique :

Quelques vedettes de police de navigation fluviale et patrouilleurs.

Danemark :

Pas de Garde Côtière spécifique.
Quelques bâtiments anti pollution dépendant initialement du Ministère de l'Environnement, passant en 1996 sous la tutelle de la Marine Royale.
Plusieurs supply vessels, de nombreuses vedettes et 3 brises-glace dépendant à l'origine du Ministére des Transports puis transférés à la Marine en 96.
Coque orange, trois bandes Rouge Blanc Rouge en diagonale.
Une milice navale de 30 vedettes dépendant du Ministère de la Pêche, compléte les moyens d'intervention en Mer.

Espagne :

Servicio de Salvamento y Seguridad Maritima.
Pas de désignation Garde Côtes. Ce service dépend de la Marine Marchande. Affrètement de gros supply vessels pour porter assistance aux navires en difficulté. En station aux endroits névralgiques : Algéciras, Vigo, La Corogne.
Surveillance côtière. Sauvetage en Mer, lutte anti pollution.
Navires peints en rouge avec deux bandes blanches en diagonale.

Finlande :

Organisme dépendant du Ministère de l'Intérieur, armé par la Gendarmerie… Flotille de 20 hélicoptères et 5 avions de reconnaissance.
Quelques patrouilleurs océaniques à la coque peinte en vert foncé avec trois bandes Rouge Blanc Rouge en diagonale.
Des brise-glaces complètent cette flotte.

Grèce :

La Garde Côte Hellène a des effectifs sensiblement égaux à ceux de la Guardia Costiera italienne soit 4.200 hommes, armant les 150 unités et les 4 avions qui la composent. Elle dépend du Ministère de la Marine Marchande.
Les coques des patrouilleurs, vedettes et des 4 barges anti-pollution, sont peintes en gris et marquée « LIMENIKO SOMA / H. COAST GUARD », avec trois bandes Bleu Blanc Bleu en diagonale. Superstructures blanches.

Grande Bretagne :

Her Majesty Coast Guard.
Le territoire britannique est divisé en 6 régions (Aberdeen, Yarmouth, Douvres, Falmouth, Swansea et Clyde) Chacune sous l'autorité d'un contrôleur régional qui dispose d'un centre opérationnel ou d'un centre de coordination des secours maritimes MRCC. Chaque région est elle même divisée en district semi autonome dépendant d'un sous centre de coordination des secours MRSC. Le centre de Douvres est le plus important du fait de la surveillance du rail descendant du Dover Strait.
Un puissant supply vessel/ remorqueur, armé pour la lutte contre l'incendie et l'anti pollution, est affrété et patrouille dans le détroit pendant les 6 mois d'hiver.
Deux autres sont prévus pour tenir station à l'ouest des Scilly et aux Shetlands. En fait l'H.M Coast Guard dispose de peu de moyens pour faire face aux dangers qui menacent les côtes du Royaume Uni : quelques patrouilleurs et vedettes, de nombreuses embarcations côtières et surtout une dizaine d'Hélicoptères lourds Sea King, dont deux vinrent en renfort le 12 décembre 99 pour aider nos Super Frelons à hélitreuiller l'équipage de l'Erika.
Les accidents récents et pollutions du Torrey Canyon aux Scilly, du Braer aux Shetlands et du Sea Empress à l'approche de Milford Haven n'ont pas provoqué les réactions qui s'imposaient. Les effectifs avoisinent le millier d'hommes plus 7.500 volontaires formant le personnel de la Garde Côte Auxiliaire, regroupés en 370 compagnies de secours le long de la côte.
L' H.M Coast Guard dépend du Ministère des Transports.

Irlande :

Peu de renseignements sur la Garde Côte. La Coast Guard existe mais a peu de moyens, elle dépend aussi du Ministère des Transports.
Stations côtières de surveillance. Hélicoptères de sauvetage et quelques avions de patrouille SAR. Nombreuses vedettes hauturières.

Italie :

La Guardia Costiera dépend du Ministère de la Marine Marchande. Elle passerait sous le contrôle de la Marine de guerre en cas de conflit.
Police de la navigation, surveillance des Pêches, recherche et sauvetage sont ses principales missions.
La Douane, Guardia di Finanza, n'est pas intégrée dans cette Garde Côtes. Effectif de 5.000 hommes dont 800 officiers, personnel à statut militaire, armant 200 vedettes hauturières, 12 avions de reconnaissances, 6 hélicoptères.

Pays Bas :

Netherlands Coast Guard.
Mise sur pied en 1987, la KUST WACHT passe sous le commandement de la Marine Militaire Hollandaise en 1995.
La N.L Coast Guard regroupe sous les mêmes couleurs la Police de la Navigation, la Police Maritime, les Douanes, les Garde Frontières et Garde Pêche, les Phares et Balises. Ses navires ont une coque noire marquée Kust Wacht (Garde Côtes), avec trois bandes Rouge Blanche et Rouge en diagonale. Superstructures et cheminées aux couleurs de leur administration d'origine.
Nombreux patrouilleurs et vedettes de toutes tailles ainsi que des navires anti pollution, constituent l'essentiel de sa flotte.
Avions de surveillance et hélicoptères de la Marine Royale.

Portugal :

Pas de Garde Côtes. Peu de moyens.
Quelques vedettes pour assurer la Police de la Navigation.
Stations de surveillance du rail au Cap Roca et au Cap St Vincent.

Suède :

La très ancienne KUSTBEVAKNING dépend du Ministère des Transports. 4 régions et 15 districts définissent ses zones d'intervention.
Ressemble par son organisation à l'USCG américaine et au Kystvakten norvégien. Ses 130 navires ont une coque bleue avec deux bandes jaunes en diagonale. Effectif de 600 hommes, constituant les équipages des cotres, patrouilleurs, vedettes, aéroglisseurs et anciens chalutiers transformés, sans oublier les barges anti pollution, les personnels des stations de surveillance et les équipages des aéronefs.

Pour être complet sur ce chapitre, élargissons nos investigations hors de l'Union Européenne et attardons-nous en Norvège, royaume qui possède une Garde Côtes bien différente de celles que nous avons étudiées et qui possède la 4éme place par son importance au palmarès des Top Ten.

Norvège :

Créée sous sa forme actuelle en 1977, sur le modèle américain, pour répondre au défi lancé par l'Offshore en Mer du nord, puis par la mise en place de la zone économique norvégienne des 200 miles.
La KYSTVAKTEN est armée par un millier d'hommes. Elle dépend de la Marine Royale Norvégienne. Ses bâtiments sont de ce fait peints en gris avec KYSTVAKT (Garde Côtes) marqué sur la coque. Elle possède de nombreux cotres de grande endurance de 2.200 tonnes avec hélicoptères embarqués, des patrouilleurs hauturiers, des gardes pêche, des vedettes et toute une flottille d'aéronefs de recherche et de sauvetage..
Budget : 200 Millions de Francs.

Ce besoin d'avoir une Garde-côtes a été perçu par de nombreux autres pays, Pérou, Iran, Philippines, Chili, Corée du Sud, Egypte, Argentine, aux Caraïbes, au Golfe Persique etc de moyenne ou de peu d'importance.
Il faut noter que l'Afrique du Sud en est démunie ! Ce qui surprend vu l'intense trafic maritime qui transite le long de ses côtes réputées inhospitalières. Le fort courant des Aiguilles qui longe le littoral et les conditions météorologiques sévères qui y règnent, rendent la navigation difficile. Collisions, échouages, naufrages furent nombreux dans les années 70 à la fermeture du Canal de Suez. Pour cette raison le gouvernement Sud Africain fit construire deux puissants remorqueurs en 1976 pour porter assistance aux navires en difficulté, le « John Ross » et le « Wolraad Woltemade », basés au Cap et à Durban.
Le Ministère des Transports sud africain est seul responsable de la police de la navigation et veille au respect des dispositions réglementaires qu'il a édictées.

Etudions maintenant le cas de la troisième garde côtes mondiale, la Garde Côtière Canadienne / Canadian Coast Guard.

Canada :

Forte de 6.500 hommes dont 2.500 navigants , elle dispose d'une flotte de 160 navires allant du brise-glace lourd à l'aéroglisseur, (23 brise-glaces), 35 hélicoptères et une dizaine d'avions de patrouille.
Un collège forme les personnels à Sydney en Nouvelle Ecosse.
Son budget annuel est de 1 milliard de francs. Quartier Général à Ottawa. Statut civil des gardes côtiers. Les navires et aéronefs ne sont pas armés et peints en rouge marqués Garde Côtière/Coast Guard, avec une bande blanche en diagonale frappée du pavillon national à la feuille d'érable.
Déglaçage et patrouille internationale des glaces sont deux de leurs missions majeures en plus des missions traditionnelles d'une Garde Côtes.

Japon :

L'organisme nippon assurant la sécurité en Mer autour de l'archipel et la protection de l'environnement, n'a pas l'appellation de Coast Guard. Il s'agit de l'Agence de Sécurité Maritime, MARITIME SAFETY AGENCY (MSA), le KAIJO HOANCHO dépendant en temps de paix du Ministère des Transports. En période conflictuelle, les forces de l'Agence passeraient sous contrôle militaire. La MSA est numéro 2 par son importance dans le classement mondial.
L'Agence est armée par 11.000 hommes environ et comprend une flotte importante de 30 avisos dont 5 de 3.500 tonnes filant 22 nœuds, de patrouilleurs, vedettes, baliseurs, navires hydrographes et une cinquantaine d'aéronefs, dont 20 avions de patrouille et une trentaine d'hélicoptères. Matériel anti-pollution et stations côtières de surveillance complètent l'équipement de cette Garde Côtes bien structurée et bien équilibrée.

Mais la plus importante est sans conteste la Coast Guard des Etats Unis. Un modèle du genre qui devrait inspirer l'Europe des 15.

U.S.A :

Son extraordinaire développement s'explique, en grande partie, par le fait qu'elle est plus ancienne que l'U.S Navy et qu'aux USA, existe une loi qui interdit aux forces armées d'intervenir dans les activités ayant pour but de faire respecter les lois domestiques des Etats Unis. Héritière du Revenue Cutter Service, fondé en 1790, cette Patache s'est transformée en Coast Guard en Janvier 1915 par décision du Congrès et transférée en 1967 du Ministère des Finances au Département des Transports. «Semper Paratus» est sa devise (Toujours Prêt). Ses missions sont les suivantes :
  • Préparation et entraînement au combat, en collaboration avec l'U.S Navy.-Exécution des lois de la Mer.
  • Contrôle des eaux territoriales, lutte contre la contrebande.
  • Surveillance côtière et protection des accès aux ports et bases. Assistance aux Pêches.
  • Recherche et Sauvetage en Mer (SAR).
  • Responsabilité des aides à la navigation et entretien des phares et balises, bouées.
  • Contrôle du pilotage.
  • Enquêtes des sinistres en Mer.
  • Patrouille Internationale des glaces.
  • Protection des installations pétrolières Offshore.
  • Lutte contre la pollution.
  • Relevés Météorologiques, océanographiques et hydrographiques.
  • Contrôle de la construction navale sous l'aspect Sécurité et Navigabilité.
Cette dernière mission démontre que l'USCG veille au respect de la réglementation technique navale lors de la construction du bâtiment et délivre les certificats de sécurité correspondants. Ses experts suivent la construction du navire qui sera amené à naviguer sous le pavillon des Etats Unis, label Coast Guard..
La Garde Côte est organisée sur le modèle de la Navy, uniformes et hiérarchie sont identiques. A sa tête un Full Admiral, 4 étoiles, assisté d'un état major dont le Quartier Général est à Washington, dans le même immeuble que le Department of Transportation.
Les navires sont armés. A tel point que l'US Coast Guard est considérée comme la 6éme Marine de Guerre mondiale !
Tout au long de l'histoire des Etats Unis, dans tous les conflits majeurs, on retrouvera sur Mer, la Garde-Côtes. Que ce soit en 1812, en 1917 en Atlantique lors du 1er conflit mondial, pendant la bataille du Pacifique, sur les plages de Normandie ou au Vietnam.
Pour assurer toutes ses missions citées plus haut, avec un maximum d'efficacité, l'USCG dispose d'une flotte impressionnante de prés de 250 navires de tous types dont 12 cotres de grande endurance, 2700 tonnes filant 29 nœuds, 35 cotres de moyenne endurance, 3 brise-glaces, 20 remorqueurs océaniques et de rivière, barges anti pollution ! Plus une armada de 2.000 canots et embarcations en tous genres. Sans oublier le navire école EAGLE, trois mâts barque, ex-allemand Horst Wessel, frère jumeau du portugais SAGRES.
Le soutien aérien n'est pas moins impressionnant : 30 avions à long rayon d'action Hercules, 40 Guardian (Falcon), 12 hydravions et une centaine d'hélicoptères Dolphin et Sea King ! Les effectifs sont considérables mais pas pléthoriques, tout simplement suffisants pour armer les bases des 10 districts, les navires et les aéronefs soit 37.900 hommes plus 6.800 civils. Sans oublier les 21.000 volontaires constituant la Garde-côtes Auxiliaire qui assurent la Sécurité des plaisanciers. Pour ce faire l'USCG met à leur disposition tous les matériels nécessaires pour remplir cette importante mission, surtout en période estivale, tout au long des 20.000 Km de côtes.
11.700 anciens de la Garde-côtes continuent à faire des périodes au sein de la Reserve. La formation des personnels est assurée dans l'U.S Coast Guard Academy située à New London dans le Connecticut.
Et c'est peut-être là le talon d'Achille de ce colosse. La formation dispensée est de ce fait incomplète puisqu'elle néglige l'expérience que l'on acquiert sur les passerelles des navires marchands de tous types, sillonnant toutes les mers du globe. Un élève de l'Académie accomplira 40 années de sa vie au service de l'US Coast Guard, sans savoir ce qui se passe sur les autres navires et cela peut-être, à notre avis, très préjudiciable pour ses compétences et pour l'efficacité de l'ensemble. Ce défaut de préparation et de compréhension de ce qui se passe sur une passerelle est peut-être la cause du manque de vigilance des opérateurs du Vessel Traffic Service (VTS) du Prince William Sound (Alaska) qui n'ont pas cru bon de suivre comme il fallait, la route dangereuse de l'Exxon Valdez. Un peu plus d'attention et d'expérience de leur part eurent été nécessaires pour alerter l'officier de quart du pétrolier et le ramener dans le droit chemin !
L'USCG souffre aussi de ne pas avoir de puissants remorqueurs en station aux endroits névralgiques. Rappel de son budget : 1,3 milliard de $, ou 9 milliards de Francs.( 2/3 en fonctionnement et 1/3 en investissement). Une explication des extraordinaires moyens financiers réside dans le fait que cet organisme exerce une grande influence auprès des médias et des hommes politiques dans tous les Etats Unis !
L'US Coast Guard restera, bien sûr, une référence même si, comme on l'a vu, elle présente quelques défauts.
La France a opté, on le sait, pour un système tout à fait différent, jouant la carte de la coordination de l'action de l'Etat en Mer.

Les gouvernements successifs n'ont jamais osé bouleverser les habitudes des différentes administrations en charge des problèmes maritimes par méconnaissance de l'insécurité grandissante sur mer, malgré les avertissements brutaux des pollutions et naufrages de plus en plus fréquents, mais aussi par souci de ne pas froisser la susceptibilité des directeurs de ces administrations. (Marine Nationale, Affaires Maritimes, Douanes, Gendarmerie, DDE, SNSM)
La Marine Nationale consacre actuellement 15 à 20% de ses activités au Service Public. De plus elle a compris, dés 1978, que les retombées médiatiques des prouesses des équipages d'hélicoptères et remorqueurs de sauvetage étaient une excellente chose pour son image de marque et l'aidaient à redorer son blason quelque peu terni par le désastre de l'AMOCO CADIZ. Ces actes de bravoure la rapprochent du grand public et contribuent à la faire mieux connaître et apprécier. Ce n'est pas négligeable et les amiraux tiennent beaucoup à ces bonnes relations et cette estime de la Nation. D'où leur peu d'empressement à confier cette tâche à une Garde-côtes Française autonome et encore moins si elle devient Européenne !..
Après l'odyssée de l'Olympic Bravery en 1976, il y eut une volonté de réorganiser les actions de l'Etat en Mer en nommant dés le 9 mars 1978 le Préfet Maritime de chaque Région comme coordinateur de l'ensemble des moyens. Hasard et ironie de l'Histoire, le décret fut promulgué 8 jours avant l'échouement de l'Amoco Cadiz !..
L'Amiral Préfet Maritime, par délégation du Premier Ministre, exerce depuis cette date « la plénitude de pouvoirs de l'Etat ». L'idée retenue a été de privilégier la complémentarité des moyens de l'Etat en Mer, en organisant leur collaboration.
Un système qui est, selon ses ardents défenseurs « conforme au génie de notre peuple, car original, pragmatique et évolutif, soulevant l'intérêt de nombreux pays étrangers » ! Cette organisation parcellisée est peu coûteuse, il est vrai, mais reste complexe et manquant de cohérence et surtout d'efficacité dés qu'on raisonne en terme de Prévention. Dans ce système les décideurs ont une méconnaissance trop importante de ce qu'est un navire de commerce de nos jours, de la formation des équipages armant ces navires, des marchands d'hommes qui les embauchent, de l'état d'esprit de certains armateurs peu scrupuleux, des sociétés de classification parfois bien complaisantes etc.
En un mot ils ne connaissent pas ce milieu en pleine révolution depuis une quarantaine d'année. Il n'ont aucune idée de ce nouveau danger qui vient de la Mer..
Du temps de « la guerre froide » il y avait cette menace guerrière à la quelle on opposait la Dissuasion militaire, remède de cheval fort coûteux, mais c'était le prix à payer pour vivre en paix. Actuellement la menace militaire est moindre, Pérestroïka oblige, par contre cette insécurité du transport maritime qui s'est installée sur Mer est devenue intolérable, inadmissible. Un seul remède : La Dissuasion par Garde-côtes interposée pour éviter et éliminer les accidents en privilégiant des actes de Prévention ou de Sécurité Primaire.
Mais pour réussir dans cette entreprise, le challenge est de taille, il faut absolument connaître le Transport Maritime de A à Z, la force et la faiblesse de chaque maillon de cette chaîne ! A-t-on pris conscience des changements qui bouleversent la sécurité sur Mer et de l'importance de la Prévention dans ce contexte ?
Sinon il sera bien difficile aux décideurs d'admettre que le système de protection est inadapté, dépassé, désactualisé pour faire face à cette dégradation.
Est-elle irréversible ? Non, à condition de faire un sérieux ménage au large. Seule une Garde Côtière Européenne est capable de réussir cette mission en prenant les mesures adéquates pour faire appliquer les règlements existants. La peur du gendarme /Garde Côtes donnera d'excellents résultats !
N'hésitons pas à suivre l'exemple américain et son Pouvoir d'Influence vis à vis de l'O.M.I., s'il devient nécessaire de prendre des mesures unilatérales et d'imposer des normes européennes.

PREVENTION, DISSUASION, REPRESSION
Hors de l'Europe point de salut

Ce n'est plus une utopie, c'est une nécessité ou alors il faudra se cantonner dans des actions d'assistance et de sauvetage dites de Sécurité Secondaire, destinées à atténuer les conséquences d'un accident de Mer.
Il nous semble que le naufrage de l'Erika a démontré les limites et les insuffisances des systèmes en place, non seulement en France mais aussi en Europe et qu'il est grand temps de les harmoniser au sein d'une Euro Coast Guard pour pouvoir prendre des mesures globales, faire de la Sécurité Active et éviter de traiter chaque problème au coup par coup.
La France ne peut se cantonner à prendre des demi-mesures sans possibilité de les faire appliquer alors que l'Europe, unie depuis 1993, peut se donner des moyens financiers importants et opérationnels pour mettre en place une organisation rationnelle de la Sécurité de la Navigation, de prévention des accidents et de protection de l'Environnement.

Modifier les structures en place pour mettre sur pied l'Euro Coast Guard sera long et difficile. Rien ne se fera sans une volonté politique forte et unanime des 15 membres de l'Union Européenne. La France qui prend la présidence de la Communauté dés cet Eté, se doit d'être la locomotive pour porter cette Garde Côtière sur les fonts baptismaux. Elle a été la plus touchée par ces pollutions accidentelles, catastrophes de la modernité ou tout simplement victime d'une mondialisation non maîtrisée sur Mer...
Notre pays doit remporter l'adhésion de nos voisins à cette idée de bon sens en leur proposant un projet présentant trois avantages :
  • Un seul interlocuteur en Mer omniprésent et omniprésent. La collaboration toujours possible d'autres administrations n'étant demandées qu'à titre accessoire.
  • Une efficacité reconnue et appréciée de tous, du fait des moyens mis en œuvre et de la qualité de ses personnels, compétents et d'une grande expérience. L'accent étant mis sur la Prévention à traiter en amont.
  • Un coût minimum ne dépassant pas les budgets actuels, le complément étant constitué de subventions de la C.E sur le modèle de taxation énoncé précédemment.

La première étape consiste à obtenir la décision politique de l'Union Européenne et ce dès la fin de l'année 2000.
Suivra une période transitoire de plusieurs années (5 au maximum) pendant la quelle l'Euro Coast Guard se mettra en place.
Un Etat Major général s'installera à Bruxelles ayant en charge l'ensemble de l'ECG où chaque pays de l'Union sera représenté.
En premier lieu, ses membres, réunis en commissions, définiront les besoins de chacun en fonction des demandes en personnels et moyens de chaque nation.
Les budgets alloués tiendront compte des spécificités de chaque pays, notamment des risques potentiels encourus du fait de l'exposition de son littoral et de la densité du trafic maritime qui longe ses côtes.
Ces subventions permettront de lancer dés 2001 les constructions de nouvelles frégates de surveillance, patrouilleurs, vedettes remorqueurs de haute mer, navires anti pollution , les commandes d'aéronefs, l'embauche de personnels qualifiés et l'installation des bases de la Garde Côtière. Un fonds de solidarité sera constitué pour faire face à des besoins rapides résultant d'une situation de crise.

Dès les premiers jours de sa constitution, tous les moyens (navires et aéronefs) des organismes antérieurement chargés de ces missions de Services Publics, seront peints aux couleurs de la toute nouvelle Garde-Côtes.
Coque orange (couleur de la Sécurité) pour les navires avec l'inscription EURO COAST GUARD sur les bordés bâbord et tribord. Bandes définissant la nationalité du bâtiment en diagonale au tiers avant. Pendant la période transitoire tous les navires conserveront un rappel de leur administration d'origine frappé sur la cheminée.
Cette mesure peut paraître un détail, dérisoire face à tous les autres problèmes à résoudre, mais il n'en est pas moins vrai qu'elle entraînera une dynamique d'union parmi toutes les administrations concernées.
Elle aura de plus un effet bénéfique certain auprès des marins qui fréquenteront les eaux communautaires pour l'aide que l'ECG leur apportera. Une nouvelle relation constructive s'installera sur Mer.
Elle établira un climat dissuasif chez les contrevenants en puissance et confortera les armateurs dans leurs judicieux choix de faire de la Sécurité du Transport une «priorité absolue», en assurant un bon entretien de leurs navires, en les armant avec des équipages de qualité et en nombre suffisant.
Gare aux mauvais armateurs qui ne respecteront pas les règlements en vigueur, capables parfois d'abandonner navires et équipages, ils comprendront vite le changement qui s'opère en Europe et modifieront leur comportement.
Dans un premier temps, chaque ancienne administration conservera son propre statut. L'intégration sera progressive sous la tutelle du Ministère des Transports de son pays. La mise en place des organes structurels de l'Euro Coast Guard se fera en fonction des soucis suivants :
  • Répondre à la croissance rapide de ce nouveau Service Public.
  • Répartir le plus clairement possible les responsabilités.
  • Utiliser au maximum le personnel déjà existant ainsi que les infrastructures (bases navales, aériennes et autres).
Les Marines de Guerre qui apportaient leurs concours, pourront transférer les personnels et moyens autrefois dédiés à ces tâches vers la Garde Côtière naissante.
Pilotes, officiers et marins pourront opter pour ce nouveau corps par volontariat. Dans la mesure du possible, il sera fait en sorte qu'il n'y ait aucune réduction budgétaire pour le reste des Forces Armées et qu'aucun service ne perde quelque effectif du fait de sa contribution en personnel.
Les transferts d'équipages vers l' ECG seront compensés au sein de la Marine Militaire par un recrutement en personnels supplémentaires pour permettre son recentrage vers le cœur de son métier, la Défense de la Nation.
Le statut le mieux adapté pour faire de l'Euro Coast Guard un corps d'élite, est, répétons-le, un statut militaire identique à celui de l'US Coast Guard.
La nature des missions d'une Garde Côtière, principalement axées sur la Sécurité en Mer, exige ce type de statut, gage de disponibilité et d'efficacité.

Une attention particulière sera apportée à l'embauche des nouveaux personnels. L'accent sera mis sur l'Expérience et la Compétence des nouvelles recrues pour assurer un maximum d'Efficacité au nouveau corps spécialisé.

Le recrutement sera important et tous azimuts : L'ossature sera constituée par des personnels issus de la Marine Marchande, ce qui paraît bien logique, mais la Marine Nationale, la Douane et la Pêche fourniront leur quote-part. La SNSM sera intégrée dans cette Garde-Côtière. Possibilité sera donnée aux jeunes officiers et marins de faire un stage initiatique dans l'Euro Coast Guard en sortant de leurs écoles de formation, pour se familiariser avec ce nouveau corps et les inciter à revenir dans l'ECG après 15 à 20 ans de carrière sur tous types de navires, sur tous les océans.
L'expérience acquise de cette façon sera très profitable pour la Garde Côtière et lui donnera une Efficacité exemplaire.
A leur retour dans l'ECG, ils effectueront un passage dans l'Académie de l'Euro Coast Guard, implantée à Brest, pour mise à niveau de leurs connaissances avec les spécificités d'une Garde Côtière.
Cette Académie abritera aussi l'école des Inspecteurs et Contrôleurs de la navigation où seront recrutés d'anciens navigants qui apporteront leurs précieuses connaissances des navires. L'internationalisation dans cette Académie constituera un plus important pour cette dernière spécialisation et favorisera la mise en place d'équipes internationales d'inspecteurs à travers l'Europe. Ce mélange mettra tous les ports sur un même pied d'égalité, évitant tout laxisme et donc détournement de trafic des navires sous normes vers un port réputé plus complaisant en matière d'inspections…
Un Label Euro Coast Guard sera créé et ajouté à la classe du navire qui acceptera d'être suivi tout au long de sa carrière par les inspecteurs de l'ECG au même titre que la société de classification choisie de façon contractuelle par l'armateur. Ce qui permettra de superviser la qualité de leurs contrôles qui laissent souvent à désirer si l'armateur(client /roi) est peu scrupuleux !

Les effectifs globaux des personnels engagés dans les activités de Services Publics dans l'Union Européenne, avoisinent actuellement les 25.000 personnes. Les besoins pour la future Garde Côtière Européenne sont estimés au double. Ce qui donne une idée du recrutement à venir. Ces effectifs sont à rapprocher de ceux sensiblement identiques de l'USCG qui a pourtant deux fois moins de longueurs de côtes à surveiller, moins exposées et devant les quelles transite un trafic maritime bien moins important.

Treize des quinze pays de la Communauté Européenne possèdent une très ancienne tradition maritime et même si leurs flottes marchandes se sont considérablement amenuisées depuis 25 ans (10 d'entre elles étaient dans les 20 premières du monde…), le bon sens marin est toujours présent. Il y a bon espoir de les voir accepter cette proposition de création d'une EURO COAST GUARD présentée par la France qui s'installe pour 6 mois aux commandement de l'Union, dés juillet prochain.
Ces idées novatrices et réflexions démontrent la faisabilité de ce projet. Gardons quand même en mémoire les errements du passé ! Leur rappel doit nous guider vers une décision politique rapide.. Les pavillons de complaisance gagnent du terrain (la France a rétrogradé de la 9éme à la 28éme place au classement mondial, en 20 ans !) et la dégradation de la sécurité du transport maritime s'accélère.
Une seule réponse globale à cette nouvelle menace qui nous vient de l'océan : un corps spécialisé de Garde-côtes , seul capable de bouter hors des eaux communautaires ces poubelles flottantes sous normes qui transportent entre autres, les produits les plus polluants ! De plus ces vieilles bailles déterminent des taux de fret très bas, accentuant le phénomène de vieillissement de la flotte pétrolière. Cette situation incitant les mauvais armateurs à les user jusqu'à la corde au mépris des règles de sécurité les plus élémentaires.
La France qui n'a que trop souffert de ces pollutions majeures, ne doit plus tergiverser, ni avoir d'états d'âme et se laisser influencer par des lobbies corporatistes dépassés. Elle a un rôle moteur à jouer, être force de propositions pour mobiliser l'Europe Bleue contre les marées noires. «Sus aux forbans du pétrole !» s'écriait déjà J.Y Le Drian en 1991 après des dégazages sauvages au large de nos côtes. Formule choc suivie de propositions invitant la Communauté Européenne à adopter une communication sur une «Politique commune pour la Sécurité en Mer» . On y notait avec intérêt :
  • un renforcement des contrôles ;
  • l'interdiction d'accès aux ports communautaires des pétroliers dangereux ;
  • la responsabilisation financière des propriétaires de cargaisons ;
  • l'adoption de normes en matière de qualification des équipages ;
  • l'embauche à bord des navires à risques de marins hautement qualifiés ;
  • la conception de pétroliers respectueux de l'environnement ;
Ces bonnes initiatives ne furent pas suivies d'effet, l'Europe ne possédant pas l'organisme spécialisé pour les faire adopter et respecter..
La sécurité du transport maritime est en jeu et par voie de conséquence la sauvegarde de notre patrimoine écologique dans cet Espace Maritime Communautaire.
Nous sommes confiants, le Bon Sens Marin finira bien par triompher.

NB : Les 6, 7 & 8 Septembre 2000 se tiendront les « Rencontres Européennes de Brest », à l'initiative du Mouvement Européen du Finistère. Thème de ce colloque : « LA GARDE-CÔTES EUROPEENNE ».

Michel BOUGEARD,
Capitaine au Long Cours,
Membre de l'Association Française des Capitaines de Navires (AFCAN).
En charge du dossier EURO COAST GUARD

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