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Recueil de migrants, en pratique.
 



       Depuis un certain temps, en Méditerranée, un nombre important de migrants tentent, sur divers bateaux, de rejoindre l'Europe depuis plusieurs pays, en particulier de Lybie. Souvent, ils se retrouvent désemparés et/ou en détresse. La question a été abordée à l'OMI, où M. Sekimizu a déclaré que la convention SAR n'a jamais été faite pour cette sorte de recueil de masse (de bateaux surchargés laissés sur des routes de transit fréquentées). Le sauvetage de personnes en détresse est un devoir, une obligation, et est quotidiennement assuré dans le monde entier, mais le cas de migrants en grand nombre est différent, ce qui amène de nombreuses et nouvelles difficultés.

  On sait que le simple embarquement, avec un franc-bord important, parfois par mauvais temps, est déjà aléatoire. Un navire avec équipage réduit n'est pas équipé, aménagé, approvisionné (nourriture, eau, équipement médical…) pour recevoir et garder à bord dans des conditions de sécurité acceptables (pour eux et pour l'équipage) un nombre important de migrants, parfois violents, dont des malades, pendant une durée qui peut être de plusieurs jours. Il est difficile de garder les zones sensibles (le cas de chimiquiers avec des toxiques est déjà arrivé). La remise en état normal du navire, par la suite, peut également être difficile. Certains ont bien dit qu'ensuite, il ne restera à l'équipage qu'une grande fatigue pour reprendre le voyage.

Les P&I, en particulier le UK's North, a mis en garde les armateurs au sujet de coûts non couverts. Le manque de préparation à un sauvetage à grande échelle va amener « une myriade de difficultés », le Club demande de se garder « d'une situation devenant rapidement hors de contrôle ». Après demandes de précisions, le Club n'en donne pas vraiment: « Il est difficile d'envisager chaque circonstance ».

Un cas qui a été raconté par le capitaine et l'armateur peut être cité en exemple. Le 22 octobre 2014 vers 14h00, le vraquier CS Caprice (vraquier gréé, pavillon Bahamas, 30 400 tpl, capitaine Bhatt, équipage: 20) a été dérouté par le MRCC Malte pour une assistance immédiate à un bateau (en détresse) ayant 300 à 400 personnes à bord. Mauvais temps, creux de 7 à 8 m. Le capitaine contacte l'armateur qui répond que la décision lui revient. A l'approche, le bateau en détresse indique ne pas vouloir être secouru si la destination n'est pas l'Italie (la détresse est répétée), le contact a été enregistré par le capitaine. Les personnes (510 en fait) sont embarquées avec succès (un certain temps est nécessaire dans les conditions rencontrées). Plusieurs cas médicaux sévères sont traités par l'équipage dont une femme traitée avec l'oxygène du bord (devant la gravité du cas, elle pourra être évacuée par hélicoptère). Le mauvais temps et la taille du navire empêchent une escale rapide dans un port proche, les migrants insistent (!!) pour aller en Italie. L'équipage s'en occupe sans discontinuer, les stocks à bord sont prévus pour 20 personnes mais pas pour 510 pendant trois jours, temps pendant lequel le commandant du chimiquier est laissé dans l'incertitude de désignation d'un port d'accueil possible.
Le navire pourra finalement accoster et débarquer les migrants (en Italie). Le mauvais temps a rendu tout le monde malade, ils ont vomi et uriné partout, il y a des déchets et ordures partout, pratiquement tout le linge (serviettes…) est à remplacer. Un nettoyage et une désinfection sont à assurer pendant l'escale, ainsi qu'une visite médicale des membres d'équipage. Un réapprovisionnement important est nécessaire. Par la suite, le capitaine ressent un sentiment de devoir accompli parmi l'équipage, malgré la fatigue et les risques « légaux et physiques ». Pour ce cas particulier, l'équipage a eu une mention « humanitarian award » de la Connecticut Maritime Association.

L'armateur indique que le retard a été supérieur à 4 jours, l'affréteur refuse de participer aux frais et met le navire off-hire, l'assureur fait des difficultés pour le paiement, en particulier du nettoyage du navire, l'escale supplémentaire est également à payer.

Le capitaine et l'armateur indiquent trouver anormal qu'un problème demandant une solution diplomatique soit en fait reporté sans autre précaution sur le shipping et les navires. Le shipping demande de l'aide. Avoir, à bord, un tel nombre de personnes inconnues, non identifiées, sans aucune connaissance de ce qu'est un navire, souvent malades (on a signalé des décès – et, le 4 mai une naissance), venant de pays en troubles et parmi lesquelles on peut craindre la présence de terroristes, amène des questions ne serait-ce que sur le plan légal. Il y a des inquiétudes si un nombre n. de personnes, entrainées par des gens malintentionnés, prennent le contrôle réel d'un navire. Le cas de migrants sur des chimiquiers a été cité plus haut. L'effet de « foule » a déjà entrainé des mouvements de panique incontrôlables. Des navires (comme le CS Caprice) sont laissés pendant de très longues heures ou jours dans l'incertitude d'une destination où il sera accepté.

On peut ajouter que des gens, certainement bien intentionnés/informés, préconisent de faire des exercices réguliers d'embarquement d'un grand nombre de personnes à la mer.


Cdt Ph. SUSSAC




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