L'idée des codes de management est de palier aux déficiences humaines en décrivant pas à pas les taches à exécuter ainsi
qu’en influençant tous les niveaux de l’entreprise. L’application de procédures fixes suffit,
théoriquement, à l’exécution sans risques toutes les taches d'exploitation et de production. Ces instruments de
management connaissent une accélération de leur développement dans toutes les activités depuis leur normalisation. La formalisation des normes de management en un bloc méthodologique homogène(1) par l’International Standard Organization (ISO), permet la diffusion d’une multitude de codes dans tous les secteurs industriels. Ces systèmes normatifs s’attaquent indifféremment à la qualité, la sécurité, l’environnement ou l’éthique. Outil de management global, les codes certifiés se veulent la réponse absolue pour la gestion des domaines précités. La communication autour de ces outils et valeurs qu’ils revendiquent, démontre la volonté des industries de ne plus se limiter à un rôle économique. La poursuite de valeurs positives (sécurité ou qualité), et de valeurs sociales (éthique, environnement) indique le rôle essentiel que l’entreprise souhaite jouer dans la société, en devenant acteur social, culturel, moral. |
Ces deux observations ne sont pas anodines et montrent qu’au niveau international, un consensus
s’est dégagé pour imposer à toutes les entreprises et travailleurs d’une même industrie un cadre
commun pour penser la sécurité. Ainsi, le dilemme évoqué par le sociologue Frederik Mispelblom Beyer est
tranché: "La notion de maîtrise des risques est l’occasion d’un débat pour savoir s’il
fallait tenter de faire reposer cette maîtrise sur les procédures et leur contrôle strict, ou sur la
"compétence" (la formation, les qualifications) du personnel."(18). Dans le glissement du processus normatif de l’État vers le secteur privé, le code ISM tient une place bien spécifique. Les organisations intergouvernementales définissent des objectifs globaux de sécurité en offrant un cadre de travail, mais laissent aux partenaires sociaux le soin de les préciser(19). La dénomination même du code : ISM pour International Safety Management, ne laisse planer aucun doute quand à la vision techniciste qu’il présente. |
Dressé comme une machine, l’homme est programmé pour effectuer un certain nombre de gestes dans un ordre
défini. Ses capacités d’adaptation à son environnement et ses changements, son intelligence et son
imagination sont niées. Que se passera t-il si soudainement, un élément hors de sa volonté perturbe le
déroulement de son travail, saura t-il s’adapter en faisant preuve d’imagination, en sortant ainsi
du schéma de la procédure, ou bien appellera t-il au secours comme la machine émet une alarme de
dysfonctionnement ? (30) Prouver que l’on travail dans les normes du code, voici un objectif bien louable, car la traçabilité des opérations à bord permet en temps réel de connaître l’avancement du travail, et que celui-ci s’effectue bien dans les schémas prescrits. Ce processus de contrôle systématique du travail d’autrui n’est il pas une tentative inquisitoire de soumettre le personnel ? La dérive de l’ISM, comme outil de contrôle, s’accentue avec son intégration dans le bloc des politiques "qualité-environnement". Cette intégration |
Dans les faits, les marins sans personnel supplémentaire se transforment en vigiles de leurs navires. Pour les
syndicats de marins britanniques, cette nouvelle réglementation constitue une nouvelle surcharge, rendant le
travail en mer insupportable. Les marins doivent remplir les nouvelles obligations du code sous la menace
permanente de contrôles, avec des inspecteurs ne s’intéressant qu’à la bonne application des
règles, sans se soucier des coûts sociaux de leur application. L’ISPS, malgré des mesures de protection incluses dans le texte(33), laisse aux rédacteurs le soin de déterminer les personnes pouvant accéder au navire(34). Les entreprises privées deviennent les relais de l’État pour leur sûreté. Comment ne pas s’interroger sur la validité et l’utilité de l’ISPS lorsque l’on sait que le bâtiment de la marine américaine USS Cole a été incapable de prévenir une attaque terroriste ? |