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LA DECISION D'EFFECTIF DEVANT LES TRIBUNAUX :



1 - Tribunal de Commerce de Saint-Malo

        Jugement prononcé à l'audience publique du 16 janvier 2001

Composition du Tribunal
Lors des débats à l'audience du 21 novembre 2000 et du délibéré :
PRESIDENT :                        M G. COLLYER
JUGES :                               Mme M. LERAY GORTAIS
                                            M J. TALEDEC

GREFFIER, lors des Débats : Me J. JEAN

Jugement prononcé par M G. COLLYER à l'audience publique
du 16 janvier 2001 où siégeaient M G. COLLYER, Président,
Mme M. LERAY GORTAIS et M P. ONILLON, Juges,
assistés de Me J. JEAN, Greffier associé


ENTRE:

Monsieur LAUMAILLE Pierre, demeurant Le Clos Pierre 35540 MINIAC MORVAN,

Représenté par Me DENOUAL, avocat du Barreau de SAINT MALO,

Demandeur,

D'une part,

Et

LA Sté NAVALE FRANCAISE S.A. dont le siège est 22 avenue du Gal Ferrié BP 57 35416 SAINT MALO, en la personne de son représentant légal,

Représentée par Me CADRAN. Avocat du Barreau de MORLAIX,

Défenderesse

D'autre part,

Par citation de Me GOAPPER et GROSSIN, Huissiers de Justice associés à 35400 SAINT MALO, en date du 22.06.2000, Monsieur LAUMAILLE a assigné la SA NAVALE FRANCAISE d'avoir à comparaître par-devant le Tribunal de Commerce de SAINT MALO, pour voir ordonner à la Sté NAVALE FRANCAISE de se mettre en conformité avec la législation et d'engager un second lieutenant à bord du «POINTE DE CORMORAN» ainsi que des autres navires de la flotte ce sous astreinte de 10 000 F 00 par jour de retard à compter de la décision à intervenir, condamner la même à lui verser la somme de 421 200 F au titre de la solde due sur le fondement de l'article 26 de la Convention collective, la somme de 50 000 F. 00 au titre de dommages intérêts dus en indemnisation du préjudice subi sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil, la somme 20 000 F 00 sur le fondement de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens.

L'affaire a été enrôlée à l'audience du 11.07.2000, puis en accord entre les parties a fait l'objet de plusieurs renvois successifs pour être débattue à l'audience du 21.11.2000.


FAITS ET PROCEDURE :

Monsieur LAUMAILLE expose, par son conseil, qu'en qualité de Commandant de Marine Marchande, il est Capitaine du Navire POINTE DE CORMORAN, chimiquier français armé par la S.A. NAVALE FRANCAISE. Il s'est aperçu que la Sté NAVALE FRANاAISE ne respectait sur aucun de ses navires la législation du travail et notamment les dispositions de l'article 15 du décret N° 83-793 du 06.09.1983, qui exigent « que les cargos d'une jauge brute supérieure à 500 tonneaux qui effectuent des séjours à la mer d'une durée normale de plus de 24 heures et les cargos de 500 tonneaux et moins qui effectuent des séjours à la mer d'une durée normale de plus de 5 jours doivent avoir à bord pour la veille et la conduite, en sus du capitaine au moins un officier par bordée de navigation. » Les articles 24 et 26 de la Convention Collective des personnels Navigants Officiers des entreprises de transports maritimes précise qu'un officier ne peut être astreint à des tâches dont l'exécution incombe à un autre officier et que si par exception un officier manque à l'effectif fixé conformément aux dispositions légales en vigueur, la solde de l'officier manquant sera répartie entre ceux qui seront appelés à assurer son travail. Le navire POINTE DU CORMORAN est un navire de 100,45 mètres de longueur hors tout et d'une jauge de 3446 UMS (tonneaux ) qui effectue des séjours à la mer de 2 à 7 jours. Les autres navires de la flotte de la Sté NAVALE FRANCAISE répondent aux conditions de l'article 15 du décret du 6.09.1983. L'effectif du personnel officier de ces navires ne comprend qu'un capitaine, un second et un lieutenant, alors que le service à bord est organisé sur la base de trois bordées de navigation de 8 heures chacune afin de respecter le temps de travail légal. Il manque donc un second lieutenant dont l'absence oblige le capitaine à être en sus de ses fonctions et de ses responsabilités, officier de quart 8 heures par jour sans aucune compensation financière ou de repos. De plus le capitaine est responsable de son navire et de son équipage. Monsieur LAUMAILLE depuis le 21 mai 1996, à bord de deux des navires, soit sur 812 jours de bord, a effectué en dehors de ses fonctions de commandant le remplacement de l'officier manquant. Il effectue un travail journalier pouvant aller jusqu'à 17 heures. Il a signalé cette infraction à l'administration des Affaires maritimes et à Monsieur le Ministre des transports. Il a tenté de faire respecter ses droits en saisissant le Président du Tribunal par voie de référé mais celui-ci compte tenu des contestations soulevées par la NAVALE FRANCAISE s'est déclaré incompétent. Postérieurement à cette décision, alerté de la situation, le Ministre des Transports a indiqué à Monsieur LAUMAILLE qu'il donnait des instructions à la Direction des Affaires Maritimes afin que la Sté NAVALE FRANCAISE se mette en conformité avec ses obligations légales. Or aucune disposition n'a été prise en ce sens, à ce jour.


PRETENTIONS DES PARTIES.

Compte tenu de la situation Monsieur LAUMAILLE déclare être bien fondé à solliciter la condamnation de la Sté NAVALE FRANCAISE à respecter la législation applicable, à l'indemniser du préjudice qu'il subit depuis 1996 à raison de la violation de ses droits par son employeur. Sur la condamnation sous astreinte de la Sté NAVALE FRANCAISE de respecter ses obligations, il a qualité pour solliciter celle-ci dans la mesure où il est personnellement civilement et pénalement responsable de son navire, ce en sa qualité de commandant. Il doit être fait application de l'article 15 du décret du 06.09.1983, l'ensemble des navires de la NAVALE FRANCAISE étant soumis à cette réglementation. Pour échapper à cette réglementation la NAVALE FRANCAISE avance que le commandant effectue le quart en plein accord avec la décision d'effectif délivrée par l'administration, étant précisé que c'est l'armateur qui décide de l'effectif et que c'est l'administration qui valide cette décision. Pour le navire LA POINTE DU CORMORAN, la Société NAVALE FRANCAISE se prévaut de la fiche d'effectif qui autorise la réalisation des quarts par le commandant. Or le visa administratif vaut autorisation de naviguer mais ne garantit pas la légalité de la situation. Elle se prévaut en outre du Protocole d'accord des personnels officiers du 30.06.1997, qui précise que les effectifs officiers à bord sont définis par la fiche d'effectif délivrée par les Affaires Maritimes. Elle prétend pouvoir déroger à la législation en se fondant sur une résolution de l'OMI qui autorise l'affectation du Capitaine au quart dés lors qu'il s'agit de navires de dimensions restreintes. Or nulle dérogation ne peut priver unilatéralement un salarié de ses droits. Le Ministère des transports le rappelle dans son courrier en date du 17.01.2000 en indiquant que la décision d'effectif sur laquelle se fonde la défenderesse est illégale. Quant à l'OMI elle a pour but de réglementer entre autres la sécurité maritime et invite les gouvernements membres à faire le nécessaire pour se mettre en conformité avec ces prescriptions à minima. La pratique de la Sté NAVALE FRANCAISE est parfaitement illégale, même si elle se prévaut de la fiche d'effectif en date du 1er mars 1996 , qu'elle reconnaît comme étant contraire à la réglementation en vigueur, et de l'absence de réponse à un courrier adressé à l'administration dans lequel elle aurait sollicité un maintien de cette décision d'effectif. Mais le silence de l'administration n'a pas eu pour conséquence de légaliser une situation contraire aux textes réglementaires et administratifs applicables. La NAVALE FRANCAISE a donc parfaitement conscience de l'illégalité de sa position mais elle entend la maintenir envers et contre tout. Les réclamations de Monsieur LAUMAILLE sont donc parfaitement légitimes et la décision illégale de la NAVALE FRANCAISE doit être sanctionnée afin qu'il soit mis un terme à cette situation. Il appartient donc au Tribunal de faire respecter le décret de 1983. Il est également bien fondé à solliciter la condamnation de NAVALE FRANCAISE à lui payer la solde devant être normalement payée à l'Officier manquant à l'effectif et ce sur le fondement des dispositions de la convention collective applicable. Pendant 27 mois il a été amené à effectuer son travail et celui de l'officier manquant , il est donc bien fondé à réclamer la somme de 438 517 F 80. Quant aux contestations de la Sté NAVALE FRANCAISE qui consistent à dire que le commandant LAUMAILLE n'exerce pas deux fonctions, mais une seule à savoir celle de capitaine avec les responsabilités inhérentes à cette attribution qui comportent l'astreinte d'un quart, le Tribunal ne pourra que les rejeter, et faire application des articles 24 et 26 de la Convention collective. Il est enfin fondé à solliciter réparation de son préjudice subi en raison de l'attitude de la Société NAVALE FRANCAISE qui s'est refusée à respecter la législation sur la durée du travail et qui lui a imposé des conditions et heures de travail extrêmement fatigants. Il sollicite donc paiement d'une somme de 50 000 F 00 à titre de dommages intérêts en compensation des divers préjudices, mais aussi une somme de 50 000 F.00 au titre de la perte de salaires du fait de son inaptitude à l'embarquement, outre les sommes portées à l'assignation au titre de l'article 700 du NCPC.

En réponse, la Société NAVALE FRANCAISE, par son conseil. Me CADRAN expose qu'en effet la question du quart effectué par le Capitaine a déjà été résolue par la législation française. Comme c'est le cas pour tous les navires de la SA NAVALE FRANCAISE et de la totalité ou à tout le moins de la plupart des navires de cabotage national et international le Commandant effectue le quart en plein accord avec la décision d'effectif délivrée par l'administration française. Il suffit de se reporter à la fiche d'effectif du 1er Mars 1996. L'effectif global proposé par l'Armateur permet de satisfaire aux prescriptions législatives et réglementaires tant en ce qui concerne la sécurité des navires que l'organisation et la durée du travail. En pratique le navire est armé avec treize personnes alors que onze suffisent, ce qui démontre la volonté de l'armateur de faire tourner le navire en toute sécurité. La Sté NAVALE FRANCAISE est connue internationalement comme étant en règle. Les grands clients pétroliers utilisent les navires transporteurs de produits dangereux après inspections régulières et ne délivrent l'accord (le vetting) qu'après réponse de la compagnie. Ce navire a un vetting chez toutes les grandes compagnies. De plus la S.A. NAVALE FRANCAISE respecte le protocole d'accord des personnels officiers du 30.06.1997 ( Les effectifs à bord sont définis par la fiche effective délivrée par les Affaires Maritimes, le Capitaine... assure le quart à la mer selon la décision d'effectif ). Le demandeur pose la question du bien fondé d'une décision prise par l'administration des affaires maritimes par dérogation au décret 83-793 du 06.09.1983, imposant pour certains types de navires armés à trois bordées un Officier de quart par bordée en sus du Capitaine. Cependant l'administration a la possibilité de s'appuyer sur l'article 2.2.3 de l'annexe 2 de la résolution A 481 de la 12ème assemblée de l'OMI pour autoriser l'affectation du Capitaine au quart dès lors qu'il s'agit d'un navire de dimension restreinte. L'administration des affaires maritimes apprécie donc la nature de l'expédition prenant en compte tous les paramètres, longueur des voyages, composition de l'effectif, sécurité, pour délivrer une décision d'effectif qui peut prévoir le quart du capitaine. Le navire dont Monsieur LAUMAILLE est commandant dispose donc incontestablement des autorisations administratives pour naviguer avec un équipage tel que défini à sa fiche d'effectif. Si la NAVALE FRANCAISE a été invitée par l'administrateur à soumettre une nouvelle proposition d'effectif, aux termes d'un courrier en date du 28.04.2000 elle a sollicité le maintien de la décision d'effectif en date du 1.03.1996, et aucune décision modificative n'a été prise. Le navire circule en pleine et entière conformité avec la législation applicable en la matière. Monsieur LAUMAILLE sera débouté de sa demande de condamnation sous astreinte qui n'est aucunement justifiée. Il en sera de même quant à sa demande au paiement des soldes du Second Lieutenant. En effet le commandant n'exerce qu'une seule fonction à bord avec il est vrai une astreinte de quarts. Ayant été pleinement rempli dans ses droits, il est mal fondé à solliciter une rémunération complémentaire qui ne correspond à aucun travail complémentaire qui serait en dehors de ses attributions normales. Sa réclamation faite au titre du préjudice moral fait double emploi avec cette demande précédente et ne correspond aucunement à un poste de préjudice indemnisable. Compte tenu de l'attitude du demandeur elle sollicite que Monsieur LAUMAILLE soit condamné à lui verser une somme de 20 000 F 00 à titre de dommages intérêts et une somme de 20 000 F 00 sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, le Tribunal,

Attendu que Monsieur LAUMAILLE, estimant que son employeur ne respecte pas les dispositions du Code du Travail ou les conséquences de ces dispositions sollicite qu'il soit ordonné à la SA NAVALE FRANCAISE de se mettre en conformité avec les règlements en vigueur et notamment les dispositions de l'article 15 du décret 83.793 du 06.09.1983 exigeant pour une certaine catégorie de navires comme celui dont il est capitaine l'embarquement en sus du capitaine d'un officier par bordée de navigation.

Mais attendu que l'article 1er du décret 67.432 du 26 mai 1962 précise que « l'effectif de tout navire est fixé par l'armateur s'il n'a pas été déterminé au préalable par voie d'accord entre les parties intéressées ou leurs représentants. Il est soumis par l'armateur, au visa de l'administrateur des Affaires Maritimes territorialement compétent qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et de la durée du travail ».

Attendu que la note circulaire N° 2125 du 06 juillet 1982, découlant de l'engagement pris par la France d'appliquer la résolution de l'organisation maritime internationale A81 du 19.11.1981 concernant les principes à observer pour déterminer les effectifs en fonction de la sécurité, précise que « la fiche d'effectif constitue le document international par lequel l'autorité maritime française atteste que l'effectif du navire qui y figure satisfait du point de vue de la sécurité, aux exigences des conventions internationales en vigueur. Elle permet également au contrôleur de vérifier si l'équipage à bord est conforme à l'effectif de sécurité visé par l'État du pavillon ».

Attendu que l'article 12 du décret du 6.09.1983, décret pris pour l'application de l'article 25 du Code du Travail, rappelle que pour certains navires.... la décision d'effectif peut prévoir l'organisation de bordées comprenant moins de deux hommes d'équipage dans la mesure compatible avec la sécurité de la navigation et les dispositions relatives à la durée du travail »,

Attendu qu'il en résulte que c'est bien la décision d'effectif qui détermine les règles applicables dans le cadre de l'organisation du travail à bord.

Attendu qu'en l'espèce, même si le décret du 06.09.1983 impose que certains navires également doivent avoir à bord pour la veille et la conduite en sus du capitaine et du second au moins un officier par bordée de navigation, ce qui a valu la remise en cause par les affaires maritimes de la décision d'effectif des navires de la NAVALE FRANCAISE le 31 Janvier 2000, il n'en reste pas moins que l'administration des affaires maritimes n'a jamais donné de réponse à la demande faite par la NAVALE FRANCAISE du maintien de la fiche d'effectif qui a été visée le 1er mars 1996.

Attendu que, dés lors, il peut en être déduit que l'administration n'estime pas devoir modifier une situation légale dans laquelle se trouve la Société NAVALE FRANCAISE puisque dans le cas contraire elle n'aurait pas manqué de relever que cette société ne présentait pas les conditions nécessaires à l'obtention de l'autorisation de naviguer au regard des règles de sécurité et de la législation du travail.

Attendu que la Société NAVALE FRANCAISE dispose donc des autorisations administratives pour naviguer actuellement avec un équipage tel que défini à sa fiche d'effectif.

Attendu qu'au surplus conformément au protocole d'accord des personnels officiers signé le 30.05.1997 avec la Société NAVALE FRANCAISE, le commandant effectue le quart en plein accord avec la décision d'effectif délivrée par l'administration maritime française. Attendu que cette fonction d'officier de quart s'impose donc au capitaine sans contrepartie pécuniaire.

Attendu qu'il échet en conséquence de débouter Monsieur LAUMAILLE de l'ensemble de ses demandes, comme étant mal fondé.

Attendu qu'en ce qui concerne les demandes formulées par la défenderesse, il ne saurait être fait droit à sa demande de dommages intérêts , celle-ci ne justifiant d'aucun préjudice résultant de l'action intentée par Monsieur LAUMAILLE.

Attendu qu'il serait par contre inéquitable de laisser à sa charge le montant des frais dont elle a du faire l'avance pour assurer sa défense, il lui sera alloué le bénéfice de l'article 700 du NCPC.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
  • Déboute Monsieur LAUMAILLE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
  • Le condamne à payer à la Société NAVALE FRANCAISE la somme de Dix Mille Francs ( 10 000 F.00 ou 1 524,49 EUROS ) au titre de l'article 700 du NCPC.
  • Déboute la Société NAVALE FRANCAISE de sa demande de dommages intérêts.
  • Condamne Monsieur LAUMAILLE aux dépens qui comprendront outre les frais de signification de la présente décision, les frais de Greffe liquidés à la somme de 282 F 97 ( ou 43,14 EUROS).


Ainsi Jugé et prononcé en audience publique toutes portes ouvertes par Monsieur G.COLLYER, Président d'audience , le Seize Janvier Deux mille un.

Le Président d'audience Le Greffier associé
Signé G.COLLYER J.JEAN





2 - Cour d'Appel

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRET DU 20 FEVRIER 2002


COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Philippe BOTHOREL, PRESIDENT,
Monsieur Alain POUMAREDE, Conseiller,
Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Décembre 2001
devant Monsieur Alain POUMAREDE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRET:

Contradictoire, prononcé par Monsieur Philippe BOTHOREL, PRESIDENT, à l'audience publique du 20 Février 2002, date indiquée à l'issue des débats, après prorogation du délibéré.






APPELANTS :

Monsieur Pierre LAUMAILLE
Le Clos Pierre
35540 MINIAC MORVAN

représenté par la SCP D'ABOVILLE. DE MONCUIT & LE CALLONNEC, avoués
assisté de Me Serge DENOUAL, avocat

SYNDICAT CFDT pris en la personne de son représentant
4 Bd de la Villette
75955 PARIS CEDEX 19

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT & LE CALLONNEC, avoués
assistée de Me Serge DENOUAL, avocat

INTIMEE:

S.A. NAVALE FRANCAISE prise en la personne de ses représentants légaux
2 Avenue du Général Ferrié
35400 SAINT MALO

représentée par la SCP BAZILLE & GENICON, avoués
assistée de Me CADRAN, avocat.


FAITS ET PROCEDURE

         Statuant sur la demande de Pierre LAUMAILLE, Commandant de Marine Marchande, en condamnation sous astreinte de son employeur la Société NAVALE FRANCAISE, à se mettre en conformité avec les textes réglementant sa profession, à engager un second lieutenant à bord des navires de leur flotte et en paiement de la somme de 421.000 F ( 64.181,04 €) somme correspondant à la solde de l'officier manquant sur le navire qu'il commandait, en application de la Convention Collective des Personnels Navigants Officiers des entreprises de transports maritimes, outre celle de 50.000 F (7.622.45 €) à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi et 20.000 F (3.048.98 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

         Le Tribunal de Commerce de SAINT MALO par jugement du 16 janvier 2001, l'en a débouté;




         Pierre LAUMAILLE a interjeté appel de ce jugement ; Le syndicat CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail) est intervenu volontairement à la procédure ;


MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

         APPELANT, Pierre LAUMAILLE fait grief au Tribunal d'avoir ainsi statué aux motifs ;

         Que l'article 1er du décret 67.432 du 26 mai 1962 précise que "l'effectif de tout navire est fixé par l'armateur s'il n'a pas été déterminé au préalable par voie d'accord entre les parties intéressées ou leurs représentants, il est soumis par l'armateur, au visa de l'administrateur des Affaires Maritimes territorialement compétent qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et de la durée du travail" ;

         Que la note circulaire N°2125 du 06 juillet 1982, précise que "la fiche d'effectif constitue le document international par lequel l'autorité maritime française atteste que l'effectif du navire qui y figure satisfait du point de vue de la sécurité, aux exigences des conventions internationales en vigueur. Elle permet également au contrôleur de vérifier si l'équipage à bord est conforme à l'effectif de sécurité de la navigation et les dispositions relatives à la durée du travail"

         Que l'article 12 du décret du 6.09.1983, rappelle que pour certains navires, la décision d'effectif peut prévoir l'organisation de bordées comprenant moins de deux hommes d'équipage dans la mesure compatible avec la sécurité de la navigation et les dispositions relatives à la durée du travail,

         Et qu'il en résulte que c'est bien la décision d'effectif qui détermine les règles applicables dans le cadre de l'organisation du travail à bord,

         ALORS

         Qu'en se retranchant derrière le silence de l'administration pour refuser d'examiner la situation au regard du droit applicable et notamment du droit du travail dont les règles sont impératives, le tribunal n'a pas rempli sa mission ;

         Que le jugement procède d'une interprétation erronée des textes, et que la décision d'effectif du 1er mars 1996, sur laquelle se fonde la Société NAVALE FRANCAISE pour justifier le non-respect de la législation du travail, est illégale, dans la mesure où elle déroge aux dispositions du décret du 6 septembre 1983 applicable en la matière ;

         Que l'application de cette décision d'effectif non conforme à la législation en vigueur et qui ne peut être que temporaire en application de l'article! 3 du décret précité, a pour conséquence une augmentation des heures de travail effectuées par les officiers présents sur le navire, en violation de leurs contrats de travail et de la convention collective ;

         Que la Société NAVALE FRANCAISE ne saurait davantage invoquer le "Protocole d'accord" du 30 juin 1997 sans valeur légale, qui, même s'il était valable, ne constituerait qu'un accord d'entreprise dont la finalité ne peut être que l'amélioration de la situation des officiers par rapport à la législation applicable et non pas l'inverse ;

         Pierre LAUMAILLE, demande, en conséquence, à la Cour de :

         Dire son appel recevable et bien fondé,

         Réformant le jugement déféré en toutes ses dispositions,

         Vu l'article 15 du décret n°83-793 du 6 septembre 1983,

         Vu les articles 23, 24, et 26 de la Convention Collective des Personnels Navigants Officiers des entreprises de transports maritimes,

         Vu l'article 1147 du Code Civil et les articles L.212-5 et L.212-5-1 du Code du Travail,

         Dire que la décision d'effectif de la SA NAVALE FRANCAISE est illégale,


         EN CONSEQUENCE,

         Ordonner à la S.A. NAVALE FRANCAISE de se mettre en conformité avec la législation et d'engager un second lieutenant à bord des navires de sa flotte, sous astreinte de 10000 F (1.524,49 €) par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, pendant une durée de deux mois après laquelle il sera de nouveau fait droit,

         Condamner la S.A. NAVALE FRANCAISE à lui verser les sommes de 452.321,10 F (68.955.91 €) au titre des heures supplémentaires, 215.460 F (32.846,67 €) au titre de l'indemnité pour les repos compensateurs non pris, 45.232,11 F (6.895,59 €) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,


         SUBSIDIAIREMENT

         Les sommes de 438.517,80 F (66.851,61 €), au titre de la solde due sur le fondement de l'article 26 de la convention collective et 43.851,78 F (6.895,16 €) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;


         EN TOUTES HYPOTHESES

         La somme de 100.000 F (15.244,90 €) au titre des dommages et intérêt dus en indemnisation du préjudice subi sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil,

         La somme de 100.000 F (15.244,90 €) au titre de dommages et intérêts pour perte de salaire depuis le 25 janvier 2000,

         La somme de 30.000 F (4.573,47 €) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code ;




         INTERVENANT, le syndicat CFDT demande pour sa part à la Cour de :

         Dire son intervention volontaire recevable,

         Condamner la S.A. NAVALE FRANCAISE à lui verser la somme de 5.000 F (762,25 €) sur le fondement de l'article 700 du NCPC.





         INTIMEE, la S.A. NAVALE FRANCAISE, fait valoir en substance :

         Qu'elle fait siens, pour l'essentiel, les motifs ci-dessus rappelés du Tribunal, et conclut à la confirmation du jugement :

         Qu'elle rappelle en outre que les navires de sa flotte circulent en pleine et entière conformité avec la législation applicable en la matière et qu'elle respecte le protocole d'accord des personnels officiers ;

         Qu'elle expose enfin que le Syndicat CFDT ne justifie pas d'un intérêt à agir, et qu'il ne démontre pas que les faits déférés en l'espèce portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ;

         La S.A. NAVALE FRANCAISE demande, en conséquence, à la Cour, de :

         Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Pierre LAUMAILLE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

         Déclarer irrecevable l'intervention volontaire du syndicat CFDT dans le cadre de l'appel du jugement rendu.

         Y additant,

         Condamner Pierre LAUMAILLE à lui verser la somme de 20.000 F (3.048,98 €) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, outre 30.000 F (4.573,43 €) par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;





         Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision et aux conclusions déposées, spécialement celles de la S.A. NAVALE FRANCAISE en date du 20 novembre 2001, et de Pierre LAUMAILLE et du Syndicat CFDT en date du 11 décembre 2001;





MOTIFS

         Considérant qu'il résulte des énonciations non contredites du jugement attaqué, des écritures des parties et des pièces par elles régulièrement produites que :

         Pierre LAUMAILLE, capitaine de navires chimiquiers français armés par la S.A. NAVALE FRANCAISE au cabotage international, a commandé notamment le «POINTE DU CORMORAN», navire de 100,45 mètres de long et d'une jauge brute de 3.446 UMS, qui effectuait des séjours en mer de 2 à 8 jours ;

         Se plaignant de la violation par l'armateur des dispositions relatives à la durée du travail, Pierre LAUMAILLE l'a fait assigner pour qu'il soit enjoint de se mettre en conformité avec la législation en engageant un second lieutenant à bord de chacun de ses navires et en paiement des heures supplémentaires générées par l'insuffisance des effectifs en officiers sur le «POINTE DU CORMORAN»; ce dont il a été débouté par le jugement déféré; le Syndicat CFDT est intervenu volontairement à la procédure ;




SUR L'INTERVENTION du Syndicat CFDT




         Considérant que selon les articles L411-10-.et L411-11 du Code du Travail :

         (L. 411-10) : «Les Syndicats professionnels jouissent de la personnalité civile»

         (L. 411-11) «ils ont le droit d'ester en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits tant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession représentent» ;

         Que le litige soulève une question de principe, intéressant directement les droits sociaux des commandants de navire dont le Syndicat CFDT défend les intérêts, puisqu'il vise, en vue du respect de la durée du travail, la composition des effectifs à bord, et d'une façon générale les conditions de travail des officiers de la marine marchande ; que la solution est susceptible de d'affecter non seulement la situation des adhérents au Syndicat CFDT, mais l'ensemble de la profession concernée ; qu'est donc recevable l'intervention accessoire de ce syndicat, légalement en droit d'ester «devant toutes les juridictions», y compris civiles, même si, comme en l'espèce, l'action engagée n'a pas pour support une infraction pénale;




LES TEXTES




         Considérant que l'organisation du travail des capitaines à bord est régie essentiellement par les dispositions suivantes :

  • la résolution de la 12ème assemblée de l'OMI, annexe 2, article 2.2.3, en date du 19 novembre 1981 :

  • «sauf à bord des navires de dimensions restreintes, il faudra prévoir suffisamment d'officiers pour éviter que le capitaine soit tenu d'assurer régulièrement le quart»

  • décret n° 67-432 du 26 mai 1967 :

  • (article 1er) «l'effectif de tout navire est fixé par l'armateur s'il n'a pas été déterminé au préalable par voie d'accord entre les parties intéressées et leurs représentants. Il est soumis par l'armateur au visa de l'Administrateur des Affaires maritimes territorialement compétent qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail»

    (article 2) «si les conditions réelles d'exploitation du navire ne permettent pas d'assurer le respect des règles mentionnées à l'article 1er ci-dessus, le visa est retiré»

    (article 3) «Le refus ou le retrait de visa entraîne l'interdiction d'appareiller dans les conditions prévues à l'article 14 de la loi susvisée du 6 janvier 1954. La même interdiction peut être prononcée si l'effectif embarqué est inférieur en nombre ou en qualité à celui qui a obtenu le visa»

  • le décret du 6 septembre 1983 :

  • (art. 1er ) : «La durée quotidienne de travail effectif ne peut dépasser douze heures à bord des navires armés au cabotage et à la navigation côtière, des remorqueurs et chalands qui ne sortent pas des ports et rades ou de la partie maritime des fleuves et rivières, des bâtiments et engins employés aux travaux maritimes et des bâtiments munis d'un permis de circulation»

    (article 13) : «Dans le service à la mer, la veille et la conduite du navire sont organisées à trois bordées de navigation au moins ; toutefois sur les cargos armés au long cours ou au cabotage international, elles peuvent, à titre temporaire et jusqu'à ce que soit intervenue une convention internationale relative à la réglementation du service à la mer, être organisées à deux bordées. La conduite et l'entretien des machines sont organisés à trois quarts...»

    (article 15) : «Les paquebots et paquebots mixtes qui effectuent des séjours mixtes à la mer d'une durée normale de plus de douze heures, et ceux qui n'effectuent que des séjours à la mer d'une durée normale de moins de douze heures, mais dont les voyages comportent normalement plus de soixante heures de service à la mer par semaine (arrivées et départs compris), ainsi que les cargos d'une jauge brute supérieure à 500 tonneaux qui effectuent des séjours à la mer d'une durée normale de plus de vingt-quatre heures et les cargos de 500 tonneaux et moins qui effectuent des séjours à la mer d'une durée normale de plus de cinq jours doivent avoir à bord, pour la veille et la conduite, en sus du capitaine, au moins un officier par bordée de navigation. Toutefois, les cargos qui effectuent des séjours à la mer d'une durée normale de plus de dix jours et où le service est organisé à deux bordées de navigation doivent avoir a bord, pour la veille et la conduite en sus du capitaine et du second, au moins un officier par bordée de navigation...»

  • la Convention Collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de transports maritimes dans sa rédaction du 29 novembre 1976 :

  • (article 23) : «Pendant tout le temps de leur embarquement, les officiers accomplissent tous services que comportent leurs fonctions, en conformité avec les dispositions du Code du Travail Maritime et des règlements en vigueur»

    (article 24): «Dans l'exercice de leurs fonctions, les officiers ne peuvent être astreints à des tâches dont l'exécution incombe normalement à d'autres personnes de l'État Major ou de l'équipage, sauf en cas de force majeure et circonstances exceptionnelles, notamment le cumul de la fonction d'officier de pont et de fonctions obligatoires d'officier radiotélégraphiste est interdit»

    (article 25): «Tout officier remplissant une fonction supérieure à son grade ou à son brevet bénéficiera de la rémunération afférente à la fonction qu'il remplit effectivement, à l'échelon le plus bas»

    (article 26) : «si un officier manque à l'effectif fixé conformément aux dispositions légales en vigueur, la solde de l'officier manquant sera repartie entre les officiers qui seront appelés à assurer son travail ou son quart»

  • le protocole d'accord des personnels officiers du 30 juin 1997 :

  • (article 1er) : «... les dispositions de cet accord ne peuvent être moins favorables que celles résultant de la Convention collective nationale et ses avenants présents ou futurs ...»

    (article 14) : «les effectifs d'officiers sont définis par la fiche d'effectif délivrée par l'Administration des Affaires Maritimes... le Capitaine, chef de l'expédition maritime, est chargé en particulier de l'application du présent protocole ... il assure le quart à la mer selon la décision d'effectif...»

  • protocole d'organisation du travail à bord des navires établi par la S.A. NAVALE FRANCAISE le 27 mars 1998 (PRO G 05 Rev 2, Page 5/7) :

  • DUREE DU TRAVAIL : pour l'ensemble des Personnels, le Service est organisé en conformité avec les textes de référence cités au chapitre 2, et notamment à la Convention S.T.C.W. Il doit permettre d'octroyer aux Personnels des temps de repos compensateurs ;

    SERVICE DES OFFICIERS : Le service est réglé sur la base de 8 heures par jour réparties par quarts, ou par bordées suivant l'exploitation du navire. Les dépassements de cet horaire ne peuvent excéder 30 heures par mois, manœuvres comprises. La durée effective du service ne doit pas être supérieure à 10 heures par jour, sauf manœuvres imprévues ou circonstances particulières d'exploitation ; Chaque Officier a droit à 8 heures consécutives de repos. Lorsque les circonstances ne le permettent pas, l'Officier dispose de 10 heures à prendre en 2 fois, dont l'une ne doit pas être inférieure à 6 heures. Avant toute prise de quart, l'Officier doit prendre un repos suffisant. Le tableau de service des Officiers est établi par le Commandant, après consultation des intéressés. Il indique le rôle des quarts pour le Personnel de conduite et l'horaire normal de la journée de travail pour le reste du Personnel en accord avec le Chef Mécanicien.




LE FOND




         Considérant que le protocole, dont les dispositions prévoient d'ailleurs expressément qu'elles ne peuvent être moins favorables que la Convention Nationale Collective, a été ratifié par une seule organisation professionnelle qui l'a dénoncé depuis; que ne saurait dès lors, s'appliquer l'obligation faite, par ce protocole, au capitaine, d'assurer le quart à la mer selon la décision d'effectif, cette disposition étant plus défavorable que ladite Convention et les textes réglementaires susvisés, qui exigent, pour cette tâche, un officier par bordée, en sus du capitaine ;

         Qu'il est constant que le «POINTE DU CORMORAN», commandé par Pierre LAUMAILLE entre 1996 et 2000, appartient à la catégorie des «cargos d'une jauge brute supérieure à 500 tonneaux qui effectuent des séjours à la mer d'une durée normale de plus de vingt-quatre heures» tels que définis par l'article 15 du décret du 6 septembre 1983 et des « cargos armés au long cours ou au cabotage international» visés à l'article 13 du même décret ; qu'il ne peut sérieusement être considéré comme étant de dimensions restreintes au sens de la résolution de l'OMI, déjà citée, dont la transposition en droit interne fixe à cet égard un seuil de 500 tonneaux ; qu'il en résultait que, sur ce navire,:
  1. pour la veille et la conduite, il devait y avoir, en sus du capitaine, au moins un officier par bordée de navigation,

  2. et d'une façon générale, selon l'article 23 de la Convention Collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de transports maritimes, déjà citée, les officiers devaient accomplir leur service eu conformité avec les dispositions du Code du Travail Maritime et des règlements en vigueur;

  3. les conditions réelles d'exploitation du navire doivent assurer le respect des règles mentionnées à l'article 1er du décret n° 67-432 du 26 mai 1967, déjà cité, c'est à dire celles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail ;
         Que, pendant la période de commandement de Pierre LAUMAILLE, c'est à dire du 21 mai 1996 au 21 janvier 2000, et conformément à l'article 1er du décret n° 67-432 du 26 mai 1967, déjà cité, la décision d'effectif prise par l'armateur, a fait l'objet du visa de l'Administrateur des Affaires maritimes territorialement compétent, qui a apprécié «sa conformité aux règles relatives à la sécurité de la navigation et à la durée du travail»

         Que, se trouve spécialement en cause la fiche d'effectif relative au navire «POINTE DU CORMORAN», armé par la S.A. NAVALE FRANCAISE, établie le 1er mars 1996 par l'Administrateur des Affaires Maritimes du quartier de BREST, selon laquelle :

«...le navire POINTE DE CORMORAN d'une longueur de 100,45 m, d'une puissance administrative de 6160 KW est un navire de transport de produits chimiques armé au cabotage international, le navire est doté de dispositifs de commande directe des moteurs et de moyens de contrôle de l'appareil propulsif de ses auxiliaires et sécurités depuis la passerelle ; le service à bord est organisé, à la mer, sur la base de trois bordées de navigation pour le personnel officiers et le personnel d'exécution ; les conditions posées par l'article 5 du décret du 8 juillet 1977 sont respectées en permettant la reprise du quart en cas de défaillance des automatismes et de la télécommande, dans le cadre de l'activité indiquée ci-dessus, l'effectif global proposé par l'armateur permet de satisfaire aux prescriptions législatives et réglementaires, tant en ce qui concerne la sécurité de la navigation que l'organisation et la durée du travail»

         Que ce document mentionne un capitaine, un second capitaine et un lieutenant, c'est à dire deux officiers en sus du capitaine, les autres membres du personnel n'étant pas concernés par le quart ; qu'il doit être relevé que, le 17 janvier 2000, il a fait l'objet d'un commentaire officiel du Ministère de l'Équipement et des Transports et du Logement, qui exerce sa tutelle sur les Affaires Maritimes, dans les termes suivants :

«...la détermination d'un effectif de conduite de navire ne peut avoir pour conséquence de porter la durée du travail des personnels embarqués au-delà des maxima prévus par le décret du 6 septembre 1983, y compris en ce qui concerne le capitaine. L'article 15 du décret n° 83-793 du 6 septembre 1983 prévoit qu'au moins un officier par bordée de navigation est affecté à la veille et la conduite du navire, en sus du capitaine ou de son second. Les articles 23 et 24 de la convention collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de transport maritime confirment et précisent cette disposition. La faculté, ouverte par l'article 13 du décret du 6 septembre 1983, d'organiser à titre temporaire le service du navire à deux bordées de navigation n'obère pas les obligations prévues par l'article 15 susvisé. En conséquence, la décision d'effectif du 1er mars 1996 doit être révisée afin d'assurer l'embarquement d'un officier supplémentaire par bordée. Ceci paraît de nature à mettre en conformité les tâches et horaires de travail du capitaine avec la réglementation en vigueur...»

         Que les inspections successives de ce navire durant cette période ont invariablement suscité des remarques sur l'obligation faite au commandant d'assurer le quart et l'absence à bord d'un second lieutenant à cette fin (25 juin 1996, 24 décembre 1996, 22 avril 1997, 26 mars 1998, 29 juin 1998, 3 juillet 1998,24 juin 1999 et 26 octobre 1999);

         Considérant que le visa administratif appliqué à la décision d'effectif prise par l'armateur, avec ou sans concertation, n'a pas pour effet de le dispenser du respect de la réglementation du travail ; que la faculté d'organiser en deux bordées la veille et la conduite du navire prévue par l'article 13 du décret du 6 septembre 1983, ne lui permet pas, en particulier, de désigner seulement deux officiers de quart, quand il en faut trois, c'est à dire un pour chacune des trois bordées l'organisation choisie par lui-même ; que dans la mesure où il n'a pas été désigné un officier pour chacune des trois bordées, le capitaine est contraint d'assurer une partie de la tâche de l'officier non prévu, c'est à dire manquant, au sens de la Convention Collective ;

         Qu'il doit être rappelé que :
  • la procédure d'Organisation du Travail à bord des navires NAVALE FRANCAISE ». est celle de quarts ou bordées de 8 heures par jour, avec des dépassements ne pouvant excéder 30 heures par mois, et une durée effective de travail ne pouvant être supérieure à 10 heures par jour, sauf manœuvres imprévues ou circonstances particulières d'exploitation ;


  • chaque officier a droit à 8 heures consécutives de repos, ou, lorsque les circonstances ne le permettent pas, à 10 heures à prendre en 2 fois dont l'une ne doit pas être inférieure à 6 heures ;


  • l'officier doit prendre un repos suffisant avant toute prise de quart ;
         Que ces dispositions, dont le but essentiel est d'assurer des conditions de travail décentes, ont aussi pour effet de garantir une meilleure disponibilité du capitaine et de prévenir les risques de la navigation et de pollution évidemment augmentés par une charge de travail excessive ;

         Qu'entre le 21 mai 1996 et le 25 janvier 2000, Pierre LAUMAILLE a effectué 812 jours effectifs de bord, soit 27 mois, au cours desquels il a été amené à effectuer non seulement son propre travail, mais aussi une partie de celui de l'officier manquant, en fait, un tiers, en raison d'une répartition de cette tâche entre trois officiers à bord ; qu'en application des barèmes de salaires pétroliers-chjmiquiers de la SA NAVALE FRANCAISE, un lieutenant français perçoit un salaire brut mensuel de 16.241,40 F, dans la position de Pierre LAUMAILLE, à savoir Brevet 2, 5ème échelon ; que la somme due s'élève donc à 22.283,87 € (16.241,40 x 27:3 = 146.172.60 F) ; qu'il convient d'y ajouter l'indemnité compensatoire de congés payés, soit 2.228,40 € (14.617,26 F); que la S.A. NAVALE FRANCAISE sera donc condamnée à payer à Pierre LAUMAILLE la somme totale de 24.512,27 € (160.790,21 F) et le jugement réformé en ce sens ; que Pierre LAUMAILLE ne justifie pas, au-delà de la rémunération allouée par la Cour, du préjudice que lui aurait causé cette surcharge de travail, qu'il ne démontre pas d'ailleurs avoir supportée seul, le stress occasionné par son action syndicale ne pouvant constituer un dommage ;




Considérant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la Cour d'enjoindre la S.A. NAVALE FRANCAISE de respecter à l'avenir la réglementation du travail maritime, notamment en rajoutant un officier sur chacun de ses navires, puisqu'il s'agirait d'une disposition de portée générale interdite aux juridictions judiciaires ;




Considérant que la S.A. NAVALE FRANCAISE, qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens de première instance et d'appel ; qu'elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; que l'équité commande, en revanche, de faire droit, partiellement, aux demandes de Pierre LAUMAILLE et du Syndicat CFDT fondée sur ce texte; que la résistance de la S.A. NAVALE FRANCAISE devant la Cour, ne saurait être considérée comme abusive, puisqu'elle a obtenu gain de cause devant le Tribunal;





PAR CES MOTIFS

         Réforme le jugement,

         Condamne la S.A. NAVALE FRANCAISE à payer à Pierre LAUMAILLE la somme de 24.512,27 € qui portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation introductive de la présente instance ;

         Condamne la S.A. NAVALE FRANCAISE à payer à Pierre LAUMAILLE la somme de 4.000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

         Condamne la S.A. NAVALE FRANCAISE à verser au syndicat CFDT celle de 700 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

         Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

         Condamne la S.A. NAVALE FRANCAISE aux dépens de première instance et d'appel ceux-ci pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,




3 - Cour de Cassation


Audience publique du 30 juin 2004

Cassation partielle
Mme MAZARS, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n°1378 F-D

Pourvois n° B 02-14.361     JONCTION
                 V 02-14.493
                W 02-14.494
                 B 02-14.591

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
  1. Sur les pourvois n° V 02-14.493 et W 02-14.494 formés par la société Navale française, société anonyme, dont le siège est 2, avenue du général Ferrié, 35400 Saint-Malo,

    en cassation de deux arrêts rendus le 20 février 2002 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre commerciale), dans les instances l'opposant à :
    1. de M. Loïck Balanant, demeurant Kerpenquerc'ch, 29340 Riec-sur-Belon,
    2. de M. Pierre Laumaille, demeurant Le Clos Pierre, 35540 Miniac-Morvan,
    3. du syndicat CFDT, dont le siège est 4, boulevard de la Villette, 75955 Paris Cedex 19,

  2. Sur les pourvois n° B 02-14.361 et B 02-14.591 formés par :

    1. M. Loïck Balanant,
    2. M. Pierre Laumaille,
en cassation des mêmes arrêts rendus entre les mêmes parties ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 mai 2004, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, Mme Mazars, M. Barthélémy, conseillers, Mme Leprieur, M. Rovinski, conseillers référendaires, M. Legoux, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Navale française, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de MM. Balanant, Laumaille, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° B 02-14-361, V 02-14.493, W 02-14.494 et B 02-14.591 ;

Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l'appui de leurs recours, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Attendu que MM. Balanant et Laumaille, embarqués en qualité de capitaine, sur le navire "La Pointe du cormoran" armé par la société Navale française, invoquant la violation par l'armateur des dispositions relatives à la durée du travail, ont saisi la juridiction commerciale pour qu'il soit enjoint à la société de se conformer à la législation en engageant un second lieutenant et pour obtenir diverses sommes relatives à la durée du travail ;

Sur les moyens réunis, communs aux deux pourvois formés par l'armateur :

Attendu que l'armateur fait grief aux arrêts attaqués de l'avoir condamné à payer aux deux capitaines une somme au titre de la surcharge de travail engendrée par le manque d'un second lieutenant, alors, selon les moyens :

  1. qu'aux termes de l'article 1er du décret du 26 mai 1967, l'effectif fixé par l'armateur est soumis par ce dernier au visa de l'administrateur des affaires maritimes qui apprécie sa conformité aux règles relatives à la durée du travail ; qu'en entrant néanmoins en voie de condamnation à l'encontre de la Société navale française pour ne pas avoir respecté la réglementation du travail, après avoir constaté qu'il résultait de la fiche d'effectif établie le 1er mars 1996 par laquelle l'administrateur des affaires maritimes a délivré son visa à la décision d'effectif présentée par la Société navale française, que l'effectif global proposé par l'armateur permet de satisfaire aux prescriptions législatives et réglementaires, tant en ce qui concerne la sécurité de la navigation que l'organisation de la durée du travail, la cour d'appel, qui a substitué son appréciation à celle de l'autorité maritime, a violé, ensemble, l'article 1er du décret n° 67-432 du 26 mai 1967 et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, tiré de la loi du 16-24 août 1790;
  2. que le juge doit s'assurer que la dénonciation d'un accord collectif a entraîné sa disparition ; qu'en se contentant de retenir, pour refuser de donner effet au protocole d'accord des personnels officiers en date du 30 juin 1997, que cet accord collectif a été ratifié par une seule organisation professionnelle qui l'a dénoncé depuis, sans préciser à quel moment était intervenue cette dénonciation ni rechercher si cet accord ne devait pas continuer à régir les rapports contractuels entre les parties, en raison de sa survie provisoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-8 du Code du travail ;
  3. que, dans ses conclusions d'appel, M. Laumaille a expressément affirmé que le protocole d'accord du 30 juin 1997 avait été dénoncé le 3 février 2001 ; qu'en refusant néanmoins de faire application du protocole d'accord des personnels officiers en date du 30 juin 1997 jusqu'au moment de sa dénonciation, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
  4. qu'aux termes de l'article 25 du Code du travail maritime, il peut être dérogé par accord collectif d'entreprise ou d'établissement aux dispositions réglementaires relatives à l'aménagement et à la répartition des honoraires de travail sur un navire marchand pour tenir compte des contraintes propres aux diverses activités maritimes ; qu'en décidant néanmoins que ne saurait s'appliquer l'obligation faite au capitaine, par le protocole d'accord des personnel officiers en date du 30 juin 1997, d'assurer le quart à la mer selon la décision d'effectif dans la mesure où cette disposition lui était plus défavorable que la Convention collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de transports maritimes en date du 29 novembre 1976 et que les dispositions du décret du 6 septembre 1983, qui exigent, pour cette tâche, un officier par bordée, en sus du capitaine, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
  5. que, selon la résolution de la 12e assemblée de l'OMI, annexe 2, article 2.2.3 en date du 19 novembre 1981, sauf à bord des navires de dimensions restreintes, il faudra prévoir suffisamment d'officiers pour éviter que le capitaine soit tenu d'assurer régulièrement le quart ; qu'en retenant néanmoins, pour refuser de rechercher, comme elle y était invitée, si le navire "Pointe de cormoran" n'était pas un navire de dimensions restreintes, que le décret n° 83-793 du 6 septembre 1983 avait opéré transposition en droit interne de la résolution de la 12e assemblée de l'OMI, fixant un seuil de 500 tonneaux, quand ce décret a été pris pour l'application de l'article 25 du Code de travail maritime, la cour d'appel a violé ensemble l'article 55 de la Constitution, l'article 2.2.3, annexe 2, de la 12e assemblée de l'OMI et l'article 25 du Code de travail maritime ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, après avoir constaté que les deux capitaines s'étaient trouvés dans l'obligation d'effectuer, non seulement leur propre travail, mais aussi une partie de celui de l'officier manquant, a exactement décidé, sans substituer son appréciation à celle de l'autorité maritime, que les intéressés devaient bénéficier des dispositions de l'article 26 de la Convention collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de transports maritimes du 29 novembre 1976 aux termes duquel, si un officier manque à l'effectif fixé conformément aux dispositions légales en vigueur, la solde de l'officier manquant sera répartie entre les officiers qui seront appelés à assurer son travail ou son quart ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel ayant relevé que les dispositions du protocole d'organisation du travail à bord des navires établi par la Société navale française le 27 mars 1998, qui faisaient obligation au capitaine d'assurer le quart à la mer selon la décision d'effectif, étant plus défavorables à cet égard que celles de la Convention collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de transports maritimes du 29 novembre 1976 et de l'article 15 du décret du 6 septembre 1983, a exactement décidé que ledit protocole ne pouvait recevoir application ;

Et attendu, enfin, que la cour d'appel ayant constaté, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de fait, que le navire "Pointe du cormoran"appartenait à la catégorie des cargos d'une jauge brute supérieure à 500 tonneaux qui effectuent des séjours à la mer d'une durée normale de plus de 24 heures tels que définis par l'article 15 du décret du 6 septembre 1983 et des cargos armés au long cours ou au cabotage international visés à l'article 13 du même décret et qu'il ne pouvait donc être considéré comme étant de dimensions restreintes au sens de la résolution de la 12e assemblée de l'OMI, annexe 2, article 2.2.3, du 19 novembre 1981 aux termes de laquelle "sauf à bord des navires de dimensions restreintes, il faudra prévoir suffisamment d'officiers pour éviter que le capitaine soit tenu d'assurer régulièrement le quart" ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique commun aux pourvois formés par les deux capitaines :

Vu le décret n° 83-793 du 6 septembre 1983 et les dispositions de la Convention collective nationale des personnels navigants officiers des entreprises de transports maritimes du 29 novembre 1976 ;

Attendu que, pour rejeter partiellement les demandes de paiement des créances salariales des deux officiers, les arrêts attaqués retiennent qu'au cours des périodes pendant lesquelles ils ont été amenés à effectuer non seulement leur propre travail mais aussi une partie de celui de l'officier manquant, en fait un tiers pour chacun, en raison d'une répartition de cette tâche entre trois officiers à bord ; que sur cette base, la cour d'appel leur a alloué le tiers du salaire d'un lieutenant augmenté des congés payés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que MM. Laumaille et Balanant réclamaient également des sommes aux titres des heures supplémentaires, des repos compensateurs et congés payés afférents, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à ses décisions ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en leurs dispositions ayant limité les sommes allouées aux deux officiers à titre du salaire qui aurait dû être payé à l'officier manquant, les arrêts rendus le 20 février 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et signé par Mme Mazars, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, en son audience publique du trente juin deux mille quatre.

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