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ERIKA :
erreurs et approximations dans un rapport d'expert

 
L'Association Française des Experts Maritimes (AFEXMAR), au cours de son assemblée générale annuelle, a mis en évidence, dans un rapport d'expert sur le naufrage de l'ERIKA (Rapport CLOUET), les erreurs commises quant à l'interprétation de la convention internationale STCW et de son code ainsi que du chapitre IX de la SOLAS et de son code ISM.



Les principales non-conformités de ce rapport sont les suivantes :

D'abord les non-conformités mineures : Et enfin celles qui sont majeures :
De telles erreurs grossières, volontaires ou involontaires, qui vont être aisément utilisées par les défenses, sont des camouflets pour notre profession et sont incompatibles avec l'idée que la population maritime peut se faire de notre compétence et de notre honnêteté intellectuelle.

II y a de nombreuses inexactitudes dans les références données dans le rapport (pagination site AFCAN):

Inexactitude N° 1 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1 :

Prescriptions STCW relatives au Standards d'Entraînements de Certification et de Veille des équipages.

L'original du titre de la Convention STCW est : "Standard of Training, Certification and Watch keeping for seafarers" qui se traduit officiellement en français par "Normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille" pour gens de mer.
Training en anglais se traduit par formation et il n'y pas de notion d'entraînement comme voudrait nous faire croire M. CLOUET. (Pour information, en anglais maritime "entraînement" dans le sens simulation de situation d'urgence se dit d'ailleurs "exercise")

Inexactitude N° 2 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1, alinéa 1 :

Le terme "compagnie" est effectivement défini dans le code STCW, mais ce n'est qu'une définition de terme pour mieux "cadrer" lorsque ce terme est employé - lorsque je parle de compagnie voilà ce que cela veut dire ! - et non pas une norme de structure quelconque.

Inexactitude N° 3 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1, alinéa 1 :

Je ne sais pas ce que vient faire la règle 1/4 ici car il s'agit de procédure de contrôle des brevets par l'état du port !

Inexactitude N° 4 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1, alinéa 1 :

M. CLOUET fait référence à la Section A-l/14 du code et ne cite pas le texte en entier.

Texte reproduit par M. CLOUET :
La section A-l/14 "Responsabilités des Compagnies" précise que "ces dernières, Capitaine et membres d'équipage sont individuellement tenus de s'assurer de la sécurité de l'exploitation du navire. A ce titre la compagnie doit fournir au Capitaine de chaque navire la procédure décrivant les politiques et les procédures à suivre en matière de veille, de sécurité, d'urgence. Procédures qu'ils doivent connaître pour la bonne exécution des tâches qui leur sont assignées"
Ce texte tronqué tend à nous faire croire que la compagnie est tenue de fournir au Capitaine les procédures de veille de sécurité, d'urgence, alors que le texte officiel est :

Section A-l/14: Responsabilités des compagnies :
  1. Les compagnies, les capitaines et les membres de l'équipage sont individuellement tenus de s'assurer que toutes les obligations énoncées dans la présente section sont pleinement remplies et que toute autre mesure nécessaire est prise pour que chaque membre d'équipage puisse contribuer en toute connaissance de cause à la sécurité de l'exploitation du navire.


  2. La compagnie doit fournir, au capitaine de chaque navire auquel s'applique la Convention, des consignes écrites décrivant les politiques et les procédures à suivre pour s'assurer que tous les gens de mer nouvellement employés a bord d'un navire ont la possibilité de se familiariser avec le matériel de bord, les procédures d'exploitation et autres dispositions nécessaires à la bonne exécution de leurs taches, avant de se voir confier ces tâches. Ces politiques et procédures doivent comprendre :


    1. l'octroi à tous les gens de mer nouvellement employés d'un délai raisonnable leur permettant de se familiariser avec :
      1. le matériel spécifique qu'ils utiliseront ou exploiteront; et
      2. les procédures et les dispositions spécifiques au navire en matière de veille, de sécurité, de protection de l'environnement et d'urgence qu'ils doivent connaître pour la bonne exécution des taches qui leur sont assignées; et

    2. la désignation d'un membre de l'équipage expérimenté qui sera chargé de veiller à ce que tous les gens de mer nouvellement employés aient la possibilité de recevoir les renseignements essentiels dans une langue qu'ils comprennent.
Il s'agit bien d'une procédure de familiarisation au navire avec, entre autres, la familiarisation avec les procédures et dispositions spécifiques au navire déjà mises en place par l'équipage, ce qui n'est pas du tout la même chose que ce que dit M. CLOUET.

N.B. 1 : Les parties soulignées sont celles reproduites par M. CLOUET en nous faisant croire qu'il s'agit du texte entier.
Le rapport CLOUET, en supprimant une partie du texte, occulte donc complètement l'objet de cette règle qui est la familiarisation au navire. Je trouve cela étrange !
N.B. 2 : Avec l'ISM ces consignes écrites n'ont plus de raison d'être car le code exige une procédure de familiarisation qui se trouve à présent dans le Système de Gestion de la Sécurité de la Compagnie.


Inexactitude N° 5 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1, alinéas 3,4,5 :

M. CLOUET reproduit des bribes de textes de tableaux du Code STCW qu'il recolle entre eux. Ce sont des tableaux destinés aux Ecoles de la Marine Marchande dans un but de standardisation des enseignements et des examens et non pas "des règles et obligations".
Le texte d'une formation est utilisé ici à nouveau pour démontrer que des dispositions auraient du être prises ... sans dire lesquelles bien sûr !

Inexactitude N° 6 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1, alinéa 9 :

Les parties B du code STCW ne sont que des recommandations et d'ailleurs souvent aident uniquement à appliquer l'obligation correspondante du code qui, lui, est obligatoire.

Inexactitude N° 7 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1, alinéa 10 :

Le code STCW dans sa partie B préconise un officier désigné comme formateur pour les jeunes officiers en service obligatoire à la mer durant leur cursus scolaire.
Il ne s'agit donc pas du tout d'une recommandation pour un éventuel officier formateur du ...capitaine comme laisse entendre M.CLOUET ; et "la compagnie n'a pas pris de risques exagérés non conformes au code STCW : l'obligation d'officier formateur n'a pas de sens ici !

Inexactitude N°8 - 3° partie, chapitre 2, paragraphe 1, alinéa 11 :

Rien ne prouve à ma connaissance que le capitaine et les autres membres d'équipage n'ont pas été familiarisés à leur navire comme le veut STCW et l'ISM. D'ailleurs une telle familiarisation figure obligatoirement dans le Système de Management de la Sécurité : c'est une des clés de l'ISM ! - cette obligation figure en bonne place dans la liste des vérifications des auditeurs des Administrations ou de toutes les sociétés de classification qui auditent en leur nom !.et le navire n'aurait donc pu être certifié ISM sans cette procédure en place !

Inexactitude N°9 - 3° partie, chapitre 3, alinéa 1 :

La résolution A 848 de l'OMI n'est qu'un rappel de l'OMI pour que les gouvernements contractants s'activent pour la mise en place et la certification des navires sous leur pavillon.
Ce genre de rappel sous forme de résolution de l'Assemblée est fréquent à l'OMI, mais l'obligation de la certification ISM pour l'ERIKA est à rechercher ...tout simplement dans la SOLAS !
Parler de cette résolution A 848 du 27.11.97 est donc totalement inutile et ne peut que mettre un peu plus de confusion dans les esprits et ...confirmer que M. CLOUET n'a pas compris grand chose dans l'application des conventions internationales.

Inexactitude N° 10 - 3° partie, chapitre 3, alinéa 5 :

M. CLOUET nous ramène encore la définition du terme compagnie ... qui n'est qu'une définition.

Inexactitude N° 11 - 3° partie, chapitre 3, alinéa 6 :

Le texte de M. CLOUET, prétendu extrait de la règle 3, ne correspond pas du tout au texte du code ISM et semble être un mélange étrange d'extraits du § 13 et du § 4 qui n'existe pas en réalité.

Texte de M. CLOUET :
"la règle 3 précise dans ses articles 1 et 2 que la compagnie et le navire doivent satisfaire aux prescriptions du code I.S.M. c'est-à-dire que le navire doit être exploité par une compagnie détentrice d'une attestation de conformité telle que visée à la règle 4 qui prévoit une personne désignée pour garantir la sécurité d'exploitation de chaque navire et pour assurer la liaison entre la compagnie et les personnes à bord",

Alors que le texte officiel du code est le suivant :

§ 13 - CERTIFICAT, VERIFICATION ET CONTROLE
       13.1 le navire devrait être exploité par une compagnie à laquelle a été délivrée une attestation de conformité le concernant
       13.2 Une attestation de conformité devrait être délivrée à foute compagnie qui satisfait aux prescriptions du Code ISM par l'Administration, par un organisme reconnu par l'Administration ou par le Gouvernement du pays, agissant au nom de l'Administration, dans lequel la compagnie a choisi de mener ses activités. Cette attestation devrait être acceptée en tant que preuve que la compagnie est capable de satisfaire aux prescriptions du Code.
       13.3 Une copie de cette attestation devrait être placée à bord afin que le capitaine puisse, sur demande, la présenter aux fins de vérification par l'Administration ou par l'organisme reconnu par l'Administration.
       13.4 Un certificat dit Certificat de gestion de la sécurité devrait être délivré à un navire par l'Administration ou par l'organisme reconnu par l'Administration. Lorsqu'elle délivre le certificat, l'Administration devrait vérifier que la gestion de la compagnie et la gestion à bord sont conformes au système de gestion de la sécurité approuvé.
     
§ 4 - PERSONNE(S) DESIGNEE(S)
       Pour garantir la sécurité de l'exploitation de chaque navire et pour assurer la liaison entre la compagnie et les personnes à bord, chaque compagnie devrait, selon qu'il convient désigner une ou plusieurs personnes à terre ayant directement accès au plus haut niveau de la direction. La responsabilité et les pouvoirs de la ou des personnes désignées devraient notamment consister à surveiller les aspects de l'exploitation de chaque navire liés à la sécurité et à la prévention de la pollution et veiller à ce que des ressources adéquates et un soutien approprié à terre fournis, selon que de besoin.


NB : sont soulignés les extraits reproduits "à peu près et recollés" par M. CLOUET.

Cette inexactitude a de graves conséquences car elle tend à prouver que la personne désignée est chargée de garantir la sécurité de l'exploitation de chaque navire, ce qui est absolument faux. En effet vous lisez plus loin dans le code ISM que "la responsabilité et les pouvoirs de la ou des personnes désignées devraient notamment consister à surveiller les aspects de l'exploitation" ...ce qui n'est pas du tout la même chose. Le texte officiel d'ailleurs pourrait être libellé ainsi :

Pour assurer la sécurité de l'exploitation de chaque navire, une ou plusieurs personnes devraient être désignées par la compagnie pour :
  • Assurer la liaison entre la compagnie et les personnes à bord.
  • Surveiller les aspects de l'exploitation de chaque navire liés ù la sécurité et à la prévention de la pollution et
  • Veiller à ce que des ressources adéquates et un soutien approprié à terre soient fournis selon que de besoin.

Il y a donc trois mots clés dans cette obligation de la personne désignée : Surveillance, liaison et veille au soutien à l'équipage.

La personne désignée n'est pas chargée de garantir la sécurité de l'exploitation de chaque navire mais c'est son action de surveillance (monitoring en anglais) qui doit amener une garantie de sécurité d'exploitation.

N.B.: le terme anglais "ensure" a été traduit par garantir en français. A mon avis cette traduction n'est pas complètement satisfaisante car dans "garantir" il y a une obligation de réussite alors que dans "assurer" il y plutôt une obligation de moyens : le terme assurer aurait mieux convenu.
La mauvaise interprétation du code par M. CLOUET est très importante car elle pourrait faire croire que la personne désignée est chargée de la sécurité des navires dans une compagnie, ce qui est faux comme je viens de le démontrer !
.... Cependant dans le cas de l'ERIKA, qu'il y ait eu un manque de surveillance et un manque de fourniture de soutien de la part de la personne désignée et que, de plus, comme dans de nombreuses petites compagnies, c'est la même personne qui gère la sécurité et qui la surveille, je n'en disconviens pas ! ... mais ce n'est pas une raison pour ne pas rectifier les inexactitudes de M. CLOUET.

Inexactitude N°12 - 3° partie, chapitre 3, alinéa 9 :

M. CLOUET rassemble des extraits de paragraphes du code ISM en l'occurrence les paragraphes 1.4, 3.2, 3.3, 7 8 et 11.3 dans une espèce de pot-pourri entre guillemets, nous faisant croire ainsi encore une fois que c'est un texte du code (Je vous renvoie au code lui-même pour preuve de ce que je dis) !

Tout ceci encore est incroyable de la part d'un expert. En effet lorsqu'un expert cite un texte d'une convention internationale, qui est de droit public, il doit le reproduire in extenso ou le mettre en référence ... pour éviter toute mauvaise interprétation ! C'est tout au moins ce que nous faisons nous experts AFEXMAR !

Cdt Bertrand APPERRY
Consultant I.S.M.
Président de l'AFEXMAR
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