Le contrat d'engagement maritime classique est le contrat au voyage, conclu pour une expédition maritime. Il ne comprend que des périodes de travail à bord, de l'embarquement au débarquement du marin. Les spécificités des conditions de travail, à mer, à bord du navire, prédominent ; il est ainsi possible de parler de contrat de travail nautique ou de contrat d'embarquement. Ce type de contrat correspond à un droit social autonome des gens de mer et permet cette autonomie, en raison de la prévalence des particularités maritimes.
Ce contrat d'engagement maritime est devenu un contrat de travail particulier liant le marin à l'entreprise d'armement maritime, beaucoup plus qu'au navire ou à l'expédition maritime. Au-delà du voyage, le marin fut stabilisé conventionnellement dans l'entreprise. Les lignes régulières amenèrent la pratique du contrat à durée indéterminée, sans que le débarquement donnât lieu à une éventuelle résiliation unilatérale. |
A la suite des élections présidentielles et législatives de 2007, il a semblé prioritaire de moderniser le marché du travail. La fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, sans disparition de l'UNEDIC, est censée faciliter la recherche d'emploi et l'insertion professionnelle. L'illusion du contrat de travail unique, sorti en 2006, de la réflexion d'économistes du travail, ignorants du droit du travail, fut abandonnée7. Les partenaires sociaux devaient conclure le premier Accord National Interprofessionnel du quinquennat, à la fois pour démontrer leur capacité réformatrice, et pour éviter un projet de loi au contenu très incertain. C'est ainsi que le thème de la « flexisécurité » fut faiblement exploré, que la période d'essai fut légalisée, insérée pour la première fois au sein du code du travail et étendue dans le temps vis-à-vis des pratiques conventionnelles ou usuelles antérieures. Compte tenu de l'ampleur de la précarité, le cadre de recours au travail temporaire ou aux contrats de travail à durée déterminée ne fut pas bouleversé ; le compromis de 1990 fut conservé pour l'essentiel ; seul le CDD à objet défini fut créé. Le portage salarial fut légalisé, ce qui ne règle pas l'ensemble des questions antérieurement soulevées. La rupture conventionnelle homologuée du CDI s'efforce de rendre plus sûr les ruptures amiables, négociées, conclues par consentement mutuel des deux contractants. Le patronat a obtenu l'extension des périodes d'essai, ce qui ne remplace pas le contrat nouvelle embauche (CNE) ou le contrat première embauche (CPE), nés en 2005 et rapidement disparus. Il semble bien que seules les entreprises de moins de 20 salariés aient été satisfaites de la création du CNE, contraire à la Convention 158 de l'OIT, ratifiée par la France. Les confédérations syndicales, en laissant un peu de souplesse sur ces points, ont obtenu le maintien d'une grande continuité : le CDI est le contrat de travail normal, le CDD l'exception. Il n'y a pas eu de bouleversement des divers licenciements, notamment des licenciements individuels, les plus nombreux de loin, même si les licenciements économiques collectifs sont les plus médiatisés. |
Ce CDD à objet défini a une histoire déjà un peu ancienne. Il avait été proposé par le rapport de M. de Virville, « Pour un code du travail plus efficace », en janvier 2004, et avait reçu un accueil glacial31. Ces CDD nouveaux doivent s'inscrire dans une négociation collective de branche étendue, ou dans un accord collectif d'entreprise. Ce système est censé apporter de la souplesse, lié à un projet dont l'entreprise ne maîtrise pas les délais de réalisation et les retombées, mais aussi au sein d'un objectif de sécurisation des parcours professionnels. L'accord collectif définit les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée, les conditions dans lesquelles les salariés sous CDD à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauchage et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel, les conditions dans lesquelles les salariés sous CDD à objet défini ont priorité d'accès aux emplois en CDI dans l'entreprise. Le CDD à objet défini sera-t-il vraiment une étape dans une carrière ? Beaucoup de bruit pour rien ? Il faudra voir plus tard ?
De la notion de licenciement : une forte simplification du Code du Travail Maritime.L'originalité maritime de ces réformes liées à la modernisation du marché du travail se situe très certainement dans la modernisation des modes de ruptures du contrat d'engagement maritime à durée indéterminée, ce qui conduit à la fin d'une conception spécifique du licenciement maritime, une réforme de simplification effective du Code du Travail Maritime, qui gagne grandement en lisibilité, ainsi qu'accessoirement à l'introduction de la rupture conventionnelle homologuée.
Le licenciement renvoyait aux dispositions conventionnelles de stabilisation des marins et de titularisation des officiers33. Il nécessitait autrement un minimum d'ancienneté de service continu, un an, dont 6 mois d'embarquement effectif et continu. Les marins débutants étaient donc renvoyés vers la notion de rupture unilatérale du CDI34. La loi du 27 décembre 1890 avait introduit la possibilité de dommages et intérêts en cas de résiliation abusive. La loi du 19 juillet 1928 avait imposé le délai-congé ou préavis, dont la durée variait selon l'ancienneté du salarié. La période de préavis n'était que de 24 heures (art. 10-1, 95 et 96 CTM). Quand l'armateur ne démontre pas que le nouveau contrat conclu avec le capitaine répondait à la nécessité de remplacer un marin momentanément absent ou dont le contrat est suspendu, la rupture du contrat par l'armateur doit s'analyser en une rupture unilatérale du contrat, qui est abusive, faute de motif légitime de congédiement et qui justifie l'allocation de dommages et intérêts en raison du préjudice subi35. La cour d'appel de Rennes a considéré que l'armateur devait faire connaître au marin les motifs de la rupture unilatérale du contrat36. L'exigence d'une année de service continu, dont 6 mois d'embarquement effectif et continu, avant l'application du droit du licenciement était devenue problématique depuis les aventures du contrat « nouvelle embauche » (CNE), né en 2005 et supprimé par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008. Ce contrat de travail à durée indéterminée concernait les entreprises de moins de 20 salariés. Il avait été créé par l'Ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 et comportait une période dite de consolidation de deux années, à la suite de la période d'essai, pendant laquelle la rupture unilatérale du contrat était assouplie. Ce n'est qu'à l'issue de cette période de consolidation de deux années que le droit du licenciement s'appliquait (art. L. 1223-1 à L. 1223-4, L. 1236-1 à L. 1236-6, L. 5423-15 à L. 5423-17 C. Tr). Très rapidement le conseil des prud'hommes de Longjumeau, saisi d'un contentieux, considéra, le 28 avril 2006, que cette période de consolidation était contraire aux dispositions de la Convention 158 de l'OIT de 1982, relative au licenciement, ratifiée par la France en mars 1989. Cette analyse fut reprise par la cour d'appel de Paris, le 20 octobre 200637. A la suite de plaintes syndicales, le Comité d'experts de l'OIT, 14 novembre 2007, déclara le CNE contraire à la Convention 158 de 1982 sur le licenciement, le délai de consolidation de 2 ans n'étant pas raisonnable. Le CNE perdant ses caractéristiques, le législateur ne pouvait que l'abroger, ce que fit la loi du 25 juin 2008, en son article 9. La chambre sociale de la Cour de cassation, le 1er juillet 2008, confirma cette analyse et appliqua le droit du licenciement dès la fin de la période d'essai38. Si un délai de deux années était déraisonnable, qu'en était-il de l'année de la résiliation du CDI du marin non stabilisé conventionnellement ? La ratification de la Convention 158 de l'OIT par la France n'imposait-elle pas l'entretien préalable, la cause réelle et sérieuse, la motivation de la lettre de notification, dès la fin de la période d'essai, afin que le salarié puisse s'expliquer, se défendre préalablement à la rupture unilatérale de son contrat de travail, même s'il est marin ? Fallait-il attendre un long contentieux ?
Le législateur retenait également la qualification de licenciement, en cas d'absence de proposition d'embarquement à un marin lié par un CDI, justifiant des conditions d'ancienneté et d'embarquement précitées, dans un délai de trente jours à partir de l'achèvement des temps de congés et de repos » (anciens art. 102-1 et 102-2 CTM, décret no 78-389, 17 mars 1978, art. 22). Ce marin n'était ni stabilisé, ni titularisé par voir conventionnelle ; il était titulaire d'un CDI, mais le législateur distinguait ce contrat de travail le liant à l'armement et ses périodes d'embarquement, comme si l'employeur pouvait ne plus le faire naviguer à l'issue de ses congés ; l'embarquement était à durée déterminée, le contrat à durée indéterminée. Ainsi le marin semblait disposer de deux contrats : un contrat de travail en CDI, et des contrats successifs d'embarquement ou de navigation. Cette disposition particulière liait les deux dimensions du contrat, de manière très originale. Dorénavant, il est évident que dans le cadre d'un CDI, l'armateur à l'obligation de fournir du travail à l'issue des périodes de congés. S'il n'existe pas de poste disponible, la rémunération doit être maintenue, un chômage partiel est envisageable, un licenciement pour motif économique est éventuellement possible. La loi no 97-1051 du 18 novembre 1997 a étendu au capitaine de navire le droit du licenciement. La tradition maritime en faisait un agent commercial de l'armateur, révocable sauf abus. Les officiers de la marine marchande bénéficiaient des avantages conventionnels, à l'inverse des capitaines de pêche ou de la plaisance. « Le contrat d'engagement maritime conclu entre l'armateur et un capitaine prend fin dans les conditions fixées au titre V. Toutefois, l'application des dispositions du mandat confié au capitaine par l'armateur est indépendante de la procédure de licenciement du capitaine » (art. 102-9 CTM). Il conviendra donc de distinguer le régime juridique du licenciement et la responsabilité éventuellement encourue par le capitaine en tant que mandataire de l'armateur. La simplification s'exprime par l'abrogation de divers articles du Code du Travail Maritime. Les articles 93 et 95 à 100 du Code du Travail Maritime sont abrogés (art. 5, Ordonnance n° 2009-717 du 18 juin 2009). L'article 102-1 CTM est abrogé (art. 3-1°, Ordonnance n° 2009-717 du 18 juin 2009). Exit la distinction de la résiliation unilatérale par l'armateur et du licenciement. Exit le congédiement du marin par le capitaine. C'est au fond la loi du 13 juillet 1973 réformant le droit du licenciement au sein du Code du Travail, ainsi que ses modifications ultérieures, imposant une procédure d'entretien préalable, ainsi qu'une cause réelle et sérieuse, qui est enfin généralisée dans le champ des activités maritimes, quand la loi du 18 mai 1977 était restée en chemin. Où en sommes-nous ? Le contrat de travail à durée indéterminée est caractérisé par le pouvoir de rupture unilatérale de chaque contractant (art. L. 1231-1 C. Tr.). Le salarié peut démissionner volontairement, sous réserve du respect d'un préavis, mais sans formalité. L'employeur peut mettre en œuvre une procédure de licenciement ; il devra justifier d'une cause réelle et sérieuse. Toutefois, il faut aussi envisager la résiliation judiciaire du CDI et la prise d'acte de la rupture de ce contrat par le salarié aux torts de l'employeur. Enfin la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, suite à l'ANI du 11 janvier 2008, a créé la rupture conventionnelle homologuée. Démission. Le salarié exprime sa liberté par sa décision de démission de son lien contractuel de subordination. La qualification de démission suppose une volonté claire, sérieuse et non équivoque du salarié44. La démission nécessite le respect d'une période de préavis, prévue par la loi, la convention collective ou les usages (art. L. 1237-1 C. Tr.). Le préavis de démission ne peut être fixé par le contrat de travail et la convention collective ne peut renvoyer au contrat le soin de fixer le délai de préavis de démission. L'article 10-1 CTM prévoit que le contrat d'engagement maritime doit comporter obligatoirement un préavis de résiliation unilatérale par le salarié, c'est-à-dire de démission, qui ne peut être inférieur à 24 heures. Le non-respect du préavis par le salarié, sans accord de l'employeur, engage sa responsabilité. L'indemnité de brusque rupture, due par le salarié, correspond au montant du salaire que le salarié aurait perçu pendant l'exécution de ce préavis, que l'entreprise ait ou non subi un préjudice du fait de cette brusque rupture45. La théorie de l'abus de droit peut permettre de sanctionner des démissions, brusques ou non, révélant une intention du salarié de nuire à l'entreprise, une légèreté blâmable source d'un préjudice de l'entreprise. La rupture d'un CDI par le salarié ouvre droit, si elle est abusive à des dommages et intérêts pour l'employeur (art. L. 1237-2 C. Tr.). Les exemples pratiques sont rares et concernent le plus souvent des actes de concurrence déloyale. L'article 102-9 CTM, modifié par l'article 3 de l'Ordonnance n°2009-717 du 18 juin 2009, prévoit que « La résiliation d'un contrat à durée indéterminée, à l'initiative du marin, ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages et intérêts. En cas de litige, le juge se prononce conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail. » Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Lorsqu'un marin d'un pétrolier débarque au cours d'une mission, malgré le refus opposé par le capitaine et l'armateur, cet abandon de poste perturbant la relève constitue une faute grave, qui justifie le licenciement du marin, mais ne permet pas à l'armateur de prendre acte de la démission du marin46. Licenciement. La rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur s'appelle un licenciement. Il existe un droit des licenciements, car celui-ci peut être lié à un motif inhérent à la personne du salarié, non disciplinaire ou disciplinaire. Le licenciement disciplinaire relève de dispositions particulières. Le licenciement peut aussi être lié à un motif économique, non inhérent à la personne du salarié. Le licenciement économique peut être individuel ou collectif (art. 94 CTM). « Les dispositions des articles L. 122-14 à L. 122-14-5 du code du travail sont applicables aux marins dans des conditions déterminées, compte tenu des adaptations nécessaires, par décret en Conseil d'État » (Article 102-10 CTM). Il s'agit de l'entretien préalable, de l'assistance du salarié lors de cet entretien, de la notification par lettre motivée, de la cause réelle et sérieuse, des sanctions des irrégularités (devenus art. L. 1232-1 à L. 1232-7, L. 1233-11 à L. 1233-17, L. 1235-1 à L. 1235-5 nouveau C. Tr.). Le décret n° 78-389 du 17 mars 1978 précise diverses dispositions. Son article 22 disparaît compte tenu de l'abrogation de l'article 102-1 CTM. Son article 25-1 précise les formalités de licenciement, en les adaptant aux fonctions du capitaine, mandaté par l'armement, à l'existence du journal de bord. « Les règles posées au présent chapitre en matière de licenciement ne dérogent pas aux dispositions législatives ou réglementaires qui assurent une protection particulière à certains salariés définis par lesdites dispositions. Les parties ne peuvent renoncer par avance au droit de s'en prévaloir ». (Article 102-18 CTM). Il s'agit des marins représentants du personnel, délégués de bord, membres du comité d'entreprise ou du CHSCT, délégués syndicaux, de la protection des marins victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (art. L. 742-9 ancien C. Tr., art. L. 1226-6 à L. 1226-22 nouveau C. Tr.), de la protection des femmes marins enceintes (art. 5-2 CTM, Loi n° 2006-10, 5 janvier 2006, art. L. 1225-1 à L. 1225-15 C. Tr.). Sauf faute grave, le licenciement ouvre droit au salarié à un préavis et à une indemnité de licenciement, proportionnelle à son ancienneté. Quant à l'appréciation de l'ancienneté, « Pour l'appréciation des conditions d'ancienneté de services continus visées au présent chapitre, les conditions de l'article L. 122-10 du code du travail sont applicables (devenu art. L. 1234-8 et L. 1234-11 C. Tr.). Pour l'appréciation de la condition d'embarquement effectif mentionnée à l'article 102-4 sont totalisées les diverses périodes d'embarquement effectif du marin. N'est pas considérée comme interrompant la continuité de l'embarquement au service du même armateur l'absence motivée par les congés, les blessures reçues au service du navire ou les maladies contractées ou survenues au cours de l'embarquement. Toutefois, la durée de cette absence n'est pas prise en compte pour le calcul de la condition d'embarquement prévue ci-dessus. » (art. 102-2 CTM, modifié par Ordonnance n°2009-717 du 18 juin 2009 - art. 3). Quant à l'indemnité de licenciement, « Le marin qui est licencié alors qu'il compte un an d'ancienneté ininterrompue au service du même armateur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité minimum de licenciement dont le taux et les modalités de calcul sont fixés par voie réglementaire. » (art. 102-3 CTM, modifié par Ordonnance n°2009-717 du 18 juin 2009 - art. 3). L'article 23 du décret n° 78-389 du 1er mars 1978 limite le minimum légal de l'indemnité de licenciement du marin à 1/10° de mois de salaire de référence par année effectuée au service du même armateur, en fonction d'un salaire de référence calculé sur la moyenne des trois derniers mois par référence aux cotisations de l'assurance-chômage, et pour les marins non affiliés à l'assurance-chômage par référence aux salaires forfaitaires de l'ENIM. D'une manière générale, les montants minima ont été réévalués par le décret n° 2002-785 du 3 mai 2002. Pour un motif personnel, cette indemnité ne peut être inférieure à 1/10° de mois de salaire par année d'ancienneté, plus au-delà de 10 ans d'ancienneté, 1/15° (art. R. 1234-2 C. Tr.). Pour un motif économique, le minimum légal est de 2/10° de mois de salaire par année d'ancienneté, plus 2/15° au-delà de dix années d'ancienneté (art. R. 1234-3 C. Tr.). Pourquoi les marins ont-ils été oubliés ? en fonction de quelles spécificités ? Quant au délai de préavis, « Dans le cas de licenciement pour un motif autre qu'une faute grave, le marin a droit à un délai-congé d'un mois, s'il justifie chez le même armateur de six mois au moins d'embarquement effectif, et d'une ancienneté de services continus inférieure à deux ans ; à un délai-congé de deux mois s'il justifie chez le même armateur d'une ancienneté de services continus d'au moins de deux ans. Les dispositions des alinéas précédents ne sont applicables qu'à défaut de loi, de contrat de travail, de convention collective de travail ou d'usages conduisant soit à un délai-congé, soit à une condition d'ancienneté de services ou d'embarquement effectif plus favorable pour le marin intéressé. » (art. 102-4 CTM, modifié par Ordonnance n°2009-717 du 18 juin 2009 - art. 3). L'inobservation du délai-congé ouvre droit, sauf faute grave du marin, à une indemnité compensatrice qui ne se confond ni avec l'indemnité de licenciement prévue à l'article 102-3, ni avec la réparation définie aux articles 102-15 et 102-17. L'inobservation de ce délai n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle prend fin le contrat liant à l'armateur le marin titularisé ou stabilisé dans son emploi en application d'une convention collective. La dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne doit entraîner, jusqu'à l'expiration de ce délai, aucune diminution des salaires et avantages auxquels le marin aurait eu droit s'il avait accompli son service (art. 102-5 CTM). Il faut noter que les articles 102-15 et 102-17 CTM ont été abrogés par l'article 25 de la loi n° 86-1320 du 30 décembre 1986. Le point de départ du délai-congé doit être fixé de telle manière que le marin dispose à terre, dans le port le plus proche de sa résidence, d'une période rémunérée au moins égale au quart de la durée du délai-congé. Pour le calcul de cette période, ne peuvent être prises en compte les périodes rémunérées en raison des congés acquis par le marin à quelque titre que ce soit (art. 102-6 CTM). Toute clause d'un contrat visé à l'article 102-1 fixant un délai-congé inférieur à celui qui résulte de l'article 102-4 ou une condition d'ancienneté de service ou d'embarquement effectif et continu supérieure à celle qu'énonce ledit article est nulle de plein droit (art. 102-7 CTM). Il faut rappeler que l'article 102-1 CTM a été abrogé par l'article 3 de l'Ordonnance n° 2009-717 du 18 juin 2009. Effets de l'extension de la notion de licenciement sur les dispositions conventionnelles. La stabilisation des marins et la titularisation des officiers conservent-elles une portée, quand le droit du licenciement individuel est étendu aux marins non stabilisés ou aux officiers non titularisés ? Le principe de la stabilisation des marins fut instauré en 1936 dans les conventions collectives de la marine marchande, compte tenu des lignes régulières et de la transformation des relations de travail. En contrepartie des services rendus pendant la Seconde Guerre mondiale, l'article 34 de la charte internationale des marins préconisait en 1944 la stabilisation de leur situation professionnelle. La France ne retint pas les solutions du pool de marins mises en place en Belgique et en Grande-Bretagne. La stabilisation des marins et la titularisation des officiers furent organisées par les conventions collectives nationales étendues du 19 juillet 1947, du 30 septembre 1948 et du 31 janvier 195047. La stabilisation dans les fonctions nécessite deux années d'exercice ; la titularisation dans l'entreprise intervient en cas d'engagement dans une fonction supérieure, compte tenu d'une année de stage. Le marin stabilisé bénéficie d'une priorité d'embarquement sur les navires de l'armateur, d'une suspension de son contrat au-delà de l'embarquement et de ses congés, d'une rémunération pendant la période d'attente d'embarquement, contrepartie de sa disponibilité. Au début des années 1970, près de 90 % des marins étaient stabilisés dans leur armement. La loi du 18 mai 1977, qui a étendu aux marins le droit du licenciement, n'avait pas fait disparaître l'intérêt des dispositions conventionnelles48. La stabilisation des marins, prévue par la convention collective nationale du 19 juillet 1947, s'applique à toutes les entreprises maritimes du commerce, à l'exception de celles ne possédant que des navires de moins de deux cent cinquante tonneaux. Les entreprises de remorquage relèvent de dispositions conventionnelles propres. Les marins peuvent bénéficier de la stabilisation dans une proportion de 70 % des équipages embarqués au 1er janvier de chaque année, à condition de remplir certaines conditions : 21 ans révolus, deux ans de navigation au commerce, accomplissement du service national, aptitude physique à la navigation sur l'une quelconque des lignes desservies par l'entreprise. Les marins stabilisés bénéficient d'une priorité d'embarquement sur les navires de l'entreprise, ce qui leur ouvre, en cas de suppression d'une ligne, un droit à reclassement, une priorité d'emploi sur les autres navires de l'entreprise49. Les marins stabilisés ne peuvent être licenciés qu'en cas d'inaptitude physique, ou en raison de la diminution du nombre de navires en service dans l'entreprise. La révocation du marin se substitue au licenciement disciplinaire ; elle nécessite la comparution devant une commission paritaire de discipline. Est nul le congédiement disciplinaire intervenu sans avis de la commission de discipline. La convention de 1947 prévoit la fin du contrat par atteinte de la limite d'âge de 55 ans. En vertu de l'article L. 122-14-12 al. 2 C. Tr., devenu art. L. 1237-4, dont les dispositions sont applicables aux marins en l'absence de toute loi particulière régissant leur mise à la retraite, sont nulles et de nul effet toute disposition d'une convention ou d'un accord collectif de travail et toute clause d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge50. Pour les officiers de la marine marchande, il est nécessaire de distinguer la stabilisation dans les fonctions, qui nécessite deux années d'exercice des fonctions, et la titularisation dans l'entreprise, qui peut intervenir d'office, en cas d'engagement dans une fonction supérieure, compte tenu d'une année de stage. La stabilisation est de droit par échéance du délai, même si elle doit être notifiée à l'intéressé51. Elle fait obstacle à la rétrogradation de l'intéressé, sauf sanction disciplinaire ou réduction de la flotte. En disponibilité, l'officier a droit à la solde de la fonction dans laquelle il est stabilisé. En l'absence de stabilisation dans les fonctions de second capitaine, un lieutenant démissionne sans motif légitime, lorsqu'il refuse une proposition d'embarquement comme lieutenant, due à une restructuration de l'entreprise52. La titularisation concerne le lien avec l'entreprise. La convention collective nationale des officiers du 30 septembre 1948 s'applique à toutes les entreprises de navigation, à l'exception de celles ne possédant que des navires de moins de 250 tonnes de jauge brute, et des entreprises de remorquage ; il importe peu que le navire soit armé au commerce ou soit un navire à usage collectif (NUC) ; l'arrêté ministériel d'extension du 22 août 1979 a supprimé l'exclusion des entreprises ne possédant qu'un seul navire, puisque l'extension s'applique à tous les employeurs et tous les salariés du champ d'application conventionnel53. Les dispositions conventionnelles encadrent le licenciement disciplinaire, devenu révocation dans la terminologie empruntée au droit de la fonction publique, nécessitant l'avis d'une commission d'enquête. Résiliation judiciaire. Si le contrat à durée indéterminée peut faire l'objet d'une rupture unilatérale de la part de chacun des contractants, démission pour le salarié, licenciement pour l'employeur, sa résolution judiciaire est aussi envisageable en cas d'inexécution grave de ses obligations par l'un des contractants. Il s'agit d'un principe concernant les contrats synallagmatiques, c'est-à-dire comportant des obligations réciproques. Si l'un des contractants n'exécute pas ses obligations durablement, l'autre ne peut rester dans les liens du contrat. Il peut donc demander au juge la résolution judiciaire du contrat (art. 1184 C. Civil), ce qui ne pourra jouer que pour l'avenir concernant un contrat de travail, car le travail fourni ne saurait être rendu. Il s'agit donc d'une résiliation judiciaire, permettant d'engager la responsabilité des contractants fautifs. Cette procédure est rare compte tenu de la souplesse de la rupture unilatérale, même en ce qui concerne le licenciement. Sa difficulté est notamment que le contactant, qui demande cette résiliation judiciaire, doit poursuivre l'exécution du contrat, tant que le juge ne lui a pas donné satisfaction en prononçant la rupture du contrat. Cette résiliation judiciaire est en principe l'inverse de la brusque rupture. Il en est résulté l'invention jurisprudentielle de la prise d'acte de la rupture. Le Code du travail maritime avait pris en compte cette difficulté et son article 101 permet à l'autorité chargée de l'inspection du travail maritime d'autoriser le marin à débarquer immédiatement pour un motif grave. Depuis les décrets du 30 décembre 2008, il s'agit de l'inspection du travail, chargé des activités maritimes. Prise d'acte de la rupture par le salarié aux torts de l'employeur. La jurisprudence a admis et encadré « la prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat de travail », c'est-à-dire qu'il démissionne, en apparence, en invoquant une faute de son employeur, saisit le tribunal compétent en demandant la reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse54. Il appartient au juge de définir l'imputabilité de la rupture, puis d'attribuer la responsabilité de cette rupture contractuelle : si les griefs invoqués par le salarié sont inexistants ou insuffisants, celui-ci a démissionné sans respect du préavis ; si les griefs sont fondés et suffisants, l'employeur est responsable d'un licenciement, irrégulier en la forme, mais surtout sans cause réelle et sérieuse55. En cas de prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié, postérieurement à une action en justice de sa part en résiliation judiciaire du contrat, cette prise d'acte rend sans objet la demande de résiliation judiciaire56. La Cour de cassation a admis la prise d'acte de la rupture, effectuée par un salarié, représentant du personnel. Cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul, sans autorisation de l'inspecteur du travail, donc indemnisable, quand les faits invoqués constituent une faute suffisamment grave de l'employeur57. La prise d'acte peut évidemment provenir d'un marin. Constitue une résiliation du contrat aux torts de l'employeur, la mise à l'écart d'un capitaine de remorqueur, souhaitant naviguer au-delà de 55 ans, mis à l'écart sous la pression des représentants du personnel, victime de harcèlement et de discrimination que l'employeur a toléré58. La rupture conventionnelle homologuée. Ce que les contractants ont construit, le contrat, ils peuvent le défaire ou y mettre fin. Le contrat peut prendre fin par l'accord mutuel des contractants ; cette rupture paraît même idyllique, harmonieuse. La rupture par consentement mutuel reprend l'expression, d'un divorce apaisé, sans faute, non conflictuel. Une telle rupture amiable interroge cependant la liberté du consentement du salarié. Les ruptures négociées, démissions négociées ou acceptées, mises en œuvre pour contourner les contraintes des licenciements pour motif économique ont été fortement contestées. La rupture amiable du contrat d'un salarié représentant du personnel, nécessite le respect de son statut protecteur, donc l'autorisation de l'inspecteur du travail59. La rupture amiable ne pouvait conduire au contournement de l'obligation patronale de reclassement, concernant un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ou déclaré inapte à son poste par le médecin du travail60. Le nouvel article L. 1237-11 du code du travail prévoit que « l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ». Cette modalité de rupture conventionnelle homologuée n'et pas applicable aux départs négociés dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi, liés aux licenciements collectifs pour motif économique (art. L. 1237-16 C. Tr.). Pour les salariés représentants du personnel, ou les médecins du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail (art. L. 1237-15 C. Tr.)61. Il semble y avoir incompatibilité entre le licenciement et la rupture conventionnelle homologuée (art. L. 1237-11 C. Tr.), de sorte que toutes les mesures d'accompagnement social des procédures de licenciement sont exclusives de cette rupture conventionnelle ; il en est ainsi, par exemple, de l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisée (art. L. 1233-67 C. Tr.). Cependant, la rupture conventionnelle peut anticiper des difficultés économiques de l'entreprise, et éviter des licenciements. Dans ce cas, le salarié ne bénéficie pas de l'obligation de reclassement, de la priorité de réembauchage. Une procédure préalable s'impose, semblable à celle du licenciement individuel : entretien préalable à la signature de la convention, au cours duquel le salarié peut se faire assister (art. L. 1237-2 C. Tr.), signature commune de la convention écrite précisant le montant de l'indemnité spécifique, qui ne peut être inférieure à l'indemnité légale de licenciement, fixant la date de rupture du contrat de travail au mieux au lendemain du jour de l'homologation (art. L. 1237-13 C. Tr.). L'employeur et le salarié disposent chacun d'un délai de 15 jours de rétractation, à partir de la signature de la convention (art. L. 1237-13 C. Tr.). La rétractation s'exerce par lettre recommandée avec accusé de réception, ou remise en mains propres avec reçu signé et daté. L'homologation relève du directeur départemental du travail et de l'emploi (DDTE). Il est saisi par le contractant le plus diligent, dès lors que le délai de rétractation est échu. L'autorité administrative dispose de 15 jours ouvrables pour prendre sa décision. Il vérifie les consentements, le formalisme procédural. Si le directeur départemental du travail et de l'emploi ne notifie pas sa décision motivée dans le délai de 15 jours ouvrables, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie (art. L. 1237-14 C. Tr.). L'homologation ou son refus peuvent faire l'objet d‘un recours, mais non auprès du juge administratif, exclusivement devant le juge judiciaire. Il s'agit habituellement du conseil de Prud'hommes, sauf pour les marins. « Les litiges mentionnés au quatrième alinéa de l'article L.1237-14 du code du travail sont portés devant le tribunal d'instance. » (art. 120 CTM, créé par Ordonnance n° 2009-717 du 18 juin 2009, art. 4). La tentative de conciliation devant l'administrateur des affaires maritimes semble inutile (art. 2, décret n° 59-1337, 20 novembre 1959)62. De même, le tribunal d'instance est compétent quant au litige relatif à la rupture conventionnelle homologuée d'un capitaine de navire, et non le tribunal de Commerce (art 2 et 12, décret n° 59-1337, 20 novembre 1959). L'Ordonnance 2009-717 du 18 juin 2009 semble ainsi constituer une première pierre dans la réforme du contentieux du travail maritime. La rupture conventionnelle ouvre, pour le salarié, le droit à une indemnité spécifique, qui ne peut être inférieure au montant de l'indemnité légale de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail. Il n'est pas nécessaire que le salarié ait deux années d'ancienneté. Cette indemnité n'est pas un revenu imposable, dans la limite d'un plafond assez favorable, et n'est pas un salaire soumis aux cotisations sociales (art. L. 242-1 CSS). L'avenant du 16 juin 2009 de l'ANI du 11 janvier 2008 prévoit le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, si elle est plus favorable que l'indemnité légale ; cet avenant s'applique depuis le 17 juin, dans la mesure où l'employeur est membre d'une organisation patronale affiliée au MEDEF, à la CGPME ou à l'UPA ; la procédure d'extension ministérielle a été lancée le 9 juillet 2009 par avis publié au Journal Officiel. Le salarié a droit aux allocations d'assurance-chômage, dès lors que lui et son employeur y étaient affiliés (art. L. 5422-1 C. Tr.). En matière de travail maritime, toute transaction sur le montant des salaires doit être homologuée par l'autorité maritime, à peine de nullité (art. 57 CTM). Cette disposition complète les dispositions du Code civil en matière de transaction (art. 2044 et s. C. Civ.), ainsi qu'à l'application aux marins de la réglementation du reçu pour solde de tout compte (art. L. 1234-20 C. Tr., mod. par L. n° 2008-596, 11 25 juin 2008). L'homologation de la rupture conventionnelle par le directeur départemental du travail et de l'emploi (DDTE) complète ce dispositif. Au total, cette Ordonnance 2009-717 du 18 juin 2009 constituera une réforme importante du droit du travail maritime, qui semble en annoncer d'autres, à venir. |