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Application du droit de retrait à bord des navires




       Les métiers de la mer ont toujours été des métiers à risques. On peut donc dire que ces risques font partie du contrat de travail du Capitaine et du marin. Mais de nouveaux risques apparaissent, comme l'embarquement d'équipages non qualifiés, ou la prolifération des zones où les pirates constituent un réel danger.
  • Comment faire la part entre le risque inhérent à l'aventure maritime, et le risque inacceptable, qui justifie recours au droit de retrait ?
  • La jurisprudence actuelle permet-elle de donner des pistes pour l'application dans l'industrie maritime ?
  • Quelles sont les dispositions comparables dans les autres États, et comment sont-elles appliquées ?


Éléments de réflexion, aimablement communiqués par le Professeur Patrick Chaumette, Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes :


       A bord des navires à passagers, le droit de retrait du salarié, face à un danger grave et imminent, découle de la tradition : "Les femmes et les enfants d'abord", le capitaine en dernier.

       Ce droit de retrait s'applique aux entreprises d'armement maritime, donc sous pavillon français (art. L. 742-5 ancien C. Trav., maintenu en vigueur notamment pour le secteur maritime dans l'attente de l'adoption du nouveau code des transports, sans doute en fin d'année).

       Lorsqu'il pense se trouver face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ou celle des es collègues de travail, un marin doit alerter sa hiérarchie et peut arrêter le travail, refuser de poursuivre sa tâche. Il ne doit pas mettre en danger de ce fait ses collègues de travail, de sorte que ce droit de retrait peut être collectif et peut être encadré dans une procédure préventive (mais non limité).

       Un droit de retrait en mer ? La démarche est plus compréhensive dans le refus d'appareillage. En ce sens, droit de retrait et droit de grève relèvent de mécanismes semblables, mais de causes différentes et d'effets différents.

       En exerçant son droit de retrait, le salarié exerce son droit à la sécurité des conditions de travail, ne commet pas de faute, ne perd pas de rémunération : il engendre une inspection commune de la direction et des représentants du personnel (CHSCT). Il doit avoir un motif raisonnable de croire se trouver devant un danger grave et imminent, en fonction de ses connaissances et de ses compétences. L'inspection commune dira s'il y avait vraiment un tel danger et quelles mesures préventives mettre en oeuvre. Il n'y a pas plus de jurisprudence maritime que de jurisprudence aérienne.

       Pour le capitaine de navire, responsable de la sécurité du bord, le droit de refuser d'appareiller découle de ses attributions et de ses responsabilités mêmes, sur le fondement de la Convention SOLAS. Ce sont même les accidents à bord, les pollutions, les abordages qui lui seront reprochés.

       Si ses attributions sont bien exprimées sous forme d'obligations et de responsabilités, ce qui manque est l'expression de ses prérogatives positives de refus vis-à-vis de son employeur. Il doit veiller à la sécurité, mais il n'est pas dit qu'il peut refuser d'appareiller quand la sécurité est en cause. Dès lors, il n'a pas de texte explicite sur lequel s'appuyer pour indiquer qu'il est dans son droit, et non en faute.

       Existe-il une procédure interne ou externe, lui permettant de se défendre, avant de se faire licencier ? NON. Il est soumis à des pesanteurs de plus en plus lourdes, sans disposer d'un statut protecteur international (ou régional) minimal, lui donnant l'autonomie nécessaire à la maîtrise de ses responsabilités (je n'écris pas la maîtrise de ses prérogatives).

       Que pèse l'association internationale des capitaines, vis-à-vis d'une société de manning ou d'un armement qui considérerait qu'un capitaine est indocile et fait du zèle ?

       Sous pavillon français, le capitaine a peu besoin du droit de retrait personnellement (SOLAS, ISPS, CDPMM) ; les dispositions conventionnelles, la commission de discipline lui donnent une protection minimale, peut être insuffisante de nos jours. Ce sont moins les textes "fondamentaux" qui manquent que leurs conditions réelles de mise en oeuvre.


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