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L'accident du M/T Stolt Valor

 
       L'accident du M/T Stolt Valor, qui n'a pu accéder à un port de refuge qu'au bout de plus de 3 mois, n'est pas sans nous remettre en mémoire la lamentable odyssée du Flaminia, qui a erré près de 2 mois avant de trouver un port qui veuille bien l'accepter. Cet accident a déjà été relaté dans le « Marin » du 23 mars et commenté brièvement dans « AFCAN Informations » de septembre sous le titre « On reparle des ports refuge » (Nouvelles recueillies par le cdt Sussac). En octobre, les observateurs de l'Organisation intergouvernementale ROPME (Protection de l'environnement maritime du golfe Persique), et les représentants du MEMAC (Centre d'aide mutuelle pour les situations d'urgence en mer), ont présenté en séance plénière à la session du mois d'octobre du MEPC 64 un document concernant l'accident du M/T Stolt Valor qui s'est produit dans la zone de la ROPME. D'après ce document, l'accident aurait occasionné un déversement à la mer d'une quantité importante de substances nocives et particulièrement dangereuses (SNPD), menaçant la vie humaine et l'environnement maritime. La présentation du document relatant les circonstances de l'accident a donné lieu à de nombreuses discussions entre les délégations, d'où il est ressorti la difficulté d'identifier un lieu de refuge.



Résumé des faits.

       Le 15 mars 2012, le Stolt Valor, chimiquier libérien de 15 700 tonnes, construit en 2004, a été victime d'une explosion suivie d'un incendie. Les 24 membres de l'équipage philippin ont été recueillis par un navire de guerre américain qui se trouvait dans les parages (un marin est porté disparu). L'incident s'est produit au large du port de Jubail (Arabie Saoudite) où il avait chargé 12 700 tonnes d'additif à l'essence, produit hautement inflammable. Le 18 mars, le pétrolier, en dérive, atteignait la zone économique exclusive (ZEE) du Qatar où il était victime d'une seconde explosion. Le 20 mars la société SMIT Salvage, après avoir maîtrisé l'incendie, réussit à passer une remorque et à l'éloigner de la côte. Le navire fut autorisé à mouiller au milieu de la zone maritime de la ROPME pour entreprendre les opérations de sauvetage.

       Le 29 avril, après que la cargaison de produits chimiques et autres polluants ait été transférée sur le tanker Angel-11, l'armateur a demandé au Royaume de Bahreïn l'autorisation de procéder à la réparation du navire dans les chantiers d'ASRY à Bahreïn. Entre-temps, l'équipe de sauvetage devait préparer un « passage plan » destiné à être supervisé par les différentes parties de la Commission de sauvetage de Bahreïn. Le document précise que 3.465,132 tonnes de MTBE auraient été déversées à la mer.

       Selon le Lloyd's Register qui relate les circonstances de l'accident dans son édition du 29 juin, Bahreïn n'a donné son autorisation que le 26 juin, soit près de 2 mois plus tard. La décision d'accorder un refuge au navire fut en effet suivie d'une longue période de préparation pour assurer le transit de celui-ci dans les eaux territoriales de Bahreïn. L'armateur dut se soumettre à un nombre considérable d'obligations, dont le débarquement complet préalable de tous les hydrocarbures et huiles, dégazage entier du navire, la confirmation d'ASRY de la mise sur dock immédiate. Le quotidien ajoute que bien que de telles conditions fassent partie des directives de l'OMI concernant des navires en difficulté dans un lieu de refuge, se pose néanmoins la question du temps nécessaire pour obtenir tous les permis, même une fois le port de refuge désigné.

Commentaires du MEMAC sur l'accident

       Le MEMAC critique le capitaine et l'équipage d'avoir abandonné le navire par négligence et de ne pas avoir apporté toute l'aide et conseils aux autorités locales, étant donné leur connaissance du navire ; leur assistance aurait été précieuse au début de l'incident. Une fois à terre, ils auraient dû rester auprès des responsables plutôt que de retourner dans leur pays.

       Il critique aussi la lenteur de la compagnie de sauvetage à démarrer les opérations, ce qui pourrait avoir contribué à la détérioration du navire et de l'environnement. Beaucoup de temps a été perdu, aucune planification entreprise jusqu'à ce que le MEMAC intervienne. De même, les P§I Clubs se sont concentrés sur les coûts et les indemnisations sans s'occuper de la sécurité des populations et de l'environnement maritime.

       Enfin le MEMAC impute le délai inutile de 104 jours des opérations à l'attitude de l'équipe d'assistance. Cette équipe, comme d'ailleurs les autres organismes concernés qui n'étaient pas de la région et n'avaient aucune idée de la nature de la région, a refusé les conseils des autorités locales, causant une grave menace pour la vie humaine régionale et l'environnement maritime. Tous ces organismes n'ont pas cessé de rendre responsables les autorités locales.

Discussions en séance plénière

       La délégation néerlandaise et les observateurs de l'ICS, d'INTERTANKO et des clubs P&I ont exprimé des doutes à propos de l'exactitude de la version qui leur était présentée, alors qu'elle différait sensiblement des renseignements qu'ils avaient reçus de leurs membres respectifs. Ils contestaient en particulier les accusations concernant la négligence de l'équipage, l'attitude des clubs P&I, accusés de faire passer les coûts de l'opération avant la sécurité et les problèmes d'environnement, et l'action de l'équipe d'assistance. La délégation libérienne a présenté un résumé des évènements et des mesures prises à la suite de l'accident du Stolt Valor prouvant ainsi que le rapport du MEMAC est trompeur et incomplet.
Déclaration de la délégation du Libéria
       En tant qu'État du pavillon, le Libéria pense qu'il est important d'apporter des détails supplémentaires et d'insister sur le manque d'un emplacement de refuge pour les navires en difficulté ayant besoin d'assistance.

       Au cours de la traversée de Jubail, Arabie Saoudite, à Sitra, Bahreïn, le Stolt Valor a été victime d'une explosion suivie d'un incendie, alors que l'équipage exécutait une opération de routine de nettoyage de citerne, approximativement à 50 milles de Ras Abu Ali, Arabie Saoudite. Le navire transportait du Methyl Tertiary Butyl Ether (MTBE) et de l'Isobutyraldehyde (IBAL), produits qu'il avait chargés à Jubail. Un homme d'équipage perdit tragiquement la vie. Les autres membres de l'équipage durent abandonner le navire et furent secourus par les «coalition forces». En attendant que l'enquête soit terminée, selon les documents reçus et les déclarations du capitaine, l'explosion proviendrait de l'embrasement des vapeurs inflammables ; cependant, la cause de l'incendie n'a pas encore été déterminée, le seul membre d'équipage se trouvant à proximité ayant péri. Il n'y a, en toute évidence, aucune négligence volontaire ou erreur de la part du capitaine ou de l'équipage.

       Dans les heures qui ont suivi l'explosion, l'armateur du Stolt Valor a immédiatement passé un contrat Lloyd's Open Form avec la société de sauvetage « Smit » qui a commencé à mobiliser des remorqueurs anti-incendie, des équipements et des experts. De plus, pour seconder Smit, l'armateur a passé le même contrat avec «Saudi Aramco» qui avait des remorqueurs dans la zone.

       Un remorqueur de Saudi Aramco a passé une remorque au Stolt Valor le 16 mars, et l'a éloigné des routes du trafic et des installations offshore de la zone. Les remorqueurs de Smit sont arrivés un peu plus tard le même jour et ont repris les opérations de remorquage. La lutte contre l'incendie a commencé et les remorqueurs de Saudi Aramco ont été maintenus à ordre.

       Le 21 mars, la Marine d'un des États côtiers ordonna, sous la menace d'arrestation, à l'équipe de sauvetage et de lutte contre l'incendie de rester à l'extérieur de sa zone économique exclusive. Cela obligeait à l'équipe à déplacer sa flottille vers le Nord avec le Stolt Valor en remorque, tout en continuant de combattre l'incendie, finalement éteint le 22 mars. Aucune trace de cargaison ni de soutes ne fut signalée se répandre autour du Stolt Valor, et selon les experts internationaux, toute la cargaison perdue fut brûlée.

       Une fois l'incendie éteint, l'attention se porta sur l'emplacement d'un refuge sûr où débarquer les soutes et la cargaison restante. Avec un navire gravement avarié en sa partie milieu, les armateurs étaient soucieux d'être contraints de l'exposer ainsi au mauvais temps par crainte que le navire ne se brise en deux occasionnant une pollution. L'équipe de sauvetage et l'armateur adressèrent le 21 mars aux États de la région la première requête pour une zone de refuge. L'assistance du MEMAC fut sollicitée pour faire avancer la demande. Le gouvernement du Liberia s'adressa aussi aux États de la région. Toutes les demandes furent repoussées et aucune aide supplémentaire proposée. L'armateur et l'équipe de sauvetage n'avaient d'autre choix que de faire leur possible pour sauver le navire maintenu au large, tout en évitant tout dommage à l'environnement. Le transfert des soutes et des autres polluants commença le 24 mars. Le 26 mars, l'ordre de quitter sa ZEE fut intimé, par une vedette armée d'un État côtier, à la flottille de sauvetage en charge du Stolt Valor, sous la menace d'ouvrir le feu. Le convoi se mit en route vers un mouillage au milieu du Golfe, intimé par le MEMAC. L'opération de transfert des soutes fut terminée le 1er avril, sans aucune pollution.

       Après le transfert des soutes, une seconde requête d'un endroit de refuge où décharger la cargaison fut envoyée par l'intermédiaire du MEMAC le 2 avril. Ces demandes furent aussi refusées. Les opérations d'allègement du reste de la cargaison commencèrent alors que le Stolt Valor était en mer dans des eaux non abritées. Le déchargement du reste de la cargaison, des lubrifiants, des peintures et d'autres substances dangereuses se termina sans incident ou pollution le 29 avril.

       Une troisième demande de refuge fut adressée aux chantiers ASRY de Bahreïn. Le 4 mai, l'armateur et l'équipe de sauvetage présentèrent un «passage plan» pour que le Stolt Valor puisse accéder à ASRY. C'est seulement sept semaines plus tard, après de nombreuses réunions et des exigences supplémentaires, que le Stolt Valor fut autorisé à pénétrer dans les eaux internationales de Bahreïn.

       Il faut noter l'absence de toute pollution, grâce aux efforts extraordinaires de l'équipe de sauvetage. La décision d'abandonner le navire fut, sans nul doute, la bonne décision ; il y aurait eu certainement davantage de pertes de vie humaine à la suite d'une plus forte explosion qui eut lieu après l'évacuation. Il n'y avait aucune nécessité pour l'équipage de rester à Bahreïn avec l'équipe de sauvetage alors que les experts de cette équipe avaient recueilli toutes les informations nécessaires et qu'il était urgent de combattre l'incendie. L'armateur a parfaitement coopéré avec l'administration libérienne au sujet de l'enquête, facilitant les interviews du capitaine, du chef mécanicien et de tout autre membre de l'équipage.

       L'armateur a fait tout ce qu'il fallait pour combattre l'incendie, stabiliser le navire et protéger l'environnement. L'armateur et ses experts doivent être félicités d'avoir débarqué le reste de la cargaison, les soutes, lubrifiants, peintures et toutes autres substances dangereuses sans incident ou pollution. Ceci, malgré l'obligation de rester en mer, où le navire subit des creux jusqu'à 6 mètres, au risque de se briser en deux.

       Malheureusement, cet incident montre, une fois encore, la difficulté des armateurs à trouver un lieu de refuge pour un navire en difficulté ayant besoin d'assistance. Le débarquement de la cargaison et des soutes aurait pu avoir lieu beaucoup plus tôt, avec davantage de sécurité et moins de risque pour la vie humaine et l'environnement, s'il avait été réalisé dans des eaux abritées ou dans un lieu de refuge, plutôt que d'être exposé en pleine mer dans le Golfe. Toutefois, la permission d'accéder au port ne fut délivrée que trois mois et demi après l'extinction de l'incendie, et un mois et demi après que toute cargaison ou soutes furent débarquées. Les raisons de ce retard excessif ne sont pas claires, et ne sont pas en accord avec la résolution A.949 (23) de l'OMI concernant les « Directives sur les lieux de refuge pour les navires pour les navires ayant besoin d'assistance ».

       Enfin, nous avons été informés des mandats d'arrêt lancés à l'encontre du capitaine et du chef mécanicien du Stolt Valor qui, à ce qu'on dit, n'auraient pas répondu aux convocations. L'accusation n'est pas correcte, l'équipage concerné fut interrogé après leur débarquement à Bahreïn à la fois par l'Agence nationale de sécurité et par la Coast Guard. C'est seulement après une conclusion satisfaisante de ces interrogatoires que l'équipage fut autorisé à quitter Bahreïn. Ces mandats d'arrêt sont injustifiés.

       La délégation libérienne a été appuyée par les observateurs de l'ITF, de l'ICS, d'INTERTANKO, de l'IPTA et de BIMCO qui se sont étonnés du retard pris pour identifier un lieu de refuge. Ils ont été surpris par les mandats d'arrestation délivrés à l'encontre du capitaine et du chef mécanicien, allant à l'encontre des principes énoncés dans la résolution A.949 (23) et la résolution A.987 (24) (« Directives sur le traitement équitable des gens de mer en cas d'accident de mer »).
Réponses de la ROPME
       La ROPME et le MEMAC ont dénié toutes ces critiques, au motif que le navire du fait de la nature de sa cargaison constituait une menace très sérieuse pour la zone côtière très sensible. Cette zone aride contient de nombreux ouvrages de captage d'eau, des installations de dessalement et de production d'électricité. Le risque pour une population de 15 millions de personnes était trop élevé.

       Ils ont maintenu leur accusation contre l'équipe d'assistance qui aurait perdu le contrôle du navire pendant plus d'une semaine. Néanmoins l'affaire faisant toujours l'objet d'une enquête judiciaire et technique, les renseignements communiqués à ce stade étaient limités.

       Ils ont également noté la difficulté rencontrée pour trouver un lieu de refuge dans les eaux intérieures de la zone maritime de la ROPME, et ont indiqué, qu'à leur avis, il faudrait envisager de réviser les Directives sur les lieux de refuge (cf supra).

Suites de l'accident

       Un Atelier régional sur les plans d'urgence nationaux et régionaux concernant les substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), parrainé par l'OMI et organisé par le MEMAC, s'est tenu en juin à Doha (Qatar). Cet Atelier, organisé à la suite de l'accident du Stolt Valor, avait pour objectif en particulier d'encourager les États membres de la zone maritime de la ROPME à identifier et désigner d'urgence un ou des lieux de refuge. Ces emplacements doivent être classés en fonction du type de cargaison à bord et de la menace potentielle, en gardant à l'esprit les problèmes de santé et de sécurité publique, ainsi que les divers éléments du milieu marin et des ressources.

Le Comité, après avoir examiné toutes ces questions, a néanmoins conclu qu'il n'était pas nécessaire de réviser et de modifier les « Directives sur les lieux de refuge pour les navires ayant besoin d'assistance ».

René TYL


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