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Décès suite à l'explosion d'une chaudière
après un nettoyage chimique

 
Traduction libre par le Cdt J.P. DALBY du MARS 201027


Les faits :

       Un LNG était amarré au chantier, effectuant des opérations de nettoyage de ses deux chaudières principales bâbord et tribord. Les travaux incluaient un retubage important ainsi que des réparations au caisson d'alimentation en air et étaient effectués par une entreprise habituée au navire. Le superintendant de la compagnie et celui de l'entreprise étaient tous deux sur les lieux.

       Le travail approchant de la fin, l'entreprise sous-traita le nettoyage final interne des chaudières après réparation, à un expert britannique en nettoyage chimique, qu'elle connaissait bien. De l'acide passivé fut choisi comme agent de nettoyage. Le produit de passivation protège l'acier de la chaudière de l'attaque de l'acide, dont un effet secondaire est la production d'hydrogène. Le nettoyant passivé contenait aussi un colorant indiquant la force de l'acide.
 

       Après avoir effectué une formation sécurité au chantier, comprenant notamment les procédures de travail et d'entrée dans les espaces clos, l'expert chargé du nettoyage installa son matériel. Cependant, il n'avait pas de procédure écrite ni d'évaluation des risques pour effectuer son travail, et ni le contractant des travaux sur la chaudière, ni le superintendant de la compagnie ne lui en demandèrent. Il était l'expert et accepté aveuglément comme tel. Même les mécaniciens du navire n'avaient aucune interaction avec lui.

       Après un test de pression réussi, la chaudière tribord fut nettoyée des huiles et graisses en utilisant un nettoyant breveté. Cela se passa sans incident et fut terminé le jour suivant. Par ailleurs, l'armement fit appel pour son compte à un expert en nettoyage chimique danois pour contrôler le nettoyage. Cela n'est pas inhabituel dans le cas de contrats très onéreux mais, ni le contractant initial de réparation de la chaudière, ni le spécialiste britannique du nettoyage chimique, ne furent informés de son arrivée imminente.

       A 08h00 le jour du nettoyage chimique, l'eau fut réchauffée et mise à circuler dans la chaudière. Vers 13h00 l'eau était à 57°C. Le contremaître s'inquiéta du fait que continuer le chauffage rendrait le passivateur moins efficace et recommanda d'arrêter le réchauffage vapeur de l'eau. Au milieu de l'après midi, 800 kg d'acide avaient été ajoutés dans le bac de mélange eau/acide. A 17h00, des tests confirmèrent que le passivateur était toujours actif et que la force de l'acide était toujours satisfaisante comme indiquée par la coloration du mélange eau/acide et les mesures du PH. Bien que des vérifications aient été effectuées pour s'assurer qu'il n'y avait pas de fuites, il n'y a aucune indication que le système de ventilation ait été vérifié, ni même s'il avait été mis en place. A 21h00, la situation avait rapidement changé. Les tests indiquaient que l'acier de la chaudière était attaqué par l'acide.

       L'expert britannique était assez sceptique sur l'interprétation des résultats des tests car il avait envisagé de faire circuler l'eau/mélange acide quelques heures encore. Cependant, il accepta d'arrêter la circulation et disposa le système pour envoyer le mélange dans un camion citerne sur le quai. Pendant ce temps là, il demanda au contractant de faire ouvrir la porte arrière du ballon de la chaudière tribord afin d'inspecter la surface interne de la chaudière.

       Vers 21h45 la porte arrière du ballon de chaudière était ouverte, et lorsque les ouvriers poussèrent la porte dans le ballon on nota un effet d'aspiration à l'ouverture du joint. Les ouvriers accrochèrent à une rambarde près du ballon, une lampe halogène qui n'était pas à sécurité intrinsèque. A 22h00, les deux experts s'approchèrent de la porte du ballon. Aucun test ne fut effectué pour contrôler la présence de gaz toxiques ou inflammables dans l'atmosphère du ballon. L'expert britannique attrapa la lampe halogène et la mit juste à l'intérieur du ballon. L'inspecteur danois vit une petite flamme ou étincelle qui fut suivie aussitôt d'une explosion.
 
restes de la lampe halogène non protégée
       L'expert britannique fut projeté à environ 4,5 m, il fut trouvé inconscient et souffrant de plusieurs fractures et de graves brûlures. Malheureusement il ne se remit pas de ses blessures et mourut neuf jours plus tard. L'expert danois fut aussi brûlé, mais moins sévèrement. Il n'y eut pas d'incendie ni de dégâts importants à la peinture ou aux structures.

Cause primordiale / facteurs contributifs

  1. Accumulation de gaz hydrogène dans le ballon de la chaudière qui s'est dégagé au cours du nettoyage. A l'ouverture de la porte du ballon, l'air s'est mélangé à l'hydrogène créant un mélange se trouvant dans les larges limites explosives de l'hydrogène.
  2. Dispositions insuffisantes pour assurer la ventilation de la chaudière et évacuer les gaz produits à l'atmosphère. Si la chaudière avait été correctement ventilée, l'hydrogène ne se serait pas accumulé.
  3. L'introduction de la lampe halogène chaude dans l'espace confiné non contrôlé du ballon, dont on savait qu'il pouvait contenir des gaz inflammables, fut une grave erreur de jugement.
 
reconstitution de la position des experts lors de l'explosion

Les leçons :

  1. Tout espace fermé ou confiné doit être ventilé correctement avant d'y entrer ou de commencer des travaux, et l'atmosphère doit être contrôlée correctement à la fois pour la présence de gaz toxiques ou inflammables avant de certifier que l'espace est sans danger.
  2. Toute la documentation ISM doit être respectée, particulièrement celle qui concerne la responsabilité de l'équipage envers les contractants extérieurs.
  3. L'équipage doit être activement impliqué et intéressé aux activités des contractants et doit faire part de ses doutes et les faire clarifier.
  4. Les fiches de données sécurité des produits et matériaux doivent être soigneusement étudiées et les dangers associés à leur utilisation doivent être compris et les mesures de contrôle appropriées doivent être mises en place pour atténuer les risques.
  5. L'acide libère de l'hydrogène lorsqu'il attaque la rouille et l'acier et il faut tester le chantier pour détecter la présence éventuelle d'hydrogène après le nettoyage.
  6. Seuls des systèmes d'éclairage à sécurité intrinsèque doivent être utilisés dans les espaces clos.


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