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6            L'ANALYSE DES STRUCTURES A PARTIR DES EPAVES

LES CALCULS ET LE PROCESSUS DE RUINE

6.1      operations du CSG marianos au niveau de l'expertise (février 2000)

La présence du Cdt SMITH à bord du CSO MARIANOS pour le relevé des cassures sur les épaves de l'ERIKA (et certains prélèvements sur ces épaves décidés au cours de la Réunion d'Expertise Contradictoire du 2 février 2000), s'est inscrite dans le cadre de la campagne de préparation de la récupération de la cargaison et de colmatage des fuites de produit par TOTAL.

L'objet de la campagne de relevé était de déterminer avec le plus de précision possible les contours des déchirures sur les deux parties de l'épave de l'ERIKA séparées l'une de l'autre par une distance de 7 milles. Elle s'est déroulée du 4 au 13 février 2000 pour la partie avant et une première étape de la partie arrière puis, entre les 17 et 21 février 2000 pour le solde de la partie arrière ainsi que pour deux autres épaves baptisées ultérieurement "PONT" et "LA PEROUSE", localisés à proximité immédiate de l'épave principale arrière pour la première et à 5.8 milles à l'ouest de l'épave principale avant pour la seconde.

Les opérations sous-marines menées sur les épaves principales et l'épave LA PEROUSE à partir de robots pilotés de la surface (ROVs) ont permis d'établir la cartographie des épaves principales et de constater que les structures des citernes latérales n°2, des citernes centrales n°2 et 3 avaient soit entièrement, soit partiellement disparu ou étaient écrasées.

Aucun des prélèvements envisagés n'a pu être effectué du fait des moyens insuffisants existant à bord du CSO MARIANOS. Quelques mesures d'épaisseurs ont cependant été prises sur le bordé de fond de l'épave avant, (le Compte rendu d'inspection des épaves figure en Annexe n° 27).

Deux tentatives de relevage de l'épave PONT ont été effectuées à partir du CSO MARIANOS mais les moyens en place se sont révélés insuffisants.

6.2      les rondelles

Dans le cadre des opérations et travaux de pompage de la cargaison dans les citernes de la partie avant et de la partie arrière échouées au fond de la mer le Bureau des Enquêtes techniques et administratives après Accidents et autres événements de mer (BEA - Mer) a demandé à TOTAL de pouvoir disposer, en vue d'analyse, des éléments de coque (rondelles) ramenés à l'occasion de ces travaux.

Le Collège Expertal a ensuite demandé à TOTAL de recevoir ces rondelles pour examen.


ERIKA - Rapport d'expertise                                                                                                                                                                                              40/115


6.2.1    Contenu du panier de rondelles

Le Collège Expertal a reçu au total 52 rondelles, disques d'un diamètre compris entre 180 et 185 mm, tous percés en leur centre d'un trou de l'ordre de 32 mm de diamètre. Ils comportent à leur périphérie une collerette d'usinage présente dans la plupart des cas sur toute la circonférence du disque.

Reçues par le Collège Expertal le 4 octobre 2000 les rondelles sont alors confiées à l'INSTITUT de SOUDURE pour examens, mesures et essais.

6.2.2    Programme des mesures et des analyses métallurgiques

L'INSTITUT de SOUDURE adresse au Collège Expertal le 15 janvier 2001 une proposition pour réaliser les opérations qui lui seront ensuite confiées. Cette proposition comporte une première mesure des épaisseurs au palmer (après nettoyage par projection puis sablage des rondelles) puis une mesure tridimensionnelle fine de ces épaisseurs par le CETIM. Cette spécification est transmise aux Parties par courrier du 22 janvier 2001.

Une première Réunion d'Expertise Contradictoire est organisée le 10 mai 2001 à l'INSTITUT de SOUDURE pour décider du programme de travail sur les rondelles. Une pesée préalable des rondelles est décidée et la question de la traçabilité des rondelles, qui avait fait l'objet d'échanges de correspondances entre notamment le RINA, TOTAL et le Collège Expertal y est débattue.

Une seconde Réunion d'Expertise Contradictoire a été nécessaire pour procéder à cette pesée.

6.2.3    Rapport de l'INSTITUT de SOUDURE.

Après avoir réalisé toutes les opérations prévues, l'INSTITUT de SOUDURE remet le 12 décembre 2001 son rapport qui :

a)       précise tout d'abord le mode d'identification des échantillons remis.

b)       donne ensuite le résultat de la pesée des disques : les valeurs obtenues sont comprises entre 1590,7g et 3689 g

c)       décrit l'état général des disques (résidus d'hydrocarbures, salissures, peinture, déformations de surfaces, ...)

d)       indique disque par disque la planéité de chaque face, les épaisseurs mini, moyenne et maxi relevées. En résumé la planéité des disques varie de moins de 1mm à 6mm environ et les épaisseurs vont de 5,1 mm à 19,1mm.


ERIKA - Rapport d'expertise                                                                                                                                                                                              41/115


N.B. Le rapport de /'INSTITUT de SOUDURE référencé 2111 PS/PE1856/1306 daté villepinte le 12/12/2001 figure en Annexe n° 28.

6.2.4    Utilisation des épaisseurs des rondelles pour le Dossier des Epaisseurs.

Toutes les rondelles ont été prélevées dans les fonds de la partie avant et le pont de la partie arrière.

Une partie des rondelles en fonction de leur localisation a été utilisée pour contribuer à la constitution du Dossier des Epaisseurs (cf. § 6.7 ci-après).

6.3        LES OPERATIONS DU CSO CONSTRUCTOR AU NIVEAU DE L'EXPERTISE (SEPTEMBRE 2000)

Le CSO CONSTRUCTOR a été utilisé entre les 16 et 21 septembre 2000 pour la réalisation d'examens non destructifs sur les épaves de l'ERIKA.

Les décisions concernant cette mission ont été prises au cours de la Réunion d'Expertise Contradictoire du 14 septembre 2000. Ces décisions peuvent se résumer comme suit :

          Réalisation d'examens non destructifs uniquement (mesures dimensionnelles et mesures d'épaisseurs, magnétoscopie, photos). Des prélèvements d'échantillons qui avaient été prévus initialement n'ont pas été retenus.

          Réalisation des examens sur toutes les épaves (Avant, Arrière, PONT et LA PEROUSE). Pour les épaves PONT et LA PEROUSE, recueil des éléments nécessaires à l'établissement d'un appel d'offre pour leur relevage ultérieur.

          Monsieur Alfred SMITH, Expert et Monsieur Yves HERVO, Sapiteur structures, seraient présents à bord.

Au cours de cette même Réunion une spécification détaillée des examens à réaliser sur chaque épave a été établie par les Sapiteurs et les conseillers techniques des Parties.

Cette spécification n'a pas pu être suivie à la lettre car il a fallu tenir compte des impératifs opérationnels des plongeurs et du robot mais elle a servi de guide pour tous les examens qui ont pu être réalisés.

Toutes les interventions réalisées soit par le robot, soit par les plongeurs ont été faites à la demande et sous le contrôle soit de Mr SMITH, soit de Mr HERVO.


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Un dossier complet de l'intervention du CSO CONSTRUCTOR établi par COFLEXIP (comprenant les plans des épaves, les mesures d'épaisseurs, les photos, les informations relatives aux plongeurs et aux appareils utilisés etc...) a été adressé aux Parties le 27 novembre 2000.

Les cassettes vidéo ont également été adressées aux Parties le 8 janvier

2001.

Un rapport de mission a été établi par Messieurs SMITH (Expert) et HERVO (Sapiteur) (daté du 26 septembre 2000 et transmis aux Parties le 30 novembre 2000). Ce rapport figure en Annexe n°29.

6.4     relevage des epaves "pont" et "la perouse"

Dès qu'il a eu connaissance de l'existence des épaves PONT et LA PEROUSE, le Collège Expertal a manifesté son intérêt pour le relevage de ces épaves en suggérant que ces opérations soient faites par TOTAL à ses frais avancés.

TOTAL a commencé par faire part à plusieurs reprises de son refus d'un tel schéma, ce qui a conduit le Collège Expertal dans un premier temps à établir/à faire établir des appels d'offres auprès de sociétés spécialisées dans le relevage.

Début 2002 TOTAL a accepté de modifier sa position, en continuant cependant à refuser l'exécution de prélèvements sur les épaves principales.

Sur requête du Collège Expertal le Tribunal de DUNKERQUE rendait alors le 28 mai 2002 une ordonnance portant sur le relevage par TOTAL à ses frais avancés des épaves PONT et LA PEROUSE, en laissant ouverte la possibilité de prélèvements à leurs frais avancés par d'autres Parties à l'Expertise. Cette possibilité n'a pas été utilisée.

Des dispositions pratiques ont été prises par TOTAL en accord avec le Collège Expertal pour le stockage sur terre plein à BREST des épaves après leur relevage.

Après appel d'offres, TOTAL a passé le 6 août 2002 commande à STOLT des opérations de relevage selon des spécifications ayant reçu l'accord du Collège Expertal pour les aspects relatifs à l'Expertise.

L'opération de relevage proprement dite s'est effectuée à partir du SEAWAY EAGLE du 23 au 26 septembre 2002 avec découpage sur le fond de l'épave LA PEROUSE par des plongeurs (4 morceaux : tirant du couple 73, SSA1, SSA2, SSB), relevage et mise à bord de l'OLYMPIC COMMANDER, récupération de l'épave PONT et d'une tôle se trouvant sous ce morceau, mise à bord du même navire de ces pièces puis débarquement des pièces à brest et mise à plat le 26 septembre 2002 sur l'attinage pré-installé sur le terre-plein QR5 mis à la disposition de TOTAL par la Chambre de Commerce et d'Industrie.


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Les opérations de relevage et de mise à terre se sont effectuées en présence d'un Officier de PREMAR Brest, de consultants techniques des Parties et de représentants du Collège Expertal (Cdt A SMITH et Mr Y HERVO, Sapiteur).

La chronologie de la mise en place des opérations de relevage figure en Annexe n° 30.

Une inspection contradictoire des dommages subis par les pièces au cours de leur relevage et de leur manutention réalisée après mise sur tins des pièces a fait l'objet d'un rapport spécifique du Collège Expertal (Compte-rendu de l'examen préliminaire contradictoire des épaves PONT et LA PEROUSE en Annexen*31).

6.5       LES EXAMENS DES EPAVES PONT ET LA PEROUSE A BREST

6.5.1    Les mesures dimensionnelles

Les mesures sur les épaves PONT et LA PEROUSE ont été réalisées par les Sociétés SOBRENA et ALPHA TECHNIQUES de BREST, sociétés spécialisées pour les mesures d'épaisseurs sur les navires et agréées par les Sociétés de Classification LLOYD'S REGISTER et BUREAU VERITAS.

Ces mesures concernent d'une part les mesures des épaisseurs des épaves et d'autre part les mesures dimensionnelles pour permettre de réaliser des plans précis des épaves.

Une première procédure pour les mesures d'épaisseurs a été établie par le Collège Expertal et discutée au cours d'une Réunion d'Expertise Contradictoire qui s'est tenue à brest le 5 novembre 2002. Après avoir réalisé quelques mesures afin de tester la procédure, cette procédure a été modifiée ce même jour en présence du Collège Expertal et des Parties. Une nouvelle procédure a alors été établie et acceptée par tous.

Toutes les mesures ont été ensuite réalisées entre les 6 et 19 novembre 2002.

Toutes ces mesures ont été réalisées (sauf 36 points sur 1208) en présence de M. HERVO, Sapiteur, et d'un représentant du RINA. M. LEFEBVRE, Expert, a supervisé le démarrage des mesures les 6, 7 et 8 novembre 2002 et M. KINDERMANS, Expert, le 14 novembre 2002.

Les résultats ont été présentés sous la forme suivante :

·         Des plans des épaves avec le positionnement des points de mesures


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·         Des tableaux des mesures d'épaisseurs réalisées comportant aussi les épaisseurs au neuvage et les taux de corrosion

Le dossier final a été transmis aux Parties le 8 janvier 2003.

Il comprend :

·         Des plans et des tableaux de mesures d'épaisseurs -
Epave LA PEROUSE -daté du 17/12/02

·         Des plans et des tableaux de mesures d'épaisseurs -
Epave PONT - daté du 17/12/02

·         Une note de commentaires/explications datée du 18/12/02 sur les plans et tableaux d'épaisseurs ci dessus.

De plus un dossier de « Photos des épaves » a été également réalisé (daté du 31 janvier 2003) et transmis aux Parties le 24 février 2003. L'ensemble de ces pièces est rassemblé dans l'Annexe n°32.

6.5.2    Etudes métallurgiques à l'Institut de Soudure (IS)

Lancées lors de deux Réunions d'Expertise Contradictoire à BREST (9 et 14 octobre 2002), les études métallurgiques se sont poursuivies sur site jusqu'au 4 décembre 2002 et à IÏNSTITUT DE SOUDURE jusqu'au 14 février 2003 et ont fait l'objet d'un Rapport de ('INSTITUT DE SOUDURE (Annexe n*33 ) en date du 20 mars 2003 qui a été présenté et discuté à l'INSTITUT DE SOUDURE le 20 juin 2003. La présentation du rapport INSTITUT DE SOUDURE et les conclusions tirées par le sapiteur B. HOCHEID figurent dans le compte rendu de la réunion du 20 juin tel que diffusé aux Parties le 25 juillet 2003 (Annexe n°34).

D'un point de vue général ces conclusions se résument comme suit :

o        Rien ne peut être reproché à la qualité de l'acier et des soudures (Seule une corrosion très importante explique la diminution de la section des soudures).

o        A l'exception d'une cassure semi-fragile sur le contour du bordé de l'épave LA PEROUSE, les cassures ont un caractère ductile.

o        Aucun indice de fissuration par fatigue et aucune trace de fissurations anciennes d'autres natures et aucun poinçonnement au niveau des cassures, n'ont été détectés.

o        On observe de nombreuses zones où la corrosion a abouti à la perforation de la tôle.


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ÉPAVE LA PEROUSE :

Les points importants à retenir parmi ceux figurant dans le compte rendu de la réunion du 20 juin 2003 (Annexe n° 34), sont résumés à l'aide de la figure ci-jointe :

o        cassure verticale à environ 2 cm de la cloison du couple 74

o        de A en B, rupture en traction avec striction marquée sur 3 m

o        de B en C rupture en traction semi-fragile très rapide avec chevrons, sans aucune striction.

o        de C en E, et au-delà sur une distance sans doute importante mais impossible à préciser, rupture en traction, rapide, avec striction très faible, avec brèves reprises de rupture semi-fragile avec chevrons en D et E.

o        sur le restant du parcours de la cassure du bordé, rupture avec faible striction, cette faible striction étant liée au voisinage d'éléments raidisseurs (lisses ou cloisons) et à une vitesse importante de propagation de la fissure.

La rupture selon AB s'est produite en premier et l'extrémité de la cassure en B a servi d'amorçage à la rupture semi-fragile qui s'est propagée à très grande vitesse, sans aucune striction, de B en C.

Les lisses perpendiculaires à ABC se sont rompues en traction comme le bordé. La même remarque est à faire pour la plupart des autres lisses qui se sont aussi décollées du bordé sans déversement.

Les cassures des âmes et des semelles des tirants C71, C72 et C73 ont un faciès ductile et il faut noter qu'aucun accroissement de dureté notable n'a été observé aux extrémités des semelles.


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Pont



 


A l'occasion de cycles successifs de compression, les âmes des tirants se sont rompues. Ensuite, peu après l'envahissement de la citerne 2 tribord les semelles ont cédé brutalement en traction selon un processus comparable à un coup de fouet décrit lors de la réunion du 20 juin 2003 à l'INSTITUT DE SOUDURE, expliquant la morphologie « en accordéon »de ces semelles rompues. La réalité de ce processus a été confirmée par une étude complémentaire de l'INSTITUT DE SOUDURE qui a fait un rapport en date du 17 novembre 2003 (Annexe n° 35).

EPAVE PONT

Les observations générales relatées plus haut sont totalement valables. Aucun indice ne permet de connaître le lieu d'amorçage de la rupture du pont et son sens de propagation.

6.5.2    Les examens des trous et des cassures

Dans son rapport « Examens métallurgiques sur les épaves Pont et La Pérouse » (Annexe n° 33 ) l'INSTITUT DE SOUDURE mentionne une corrosion très élevée aux extrémités supérieures des transversales de muraille (épave LA PEROUSE ) « ...allant localement jusqu'à la perforation »



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Au cours de la Réunion d'Expertise Contradictoire du 20 juin 2003 qui avait pour objet la présentation des résultats des essais métallurgiques, PANSHIP s'est demandé si certaines perforations n'avaient pas une autre origine que la corrosion .

Afin de répondre à cette question un nouvel examen des épaves a été décidé. A la suite d'un Dire du RINA daté du 4 juillet 2003 il a été décidé que l'examen porterait aussi sur les cassures en pleine tôle et sur les contours des deux épaves.

Cet examen s'est déroulé à brest au cours d'une Réunion d'Expertise Contradictoire, le 16 juillet 2003.

Deux rapports ont été établis suite à cette réunion :

« Recensement et analyse visuelle des perforations affectant les épaves », établi par IÏNSTITUT DE SOUDURE

« Relevé des cassures sur les bordés des épaves en pleine tôle », établi par le Collège Expertal.

Le premier rapport a été adressé aux Parties fin octobre 2003 et le deuxième est joint au rapport de la Réunion d'Expertise Contradictoire de brest du 16 juillet 2003.

En ce qui concerne les perforations, l'INSTITUT DE SOUDURE confirme dans son rapport qu'elles sont dues à la corrosion : «....il s'agit dans tous les cas de la conséquence d'un endommagement par corrosion généralisée bien antérieure au naufrage du navire .... »

En ce qui concerne les cassures en pleine tôle, le RINA souhaitait que soit réalisée une recherche de leur datation afin de vérifier si ces cassures pouvaient être à l'origine du sinistre ou une conséquence de celui ci.

Le Collège Expertal n'a pas donné suite à cette demande car d'une part il n'est pratiquement pas possible de dater les différentes cassures et surtout il a démontré que ces cassures étaient une conséquence du sinistre et non la cause. Une note sur ce point a été adressée aux Parties le 24 novembre 2003.

Cette note ainsi que les deux rapports ci dessus sont rassemblés dans l'Annexe n°36.


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6.6       L'EPAVE NABERAN

Cette épave dont les dimensions sont environ 3.5m x 1.10m a été repêchée par un chalutier et dénommée NABERAN comme la technique de pêche utilisée par le chalutier.

Cette épave, détenue par le BEA Mer, a fait l'objet d'examens par le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC) à la demande du BEA.

Le rapport d'examens établi par le LCPC, daté du 5/02/2001, a été communiqué au Collège Expertal et aux Parties par Me TINAYRE le 30 octobre 2001.

Après analyse de ce rapport, le Collège Expertal a conclu que cette épave provenait vraisemblablement d'une transversale de cloison longitudinale ou de muraille de l'ERIKA. Certaines informations complémentaires étaient nécessaires pour confirmer cette hypothèse. Messieurs CHRISTOPHE, Expert et HERVO, Sapiteur, se sont rendus au LCPC à Nantes afin d'examiner cette épave le 3 janvier 2002.

Un rapport établi par le LCPC, en date du 18 janvier 2002 ainsi qu'une note de commentaires des Experts confirmant l'appartenance de cette épave à l'ERIKA ont été transmis aux parties le 5 février 2002 (Voir Annexe n°37).

Suite à une contestation du RINA (Dire du 18 décembre 2002) le Collège Expertal a décidé de procéder contradictoirement à de nouvelles mesures en présence des Parties. Cette réunion s'est déroulée le 30 janvier 2003 au LCPC de Nantes. Certaines mesures faisant apparaître des différences mineures avec les dimensions du navire au neuvage, il a été décidé que Messieurs HERVO (Sapiteur ) et GRONDA (RINA) se rendraient à BREST le 31 janvier 2003 pour procéder à des mesures de contrôle sur des éléments de même nature sur l'épave La Pérouse .

Le rapport concernant ces mesures est joint au compte rendu de la Réunion d'Expertise Contradictoire qui a été transmis aux parties le 17 février 2003 (Voir Annexen° 3à).

Par une lettre adressée aux Parties le 25 juillet 2003 le Collège Expertal (Voir Annexe n* 39) confirme que l'épave NABERAN appartient bien à l'ERIKA. Cette confirmation s'appuie d'une part sur le rapport ci dessus et d'autre part sur le positionnement de l'épave et l'analyse des produits pétroliers prélevés sur cette épave.


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6.7        LA RECONSTITUTION DES EPAISSEURS DES ELEMENTS DE STRUCTURE DU NAVIRE D'APRES LES EPAVES

Pour cette reconstitution les mesures suivantes réalisées sur les épaves ont été utilisées :

·         Mesures réalisées par le CSO MARIANOS lors de la campagne de février 2000 (Pièces N° 12/2 et 12/3 fournies par TOTAL)

·         Mesures réalisées sur des rondelles prélevées sur les épaves avant et arrière

·         Mesures réalisées par le CSO CONSTRUCTOR durant la campagne de septembre 2000

·         Mesures réalisées par le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées sur l'épave « NABERAN »

·         Mesures réalisées sur les épaves PONT et LA PEROUSE à brest en novembre 2002

Cette reconstitution ne concerne que la tranche du navire située au droit des citernes de ballastage 2Bd et 2Td, zone où le navire s'est cassé et pour laquelle nous avons de nombreuses mesures d 'épaisseurs.

Cette reconstitution des épaisseurs a fait l'objet de deux dossiers :

·         Dossier épaisseurs - Document N°4 - Résumé des épaisseurs mesurées jusqu'au début de 2002 entre les couples 65 et 75. daté du 18/09/02

·         Dossier épaisseurs - Document N°5 - Spécification des épaisseurs pour le calcul des éléments finis : modèle C -(Condition selon mesures réalisées jusqu'au début de 2002), daté du 18/09/02

Ces deux dossiers, faisant partie d'un dossier plus général « Dossier Epaisseurs », ont été adressés aux Parties le 23 septembre 2002.

Ces deux dossiers ont été modifiés une première fois en date du 18 février 2003 et ont été transmis aux Parties le 19 février 2003 pour tenir compte :

·         Des mesures d'épaisseurs réalisées à BREST sur les épaves «PONT » et « LA PEROUSE »

·         De certains commentaires contenus dans les Dires du RINA du 18/12/02 et du 07/02/03

Ces deux documents ont été modifiés une seconde fois en Juin 2003 et ont été transmis aux parties le 25 juillet 2003 pour tenir compte de certains commentaires contenus dans les Dires ci après :


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·         De PANSHIP :        Note technique du 22 avril 2003 transmise par lettre du 29 avril 2003

·         Du RINA :               Note technique du 7 avril 2003 transmise par lettre du 7 avril 2003

·         Du FIPOL :             Note technique du 20 juin 2003 transmise par lettre du 19 juin 2003

Ces derniers dossiers sont rassemblés dans le « Dossier Epaisseur » joint en Annexe n°40.

Cette dernière spécification des épaisseurs a été utilisée pour les calculs de structure du navire à savoir :

·         Les calculs des modules de résistance du navire en diverses sections de la tranche 2 (cf. §6.8.1)

·         Les calculs par la méthode des éléments finis (cf. § 6.8.2)

6.8        LES CALCULS DES STRUCTURES

Les calculs de structure se divisent en deux parties :

o        Les calculs dits « réglementaires » qui consistent à vérifier si le navire est conforme aux règlements de la Société de Classification.

o        Les calculs par la méthode des éléments finis qui ont été utilisés par le Collège Expertal principalement pour déterminer les causes de la ruine du navire.

6.8.1    Les calculs réglementaires 6.8.1.i         Généralités

Ces calculs comportent quatre contrôles principaux :

·         Le contrôle des épaisseurs des tôles (pont, fond, murailles, cloisons etc.)

·         Le contrôle des raidisseurs secondaires (lisses de pont, de fond, murailles, cloisons etc.)

·         Ces deux premiers contrôles consistent à réaliser une vérification à partir des règlements de la Société de Classification (application de formules simples)

·         Le contrôle des raidisseurs primaires (les grandes poutres qui soutiennent les raidisseurs secondaires : anneaux transversaux, serres etc.)


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·         Pour les raidisseurs primaires, les règlements donnent également des formules simples pour la détermination de leur échantillonnage ; toutefois pour faire un contrôle précis il est nécessaire de réaliser un calcul sur ordinateur par la méthode des éléments finis (C'est la méthode qui est actuellement toujours utilisée).

·         Le contrôle des modules de résistance de la poutre navire.

Ce sont les éléments essentiels à contrôler sur un navire. La poutre navire doit être suffisamment rigide pour pouvoir résister aux moments fléchissants qu'elle subit : moment en eau calme plus moment de houle.

6.8.1.ii        Application à l'ERIKA

Le navire a été construit en 1975 et classé par la société de classification japonaise Nippon Kaiji Kyokai (NK) conformément à son règlement de l'époque (règlement daté de 1973)

Lorsque le navire a été pris en classe par le RINA en juillet 1998, cette Société a contrôlé le navire « état neuf » par rapport à son règlement de 1998 ; les résultats de ce contrôle sont consignés dans les pièces N° 2 et 2bis du dossier transmis par le RINA. Les résultats montrent que le navire est conforme au règlement 1998 du RINA.

Le Collège Expertal a contrôlé plus particulièrement certains modules de résistance du navire :

Navire à l'état neuf (NK 1973 et RINA 1998) Navire juste avant les réparations à BIJELA (*) Navire juste après les réparations à BIJELA (*) Navire avec les épaisseurs mesurées sur les épaves

(*) (D'après les documents fournis par le RINA tels que le Document PAOLILLO, pièce n° 22 du RINA)

Le document complet rassemblant les quatre points ci-dessus «Etudes des modules de résistance» est joint en annexe (Annexe n° 41)

Les résultats de cette étude des modules de résistance sont donnés dans le tableau ci dessous pour le pont :


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Règlement

Etat navire

Couple

Mini règlement M3

Réalisé M3

Ecart

NK1973

Neuf

Au maître

12.75

12.75

0%

RINA 1998

Neuf

Au maître

12.10

12.75

+ 5.4 %

 

Avant bijela (1)

C 71/72

10.89 (3)

11.09

+ 1.8%

 

Après bijela (2)

C 71/72

10.89

11.29

+ 3.8 %

 

Mesures épaves

C66

10.89

9.82

- 9.83 %

 

 

C 67/68/69

10.89

10.27

- 5.7 %

 

 

C74

10.89

9.32

- 14.42 %

(1)  Suivant "mesures" réalisées en 1998 (Document PAOLILLO, pièce n°22 du dossier
RINA)

(2)  Suivant "mesures" ci-dessus et réparations réalisées

(3) Le module de résistance « navire corrodé » ne doit pas être inférieur à 0.9 fois le module réglementaire « état neuf » (règle unifiée de l'IACS) : 12,10 x 0,9 = 10,89 m3

Conclusion de ces calculs :

o        Le module de résistance réalisé au neuvage était conforme au règlement du NK de 1973 et légèrement supérieur à celui du RINA de 1998.

o        Les modules de résistance avant BIJELA et après BIJELA (suivant les documents fournis par le RINA) étaient à la limite du minimum acceptable (1.8 % et 3.8 %)

o        Les modules de résistance suivant mesures sur épaves étaient inférieurs aux limites admissibles (-5.70 % à -14.42 %)

6.8.2    Calculs par la méthode des éléments finis

Cette méthode consiste à créer un modèle 'informatique' du navire, et à appliquer sur ce modèle les pressions subies par les éléments du modèle (éléments de fond, murailles, cloisons etc..). Le traitement informatique permet d'obtenir les contraintes dans tous les éléments du modèle. Il faut ensuite vérifier si ces contraintes sont inférieures ou égales aux contraintes admises (dites contraintes admissibles) par les Sociétés de Classification. Ce calcul permet en particulier de vérifier le niveau des contraintes dans les raidisseurs primaires (cf. chapitre 6.8.1 ci dessus).

Les objectifs de ces calculs sont les suivants :

1)       Vérifier si l'ERIKA était correctement échantillonné à l'état neuf en vérifiant que les contraintes sont inférieures aux contraintes admissibles réglementaires pour les conditions réglementaires de calculs (avec moment maximum admissible en eau calme et moment maximum de houle réglementaire).



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2)             Vérifier les niveaux de contraintes dans la structure pour les conditions réglementaires ci dessus, avec un modèle correspondant aux documents établis sur l'état de l'ERIKA après réparations à BIJELA.

3)             Vérifier les niveaux de contraintes dans la structure pour les conditions réglementaires ci dessus, avec un modèle représentatif de l'état de l'ERIKA au moment du naufrage (épaves).

4)             Vérifier les niveaux de contraintes dans la structure au moment du naufrage, pour les conditions réelles de mer rencontrées.

5)             Réaliser des calculs de ruine de la structure au moment du naufrage en mode non linéaire (ce type de calcul prend en compte le flambement et les grandes déformations des structures) pour les conditions de mer rencontrées et comparer les résultats aux constatations faites sur les épaves.

Le document «Calculs par la méthode des éléments finis» joint en annexe (Annexe n° 42) donne des précisions détaillées sur tous les calculs réalisés et les résultats obtenus. Les moments fléchissants utilisés pour ces calculs sont définis par l'Annexe 42bis« Etude des moments fléchissants sur houle ».

Le résumé des résultats est le suivant :

1)                                   Le navire était correctement échantillonné au neuvage.

2)                                   Le navire dans son état tel qu'indiqué dans les documents établis après ses réparations à BIJELA, en se référant aux "mesures réalisées" (Document PAOLILLO, pièce 22 du dossier RINA) et aux réparations réalisées, était dans les limites du règlement du RINA

3)                                   Le navire dans son état au moment du naufrage (épaves) se présentait comme suit :

3)-1     En calculs linéaires (les flambements ne sont pas pris en compte) :

Les contraintes étaient à la limite des contraintes admissibles en particulier dans les anneaux transversaux et les cloisons longitudinales (en rappelant que les phénomènes de flambement ne sont pas pris en compte dans les calculs linéaires)

3)-2     En calculs non linéaires -que nous appelons aussi calculs de ruine (les flambements sont pris en compte) :

Les calculs sur houle réelle juste avant l'avarie montrent que les anneaux situés sur l'avant de la citerne 2Td subissaient des contraintes supérieures aux valeurs admissibles compte tenu du flambement de certains éléments de structure. Ces calculs non


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linéaires ont contribué à appréhender le processus de ruine du navire. (Ce processus est décrit dans le chapitre 6.9 suivant)

La conclusion de ces études est que l'ERIKA a péri non pas à cause de contraintes trop fortes (bien qu'elles aient été à la limite des contraintes admissibles dans certains éléments) mais à cause de flambements d'éléments essentiels de la structure qui étaient anormalement corrodés.

Il est connu que le flambement consécutif à de fortes corrosions est souvent à l'origine des sinistres des structures car le coefficient de sécurité d'un élément de structure d'un navire est inversement proportionnel au cube de son épaisseur.

6.9        LE PROCESSUS DE RUINE

Après les mesures d'épaisseur effectuées à partir du CSO CONSTRUCTOR, un calcul préliminaire de ruine du pont (à l'aide du programme MARS du bureau veritas) a été réalisé et a montré que la ruine du navire n'avait pas comme origine première le flambement du pont comme aurait pu le faire penser la situation du navire en contre arc et le niveau élevé de corrosion du pont.

La présence de la cassure longitudinale sur le pont au couple 73 et le niveau important de corrosion des éléments de structure de la citerne 2Td ont conduit à rechercher l'origine de la ruine dans la cassure des tirants des couples 71, 72 et 73 Td. Les résultats des examens sur les épaves et les résultats des calculs ont confirmé le bien fondé de cette recherche.

Le processus qui a conduit à la ruine du navire est le suivant : Avant 12H30 le 11 décembre 1999

1)   Ecrasement par compression des tirants à tribord aux couples 71, 72 et 73. Le bordé de muraille s'enfonce car il n'est plus soutenu par ces tirants.

2)                         Cassure verticale du bordé de muraille au couple 74, sous la flottaison, le long de la cloison transversale.

3)                         Envahissement de la citerne 2Td par cette cassure

4)                         Lorsque la citerne est complètement envahie, les tirants dont les semelles ne sont pas encore cassées, subissent une traction lorsque le navire est sur creux de houle ; les semelles cassent à leur tour en traction .


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Vers 5 H du matin le 12 décembre 1999, début du détachement de l'épave LA PEROUSE

5)                         Cassure des parties hautes et basses de la transversale de muraille du couple 73

6)                         La partie avant de l'épave LA PEROUSE s'ouvre en pivotant autour d'un axe vertical situé juste sur l'avant de la transversale de muraille au couple 72, qui n'est pas encore cassée.

7)   Cassures des parties basses et hautes des transversales de muraille aux couples 72 et 71

8)                         L'épave LA PEROUSE continue de se déchirer (contour haut et bas) vers l'arrière.

9)     Le poids de la partie déjà détachée devient important, et elle se plie suivant une charnière diagonale.

10)                    L'épave LA PEROUSE se détache complètement

11)                    Ce détachement d'une grande partie du bordé de muraille permet à la mer de s'engouffrer dans la citerne au travers de cette grande brèche. Cela engendre des surpressions dynamiques importantes à l'intérieur de la citerne 2Td.

12)   L'ERIKA, compte tenu de ce qui précède, se plie entre les couples 66 et 67 - le pont flambe dans cette zone - ensuite le fond casse par traction - et les deux parties avant et arrière se séparent.

Les étapes de ce processus de ruine sont décrites par la pièce jointe A et les croquis annexés « Descriptif du Processus de Ruine ».

Un document détaillé : « Analyse du processus de ruine » est également joint en annexe (Annexe 43). Ce document détaille tous les éléments rassemblés par le Collège Expertal, qui confirment le processus de ruine décrit ci-dessus.


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