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Conférence IMTM 2014 : la route maritime de la soie
 




Architectes : Boët, Sardou et Pouillon
 
Ce colloque s'est déroulé dans l'amphithéâtre Peiresc au sein de l'université de droit d'Aix-Marseille le jeudi 11 décembre 2014.

M. Scapel, président de l'IMTM et du CDMT présente les participants, M.Philippe Bonfils, doyen de la faculté de droit et de sciences politiques de l'université Aix-Marseille, M. Zhao Jingson, doyen de l'International Shipping Law School, East China University of Political Science and Law (ECUPL) de Shanghai et M. Cyril Bloch, directeur du CDMT.

Au cours de cette présentation, les liens qui unissent la Chine et l'Europe depuis fort longtemps sont rappelés. Deux noms, l'un européen, Marco Polo qui, au 14ème siècle, a suivi la route terrestre de la soie, l'autre chinois, l'amiral Zheng He, qui un siècle plus tard, a mené plusieurs expéditions maritimes jusqu'à l'Egypte et les côtes est de l'Afrique. Enfin, la récente place de 1ère puissance mondiale de la Chine est soulignée. Quatre domaines ont été étudiés, le shipping, les ports, les financements et les transports.
  1. SHIPPING

    1. M. Zhao Jingson, doyen de l'International Shipping Law School a développé à travers son exposé « New State Projects of shipping Related Developments in China” les ambitions chinoises autour de Shanghai.
      • En 2013, une zone de libre-échange a été créée autour de Shanghai (Shanghai Pilot Free Trade Zone ou SFTZ) qui couvre 29 kilomètres carrés et regroupe outre l'aéroport de Pudong, la zone franche de Waigaoqiao (port dans le Yang-Tsé) et la zone franche de Yangshan (port en eau profonde). Cette zone est appelé à s'étendre.
      • Le gouvernement chinois a annoncé en 2009 sa volonté de créer à Shanghai un centre international financier à l'horizon 2020 (Shanghai international and financial hub by 2020).
      • Création d'une nouvelle route de la soie terrestre (new silk road economic belt). Plusieurs hypothèses sont en cours.
      • Création d'une route de la soie maritime du 21ème siècle (21st century Maritime Silk Road). Cette route joint la façade maritime chinoise et le sous-continent Asie d'une part, la côte est de l'Afrique d'autre part. Des investissements chinois sont déjà en cours dans les pays de l'Afrique orientale.
      • Création de la Zone Economique du Yang-Tsé (Yangtze river economic belt). Cette zone comprend 11 provinces et villes le long du fleuve Yang-Tse kiang (appelé Changyang en chinois) de Shanghai à Chongqing, soit une population d'environ 600 millions de Chinois.
      L'ambition des dirigeants chinois est de créer un maillage important, dont un des points est la réalisation de lignes ferroviaires à grandes vitesse, dont la longueur totale dépasse les 12 000 kms.

    2. Mme Monica Michel Bonvalet, chef du département maritime du GPMM, représentait Mme Christine Cabau, présidente du directoire du GPMM. «Shipping via Marseille Fos ». Mme Bonvalet a présenté le Grand Port Maritime de Marseille comme une alternative aux grands ports de l'Europe du nord.
      Le Grand Port Maritime de Marseille concentre sous une même autorité un ensemble de trafics. Transport de marchandises diverses, hydrocarbures, minerais et passagers sont les principaux trafics hébergés sur les sites de Marseille Est et Fos.
      Le port de Marseille se présente comme l'extrémité naturelle de la route de la soie. Traditionnellement en contact avec les continents africain, américain et asiatique, il est la Porte ouverte vers l'Europe du nord. La position géostratégique centrale du port de Marseille-Fos permet de toucher un vaste hinterland grâce à ses offres de transports multimodaux, par voie d'eau maritime ou fluviale grâce à des services réguliers, par navettes ferroviaires, ou par voie routière. On notera aussi que l'aéroport de Marseille-Provence est proche des infrastructures portuaires.
      Des investissements en logistique et distribution, le développement des échanges entre la ville et son port grâce à une politique de rénovation innovante, le développement des accès portuaires dédiés aux transports multimodaux, la diversification énergétique afin d'améliorer l'attractivité du site de Fos sont des clés qui permettront au port de Marseille-Fos de devenir un acteur majeur dans le développement économique de l'Europe.

    3. Dr Zheng Zhihua, International Shipping Law school, East China University of Political Science and Law (ECUPLI) “Legal issues of 21st Century Maritime Silk road and Mediterranean Shipping of China”
      M. Zheng Zhihua a souligné que l'ancienne route de la soie avait autorisé les échanges entre orient et occident.
      « Les philosophes du siècle des lumières se sont inspirés des Chinois dans les domaines de la Nature, l'Humanité et l'Harmonie » (sic).
      La nécessité d'exporter les excédents chinois exige à trouver un autre passage que la traditionnelle voie maritime. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre une voie qui suit le Yang-Tse. Cette voie permettrait également de véhiculer les flux économiques et financiers. Une stratégie de la route de la soie terrestre doit être élaborée en tenant compte de la préservation de l'environnement.

    4. M. Portier, directeur Etudes Projets et Développement CMA CGM, a développé la stratégie de la CMA CGM entre l'Asie et l'Europe.
      Les échanges entre l'Europe et Asie sont marqués par un profond déséquilibre et un marché westbound hésitant et un marché eastbound dynamique. Méditerranée-Asie est une route maritime historique et complexe car elle est marquée par les passages de Gibraltar, Suez, Bab el Mandeb (sud mer Rouge), et Malacca. C'est aussi un passage obligé vers l'Atlantique. C'est enfin une multitude de ports de transbordements.
      M. Portier a aussi abordé l'indice SCFI au départ de Shanghai dit «Shanghai Containerized Freight Index (SCFI) ».
      C'est un indice, en service depuis 2005, rénové en 2009, qui permet de déterminer un taux de fret général et vers 15 routes maritimes. Celui-ci est calculé chaque semaine à partir des taux de fret minimum et maximum des principaux transporteurs et chargeurs. Il intègre les surcharges.
      L'instabilité des taux de fret maritime (General Rate Increases) représente un casse-tête pour les transitaires. L'index SCFI va permettre à un client d'établir un contrat avec des mises à jour possibles sur une semaine jusqu'à un an, tout en se couvrant contre la volatilité du trafic maritime.

  2. PORTS

    1. M. Fan Jinlin, Shanghai International Ports Group. « Port Development in Shanghai Pilot free Trade Zone ».
      Cette Zone Franche de Shanghai (ZFS) a été créée en 2013. Elle recouvre 29 kms carrés C'est un « banc d'essai pour les autorités chinoises afin d'approfondir les réformes orientées vers le marché et doper la vigueur économique» rapporte l'agence officielle.
      Les zones de libre-échange doivent marquer une étape dans la libéralisation de l'économie chinoise. Ainsi la libéralisation du commerce, une réforme financière afin de se mettre en conformité avec les normes internationales, une simplification des systèmes administratifs et un environnement fiscal et règlementaire pour les entreprises sont les buts déterminés.
      M. Fan Jinlin a développé les particularités de la zone de libre-échange de Shanghai. Juridiquement, les autorités ont établi une liste négative qui représente les activités non autorisées dans cette zone : « Tout ce qui n'est pas interdit est autorisé ». Cette liste a été réduite plusieurs fois.
      A ce jour, dix sept activités sont autorisées.

    2. M. Laurent Fedi, Professor Kedge Business School. “Les zones franches: un régime d'exception à développer au profit du commerce extérieur”.
      M. Fedi a d'abord rappelé que les zones franches ont une existence millénaire. Exemple : dans les Cyclades, Délos. Elle a contribué au développement des villes et a connu une croissance exponentielle au XXème siècle. A ce jour près de 2000 zones franches et 600 ports francs sont recensés.
      Le cadre juridique en France tient compte de trois réglementations, internationale, européenne et nationale.
      La convention de Kyoto, établie en 1973, est une convention internationale douanière sur l'harmonisation et la simplification de procédures douanières. Elle a été révisée en 1999 et est entrée en vigueur en 2006. Elle prône des normes et des recommandations pratiques pour des procédures et des techniques douanières modernes. Les zones franches sont détaillées dans l'annexe D, chapitre 2. Selon le code de l'UE (9 oct 2013), les zones franches sont des zones spéciales situées sur le territoire douanier communautaire. Le régime s'applique aux marchandises UE et non UE.
      Les marchandises jouissent de l'extraterritorialité des zones franches et sont exemptes de droits de douane, de TVA et d'autres impositions à l'importation.
      On compte 3 acteurs :
      • Régulateur (représentant de l'État) qui assure la coordination du site
      • Développeur ou manager de la zone en charge des infrastructures
      • Opérateurs (entreprises, transports, …)
      Les zones franches sont des espaces contrôlés et des zones tampons dont le but essentiel est l'entreposage et la transformation. Elles doivent être clôturées, avoir des points d'accès et les marchandises doivent faire l'objet d'une déclaration d'importation et d'exportation.
      Il y a deux types de zones franches :
      • Free trade zone. Zone de transbordement et d'éclatement
      • Export Processing zones. Zone de production manufacturière et de fourniture de services.
      Ce régime dérogatoire est peu encouragé en Europe. Citons pour mémoire, Duisbourg, Malte, Naples, Trieste… L'exemple chinois est à méditer.

    3. Mme Claire Merlin, directrice juridique du GPMM « Les cadres juridiques de l'exploitation des terminaux portuaires ».
      Mme Merlin a rappelé les différentes étapes qui ont conduit à l'élaboration des Grands Ports Maritimes français.
      Réforme portuaire de 1992.
      Cette réforme a mis un terme au régime intermittent des dockers et a autorisé le recrutement de dockers par des sociétés de manutention portuaire grâce à des contrats de droit commun.
      La loi portuaire de 2008 s'articule sur plusieurs axes
      • Evolution de 7 ports autonomes rebaptisés en Grands Ports Maritimes)
      • Organisation de la manutention portuaire
      • Modernisation de la gouvernance des Grands Ports
      • Plan d'investissement
      Les ports restent des établissements publics. Ils deviennent propriétaires des terrains (hors domaine public naturel maritime et fluvial).
      Le conseil d'administration est remplacé par un conseil de surveillance et un directoire. Ce conseil de surveillance comprend des représentants de l'État, des Collectivités locales, de la Chambre de commerce et du personnel.
      Mme Christine Cabau est l'actuelle présidente du directoire du Grand Port Maritime de Marseille. Elle a été nommée par décret.

  3. FINANCEMENTS

    1. Mme Yu Dan, Associate professor International Shipping Law school East China University of political Science and Law (ECUPLI) “On the legal Regime for Aircraft Leasing in China”.
      Une nouvelle politique a permis un changement de régime de leasing en 2007. Grâce aux deux types de zone franche (« Free Trade Zone Leasing » et « Bonded Area Leasing »), des financements d'avions sont apparus par leasing. Mme Yu Dan a commenté le schéma suivant :


    2. M. Benoit Tridon, directeur Credit Agricole Corporate and Investment Bank “Le financement des navires en France /en Europe”.
      Le total des encours financiers maritimes est estimé à 500/600 milliards USD. La part des banques françaises se situe autour de 10%.
      CACIB est la première banque française maritime et pèse environ 16 à 18 milliards USD.





    3. Dr Yang Weiwei, International Shipping Law school East China University of political Science and Law (ECUPLI) “Supply Chain Finance in China”.
      Mme Yang a présenté le schéma suivant qui représente le système financier ci-dessous.



    4. M. Jean-Marie Picard, PDG de CPV Associes «Supply chain et création de valeurs».

      La Supply chain est l'ensemble des opérations nécessaires à la mise à disposition des produits, comprenant l'ensemble des flux de marchandises, information et financiers. Elles s'appuient sur la satisfaction du client, la création de valeurs et la différenciation concurrentielle.
      Les entreprises performantes valorisent la supply chain en plaçant la satisfaction du client au cœur du dispositif. Les flux en temps réels, développement durable, gestion des risques sont quelques exemples de facteurs à ne pas négliger.
      Mais le contexte économique mondial, tel que le ralentissement des échanges mondiaux, la stabilisation des modèles de productions délocalisées, les coûts du transport, les pilotages des flux et des stocks facilités par les innovations techniques doivent amener à une réflexion globale sur une nouvelle stratégie.
      Présentation du modèle « ZARA ».
      C'est un marché ancré sur le secteur textile dont la production est fortement délocalisée. Elle doit faire face à trois réponses logistiques : Produits permanents dont le transport peut être assuré sur le long terme par transport maritime, Produits saisonniers pour lesquels le délai peut être relativement court (maritime ou avion) et réassortiments pour lesquels le délai ne doit pas permettre une rupture de stock en magasin.
      Zara, qui compte plus de 3000 magasins, vise une clientèle férue de mode. Elle assure 70% de sa production en Espagne. Zara s'appuie sur une stratégie « supply chain » puissante dont les critères sont :
      • Un délai de 3 semaines entre production et mise en rayon (3 mois pour HM)
      • Les activités de conception fonctionnent en circuit court (pas de collection été/hiver)
      • Arrivée des produits en boutique en flux continu
      • Seul 50% des produits sont en boutique. Rotation plus rapide des stocks
      Le modèle ZARA se caractérise par une réactivité rapide qui suit les goûts de la clientèle, une flexibilité rendu possible par un bureau de 200 stylistes. Elle repose sur la logistique et la capacité de production. C'est une intégration de la «chaine de valeur».

  4. TRANSPORTS

    1. Ms He Jing, Ocean University of Shanghai « Modernisation of Chinese Maritime Law”
      Ms He Jing a effectué une présentation du droit maritime chinois actuel. Adopté en 1992, il compte 278 articles dans 15 chapitres.
      Certains chapitres s'inspirent de la convention de Bruxelles et des règles de La Haye Visby (HVR) et de Hambourg. Mais le droit maritime chinois manque d'antériorité, certaines parties ont été partiellement traitées, et le CMC n'a pas été mis à jour des amendements postérieurs.
      L'accroissement des échanges commerciaux chinois ont montré également les limites du CMC.
      Il est donc nécessaire de le réformer afin de prendre en compte les normes internationales, revoir les dispositions entre CMC et droit commun et reprendre les articles afin d'en combler les lacunes et les faiblesses des textes.
      Ce projet de modernisation consiste à augmenter le nombre d'articles à 383 et le nombre de chapitres à 17. Plusieurs orientations ont été étudiées pour moderniser le CMC, dont la ratification par la Chine des règles de Rotterdam et l'introduction des dispositions de la convention dans le CMC afin d'introduire un rééquilibrage entre transporteurs et chargeurs.
      Ce projet n'a pas été accepté par l'ANP (Assemblée nationale populaire).

    2. M. Pierre Bonassies, professeur de droit maritime, a fait un exposé sur “30 ans de droit maritime français“.

    3. M. Hou Wei, maritime court WMC, a présenté les « Rotterdam Rules in China ».
      Les Nations Unies ont adopté une convention en 2008 afin d'établir un régime juridique régissant un contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou en partie par voie de mer. Cette convention a été signée le 23 septembre 2009 à Rotterdam. Ce sont les « règles de Rotterdam ». Vingt pays doivent le ratifier pour qu'il entre en vigueur.
      La Chine ne reconnait pas ces règles.
      M. Hou Wei est très critique envers ces règles, lesquelles lui semblent défavorables en particulier pour les intérêts chinois. En effet, les dispositions ne lui paraissent pas de nature à rééquilibrer les droits et obligations entre chargeurs et transporteurs.
      Trois pays seulement ont ratifié à ce jour cette convention.
Ce colloque était très intéressant, malgré les connaissances éloignées d'un capitaine de navire. L'absence de M. Delebecque, dont l'intervention evait porter sur les “Rotterdam Rules in France”, a été regrettée. Les énormes ambitions que la Chine nourrit envers le vieux Continent sont montrées. Mais notre longue expérience de droit maritime en France, dont l'histoire récente a été narrée de façon magistrale par M. Bonassies, doit inspirer une marque de reconnaissance et de respect de la part des nouveaux « maîtres du monde ».

 
Fontaine de la faculté de droit
d'Aix-en-Provence
Ce colloque qui avait lieu dans les locaux de la faculté de droit d'Aix-en-Provence a été l'occasion de (re)découvrir les locaux du CDMT, dont la bibliothèque est l'une des plus riches de France en ouvrages de droit maritime.

L'AFCAN remercie le CDMT et l'IMTM de nous avoir permis de suivre un colloque de grande qualité et dont les sujets sont d'actualité.

Cdt J. PORTAIL

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